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Tout savoir sur le droit de manifester en France
Manifester est un droit fondamental garanti et protégé par le droit international, notamment à l’article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Et en France, comment est-il appliqué ? Explications.
En France, manifester est encadré par le droit français depuis 1935. La législation française sur le droit de manifester ne s’accorde pas toujours avec le droit international. Nos recherches ont pu démontrer que pour encadrer le droit de manifester, la législation française est souvent trop vague et laisse trop souvent place à l’interprétation.
Par exemple, contrairement au droit international, le droit français donne un pouvoir trop large aux autorités pour interdire des manifestations dès qu’elles estiment que celle-ci est de nature à troubler l’ordre public.
Une manifestation non déclarée est-elle illégale ?
En droit international non, en France oui (mais ne devrait pas l’être)
En droit international, manifester ne devrait pas être soumis à une autorisation préalable. La raison avancée : devoir demander une autorisation pour manifester ses opinions aurait un effet dissuasif trop fort. Conséquence : cela limiterait donc l’exercice de cette liberté fondamentale. Les manifestations publiques sont donc présumées légales.
Mais en France, c’est différent. Et c’est là qu’on vous disait que dans ses lois, la France joue sur les mots.
En droit français, une manifestation doit être déclarée pour être légale. La déclaration doit être faite en mairie ou à la préfecture de police de Paris, pour la capitale, dans un délai compris entre 15 jours et 48 heures avant la manifestation. Les organisateurs doivent donner leurs noms, adresses, l’objectif, la date, le lieu, et le parcours de la manifestation. Cette déclaration oblige les autorités à délivrer un récépissé, mais n’enclenche pas de mécanisme d’autorisation.
Donc en France, une manifestation n’a pas besoin d’être autorisée pour être légale, mais en revanche, elle doit obligatoirement être déclarée. La loi française ne le dit pas tel quel, mais concrètement, une manifestation non déclarée devient en fait illégale, ce qui revient à faire de la déclaration préalable une sorte de mécanisme d’autorisation.
Le code de la sécurité intérieure punit de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait d’organiser une manifestation sans la déclarer ou en la déclarant de manière volontairement erronée ou trompeuse, ainsi que le fait de maintenir une manifestation après son interdiction.
Dans quel cas les autorités peuvent-elles interdire une manifestation ?
Interdire une manifestation ne doit intervenir qu'en dernier ressort si aucune autre mesure moins restrictive ne peut permettre de garantir l’ordre public.
Les moyens employés pour restreindre le droit de manifester doivent être strictement proportionnés au but poursuivi. Par exemple, interdire une manifestation en simple prévision de « risques de heurts » serait disproportionné. Dans ce cas, d’autres options peuvent être envisager comme le changement de parcours ou des moyens matériels supplémentaires mis à disposition pour encadrer la manifestation.
En France, le droit donne un pouvoir trop large aux autorités pour interdire des manifestations dès qu’elles estiment que celle-ci est de nature à « troubler l’ordre public ». Cette formulation laisse trop de marge aux maires ou aux préfets pour interdire, car l’atteinte à l’ordre public n’a pas besoin d’être vraiment prouvée, des « craintes » ou un risque théorique sont suffisants.
Quelles lois françaises sont contraires au droit international ?
La loi « anti-casseurs » : elle est trop large
Depuis avril 2019, la loi anti-casseurs interdit de se dissimuler le visage en manifestation « sans motif légitime ». C’est bien trop large et général. Ni nécessaire, ni proportionné.
Il y a de multiples raisons possibles pour en venir à se couvrir le visage en manifestation : pour se protéger des lacrymogènes, parce qu’on ne pas souhaite pas être filmé, parce qu’on a choisi de porter des masques pour exprimer une revendication ou pour se protéger d’un virus, etc. Aujourd’hui, la loi française permet d’arrêter et de poursuivre une personne qui aurait simplement un chapeau et des lunettes de soleil ou un masque en carton pour se protéger de la poussière. Cette personne doit désormais prouver qu’elle avait un motif légitime pour porter ces accessoires.
En 2019, 41 personnes ont été condamnées en France sur ce motif, selon les données du ministère de la Justice.
La loi "anti-casseurs" doit être plus spécifique. Par exemple, interdire de se cacher le visage en vue de dissimuler son identité pour commettre des violences.
La loi sur l’outrage : elle restreint la liberté d’expression
En droit français, il peut y avoir outrage envers un policier pour toute parole, geste ou écrit qui « porte atteinte à la dignité ou au respect lié à sa fonction ». Une définition très large, qui laisse une forte marge d’interprétation pouvant entraîner des décisions arbitraires et des abus. Des personnes ont ainsi été poursuivies pour outrage pour avoir critiqué le gouvernement ou scandé des slogans. C’est une entrave à la liberté d’expression.
À Narbonne, Lise a été convoquée au commissariat, puis a reçu un rappel à la loi pour outrage, pour avoir déployé une bannière « Oui au muguet, non au LBD » à l’occasion du 1er Mai. En outre, dans plusieurs cas, le délit d’outrage est invoqué par des policiers accusés de violences policières. On peut craindre que l’objectif soit d’intimider les victimes ou les témoins.
En 2019, 20 280 personnes ont été condamnées pour outrage en France (mais pas uniquement dans un contexte de manifestation).
En droit international, seuls les discours de provocation à la haine, la discrimination ou la violence justifient de telles restrictions à la liberté d’expression. La loi française va trop loin : les outrages à agent public devraient être traités au civil, et pas comme des infractions pénales.
La loi sur l’attroupement : elle est spéculative
Pour la loi française, tout rassemblement public susceptible de troubler l'ordre public est passible de sanction : c’est le délit d’attroupement (article 431-1 du code pénal). Les autorités peuvent donc poursuivre des manifestants si elles ont eu l’impression qu’ils avaient l’intention de troubler l’ordre public. Le simple risque est donc pénalisé.
Des manifestations ont ainsi été considérées comme des attroupements et sommées de se disperser simplement parce qu’elles n’étaient pas déclarées. Certains participants ont été poursuivis pour attroupement alors qu’ils étaient rassemblés pacifiquement. En droit international, il est admis que les autorités doivent tolérer un certain désordre pour permettre l’exercice de la liberté d’expression (l’entrave à la circulation, par exemple). L’entrave à la circulation par exemple ne peut être considéré comme « un trouble à l’ordre public »
En 2019, 42 personnes ont été condamnées pour organisation d’une manifestation non déclarée, soit sept fois plus qu’en 2018 et 244 personnes ont été condamnées pour attroupement.
La loi sur l'attroupement ne devrait sanctionner que les rassemblements qui menacent réellement l’ordre public, et pas ceux qui sont considérés comme « susceptibles » de le faire
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