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Policiers égyptiens dans les rues
Policiers égyptiens dans les rues ©AFP/Getty Images
Justice internationale et impunité

Égypte : les disparitions forcées instruments clés de la politique d'État

L'agence nationale de sécurité égyptienne (NSA) enlève des personnes et les soumet à la torture afin d'intimider les opposants et d'éliminer la contestation pacifique, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public mercredi 13 juillet qui attire l'attention sur une multiplication des disparitions forcées sans précédent depuis le début de 2015.

3 à 4 personnes font l’objet d’une disparition forcée

Le rapport « Egypt. ‘Officially, you do not exist’: Disappeared and tortured in the name of counter-terrorism » montre que des centaines d'étudiants, de militants politiques et de protestataires, parmi lesquels figurent des adolescents âgés de 14 ans seulement, ont disparu aux mains de l'État, sans laisser de traces. Chaque jour, trois ou quatre personnes en moyenne sont capturées, selon des ONG locales, généralement lors de descentes effectuées à leurs domiciles par des membres des forces de sécurité lourdement armés et dirigés par des agents de la NSA. Beaucoup sont maintenues en détention plusieurs mois d'affilée, et souvent menottées et les yeux bandés pendant toute cette période. Les disparitions forcées sont devenues un des instruments clés de la politique d'État de l'Égypte. Toute personne qui ose exprimer des critiques est en danger, la lutte contre le terrorisme servant de prétexte pour enlever, interroger et torturer les gens qui contestent la politique des autorités.

Amnesty international demande au président al Sissi de mettre en place de toute urgence une commission d'enquête indépendante chargée d'examiner les allégations de disparition forcée, de torture et d'autres mauvais traitements infligés à des détenus par la NSA et d'autres services, et habilitée à enquêter sur tous les organes gouvernementaux, y compris l'armée, sans interférence.

Disparitions forcées accompagnées de violences sexuelles sur mineur

Le rapport expose les cas de 17 personnes qui ont été soumises à une disparition forcée : elles ont été maintenues en détention au secret pour une période allant de plusieurs jours à plusieurs mois, privées de tout lien avec le monde extérieur et de tout contact avec leurs avocats et leur famille, et de toute supervision par une autorité judiciaire indépendante. Le rapport fait aussi état des actes de torture infligés aux victimes lors des interrogatoires, qui peuvent durer sept heures, afin de leur arracher des « aveux » par la suite utilisés contre elles lors des audiences devant les procureurs, et lors des procès pour obtenir leur condamnation. Dans certains cas, les victimes de torture étaient des mineurs. Le cas de Mazen Mohamed Abdallah est particulièrement révoltant : il a été soumis à une disparition forcée en septembre 2015, alors qu'il avait 14 ans, et à de très graves violences ; il a notamment été violé à plusieurs reprises avec un bâton, afin qu'il fasse de faux aveux.

Pression sur les proches des victimes et déni

Dans d'autres cas, des proches de la victime ont été arrêtés afin de faire pression sur elle et de l'amener à faire des « aveux ». En juillet 2015, Atef Farag a été arrêté en même temps que son fils Yehia, âgé de 22 ans. La famille pense qu'Atef a été arrêté pour avoir participé à un sit-in, et que son fils, qui est handicapé, a été appréhendé afin de faire pression sur lui et de l'obliger à « avouer » de graves infractions. Ils ont tous les deux été maintenus en détention pendant 159 jours, et ils sont actuellement inculpés d'appartenance à l'organisation des Frères musulmans, interdite en Égypte. La disparition forcée augmente le risque de torture et d'autres mauvais traitements, soustrait la victime à la protection de la loi, et a aussi des effets dévastateurs sur les familles qui restent sans aucune nouvelle de leur proche, malgré leur signalement.

La justice égyptienne complice des tortionnaires

Le rapport présente une image très sombre du parquet égyptien, qui a manifestement accepté à titre de preuve des éléments douteux présentés par la NSA – qui a régulièrement falsifié la date d'arrestation afin de garder secrète la durée de la période de détention dans les conditions d'une disparition forcée –, qui a basé des mises en accusation sur des « aveux » extorqués par la force, et qui s'est abstenu d'enquêter sur les allégations de torture, par exemple en ordonnant un examen médical et en le consignant dans le dossier.

Le prétexte fallacieux de la lutte contre le terrorisme

De nombreuses puissances étrangères considèrent l'Égypte comme un partenaire essentiel dans la région en matière de lutte contre le terrorisme, et un grand nombre d'États ont utilisé cet argument pour fournir à l'Égypte des armes et des équipements connexes malgré les éléments prouvant qu'ils sont utilisés pour commettre de graves violations des droits humains.

Au lieu de continuer de fournir aveuglément des équipements de sécurité et de police à l'Égypte, ils devraient mettre un terme à tous les transferts d'armes et d'équipements qui sont utilisés pour commettre de graves violations des droits humains en Égypte, jusqu'à ce que des garanties efficaces soient mises en place pour empêcher de tels agissements et jusqu'à ce que des enquêtes exhaustives et indépendantes soient diligentées et les responsables présumés déférés à la justice.