Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée le 9 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations unies / Copyright : UN Photo
Qu’est-ce qu’un génocide ?
L’utilisation du terme « génocide » est encadrée par le droit international. Depuis 1948, il répond à des règles bien précises établies dans la Convention sur le génocide des Nations unies. Quelle est la définition juridique du génocide ? Quels sont les actes permettant sa qualification ? Qui a la compétence pour juger un crime de génocide ? Explications.
C’est un mot qui fait ressurgir de profonds stigmates, frappe la mémoire collective, évoque les pires horreurs. Face à ce qu’il provoque, il est crucial d’expliquer quelle est sa définition juridique. Car qualifier un crime de génocide n’est pas une opinion mais le résultat d’une analyse basée sur le droit international.
On doit le terme à Raphaël Lemkin, juriste juif américano-polonais. Réfugié aux États-Unis à la suite de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, il publie, en 1944, un ouvrage intitulé Axis Rule in Occupied Europe. Il y emploie un terme nouveau : génocide, la combinaison des mots de genos (clan ou race) et cide (tuer). Ce faisant, Raphaël Lemkin pose en réalité les premières fondations de l’outil judiciaire international qui visera à punir et à prévenir les crimes de génocide.
Les contours juridiques du génocide
Naissance d’une Convention
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et du génocide des juifs d’Europe, l’Assemblée générale des Nations unies fait du génocide un crime en droit international. Le texte qui l’encadre est la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée à l’unanimité en 1948. Composée de 19 articles, c’est cette Convention qui propose la première définition juridique internationale du génocide.
Définition de la notion de génocide
Ce qui va distinguer ce crime d'un autre tel que le crime contre l'humanité c'est l'intention spécifique de détruire, en tout ou partie, un groupe protégé par la Convention, à savoir un groupe national, racial, ethnique ou religieux. C’est cette notion d’intentionnalité qui fait toute la spécificité du terme de génocide.
Trois éléments déterminent la qualification de génocide
1. Déterminer qu'il s'agit d'un groupe protégé par la Convention : national, ethnique, racial ou religieux (par exemple, un groupe politique n'entre pas dans la définition de la Convention sur le génocide) ;
2. Déterminer que des actes prohibés par la Convention ont été commis ;
3. Déterminer que ces actes ont été commis dans l'intention de détruire.
Un seul de ces cinq actes peut suffire pour qualifier un génocide. Mais chacun des actes doit avoir été commis avec l’intention de détruire. Et les actes doivent viser les individus non pas en tant qu’individus mais en tant que membres du groupe protégé par la Convention.
ARTICLE PREMIER
Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir.
ARTICLE II
Le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ;
ARTICLE III
Seront punis les actes suivants :
a) Le génocide ; b) L'entente en vue de commettre le génocide ; c) L'incitation directe et publique à commettre le génocide ; d) La tentative de génocide ; e) La complicité dans le génocide.
L’importance de l’intention
Aymeric Elluin, chargé de plaidoyer chez Amnesty International France explique en quoi la notion d’intention fait toute la spécificité du crime de génocide.👇
Pour définir un crime de génocide, il n’existe pas de «seuil minimal» ni de «seuil maximal» de victimes effectives. Le nombre de personnes victimes n’est donc pas un critère. S’il y a volonté de détruire un groupe pour ce qu’il est, le terme de génocide est employé. Le critère retenu et indispensable est l’intention de détruire physiquement en tout ou partie le groupe protégé par la Convention. Pour justifier cette intention de destruction physique, la partie du groupe visé doit être substantielle.
Ce qui distingue un génocide d'un autre crime tel que le crime contre l'humanité c'est l'intention spéciale de détruire un groupe national, ethnique, racial ou religieux, tel qu’énoncé par la Convention de 1948.
Les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et crimes de génocide font partie des crimes de droit international les plus graves. C’est en raison de la gravité de ces crimes qu’on les appelle «crimes internationaux» et que la Cour Pénale Internationale a été créée pour en poursuivre les responsables.
Lire aussi : Crimes contre l’humanité, de guerre, d'agression : ce que dit le droit
Il n'existe donc pas de hiérarchie entre ces crimes, ils répondent seulement à des caractéristiques différentes.
Les génocides du XXe et XXIe siècles
Depuis que le terme a été élaboré par Raphaël Lemkin, la qualification de génocide a été reconnue - juridiquement ou politiquement - pour plusieurs drames de notre Histoire récente. Reconnaissance onusienne, reconnaissance des tribunaux compétents, reconnaissance de divers États. Tour d’horizon.
Prévenir un génocide : la responsabilité des États
Conformément à la Convention sur le génocide de 1948, les États ont l’obligation de prévenir un génocide. C’est ce qui fait l’une des spécifiés du crime de génocide. 153 États ont aujourd’hui ratifié la Convention de 1948 sur le génocide.
Chaque État a l’obligation de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir un génocide
➡️ Exemple : la France ayant ratifié la Convention sur le génocide ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale a donc des obligations légales de prévention et de répression du crime de génocide. Si un État viole la Convention, tous les autres États doivent dénoncer la commission du crime devant les tribunaux compétents.
Trois pays ont déjà dénoncé des crimes de génocide, au titre de l’application de la Convention sur le génocide :
• La Bosnie poursuit la Serbie en saisissant la Cour internationale de justice (CIJ) en 1993 car la Serbie a violé son obligation de «prévenir le génocide.»
• La Gambie poursuit le Myanmar en saisissant la CIJ en 2019 pour prévenir des actes de génocide envers les Rohingyas.
• L’Afrique du sud poursuit Israël en saisissant la CIJ en 2023 estimant que le pays viole la Convention à la suite de ses actions à Gaza.
Aller plus loin : Où en sont ces saisies de la Cour international de justice ?
Qui a la charge de juger un génocide ?
Le génocide peut être poursuivi par des juridictions internationales et nationales. Les juridictions compétentes pour poursuivre et juger du crime de génocide sont différentes selon que soient visés des individus ou des États. Au niveau international, il existe la Cour Internationale de Justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI).
• La Cour Internationale de Justice, composée de 15 juges internationaux, juge les litiges entre les États, litiges relatifs à l’interprétation, l’application ou la mise en œuvre de traités internationaux de l'ONU, comme la Convention sur le génocide.
• Quant à la Cour pénale internationale, elle juge les individus responsables des crimes. La Cour pénale internationale n’intervient que si l’État sur le territoire duquel les crimes ont été commis n’a pas la volonté ou la capacité de mener des enquêtes et des poursuites. Cette Cour est compétente pour juger quatre types de crimes qui sont les crimes de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes d’agression commis depuis le 1er juillet 2002.
Lire aussi : Quelles différences entre la Cour Internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI) ?
La poursuite et la répression des auteurs présumés de crimes de génocides a été d'abord le fait de tribunaux pénaux internationaux ad hoc et temporaires, créés par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Les premiers mis en place ont été le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (1993-2017) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (1994-2015). Ces tribunaux ont été les premiers à rendre des jugements contre les personnes responsables de génocide.
Au niveau national, la compétence universelle permet aux juridictions nationales, en lien avec les obligations tirées de la Convention sur le génocide et du Statut de Rome, de poursuivre et de juger ce crime, qu’importe la nationalité de l'auteur, de la victime et le lieu où le crime a été commis.
Le premier procès en France pour crime de génocide date de 2014 contre Pascal Simbikangwa pour les crimes commis au Rwanda à l’encontre des Tutsis en tant qu’ancien capitaine rwandais de la garde présidentielle.
Bien que la notion juridique de génocide puisse sembler complexe, la rigueur dans la qualification et dans le respect des juridictions internationales est primordiale pour lutter efficacement contre l’impunité. Les démarches juridiques peuvent prendre des décennies avant d’obtenir une condamnation pour crime de génocide. Chaque dénonciation œuvre donc à la non perpétration de ces crimes. Lutter contre l’impunité en toutes circonstances est un impératif pour bâtir un monde de justice et de respect des droits. Il en va de l’obligation juridique de tous les États de faire en sorte que cette justice soit exemplaire.
Les yeux du monde sont rivés sur Gaza. Tous les Etats, dont la France, ont un rôle majeur à jouer : ils ont l’obligation de prévenir et de punir le génocide.
Faites pression sur Emmanuel Macron pour qu’il agisse !