Amnesty International a décidé d’enquêter sur de possibles violations du droit de manifester en France. Pour cela, nous déployons notamment des équipes d’observateurs dans un certain nombre de manifestations.
La liberté de réunion et de manifestation pacifique est l’un des droits essentiels que nous nous attachons à défendre depuis notre origine.
Depuis l’instauration de l’état d’urgence en France le 14 novembre 2015, nous avons été alertés sur de nombreuses situations tendant à restreindre ce droit : interdictions généralisées de manifester pendant la COP21, interdictions individuelles et collectives de manifester,… Depuis plusieurs mois aussi nous remontent des signalements pour violences, tant de la part de certains manifestants que des forces de l’ordre.
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Face à cette situation, Amnesty International a décidé d’enquêter de manière approfondie sur ces possibles violations du droit de manifester dans une France en état d’urgence. C’est dans ce cadre que nous avons décidé de déployer des équipes d’observateurs dans un certain nombre de manifestations potentiellement « à risque ». Depuis le 28 juin 2016, nos équipes ont observé plusieurs manifestations contre la loi travail, et celles-ci seront déployées dans d’autres manifestations et rassemblements à caractère pacifique, et dont les organisateurs n’incitent ni à la haine ni à la violence.
Observer, pour quoi faire ?
Documenter
Notre présence vise d’abord à avoir une meilleure compréhension du contexte dans lequel se déroulent les éventuelles violations, et à les documenter, par une observation directe des faits si possible, et/ ou par le recueil de témoignages et d’autres éléments de preuve. Les missions d’observation alimentent donc notre travail d’enquête plus large sur de possibles restrictions abusives au droit de manifester en France. Au cours de cette recherche nous sommes amenés à recueillir des témoignages, vérifier et croiser des informations, rencontrer les différents acteurs concernés (manifestants, organisations syndicales, journalistes, forces de l’ordre, autorités ….).
Dénoncer de potentielles violations… publiquement, ou auprès des autorités
Il est rare que l’observation seule permette d’avoir une vision totalement fiable, impartiale et exhaustive d’une éventuelle violation constatée. L’observation doit souvent être complétée par du recueil de témoignages, et une analyse juridique des éléments recueillis. C’est pourquoi nous nous refusons généralement à communiquer systématiquement, et à chaud, sur les éléments constatés. Néanmoins, si des violations graves et avérées sont constatées au cours d’une observation, nous nous réservons bien sûr le droit de dénoncer publiquement ces violations. Nous sommes également amenés à dénoncer les violations constatées directement auprès des autorités publiques concernées, par des courriers, ou lors d’entretiens à notre demande, et à leur soumettre nos recommandations.
Une observation impartiale
Les missions d’observation ne constituent en aucun cas un appui ou une adhésion au motif de la manifestation ou du rassemblement, ni aux revendications des manifestants. Elles ont pour but de documenter, de manière impartiale, les éventuelles violations aux droits humains – notamment au regard du droit de réunion et de manifestation - qui pourraient y être commises. Dans le cadre de notre travail de défense des libertés en France, nous sommes en contact avec les autorités et instances gouvernementales. Pour toute observation, nous prévenons également dans toute la mesure du possible les autorités compétentes de notre présence lors de chaque mission. C’est aussi la raison pour laquelle nos équipes portent aussi des signes distinctifs apparents (t-shirts, chasubles…) indiquant aux parties en présence (manifestants et forces de l’ordre) le rôle qui est le nôtre.
Les observateurs d'Amnesty International dans une manifestation en septembre 2016 © Pierre Bouvier - Le Monde
Observation des manifestations, une première pour Amnesty ?
Notre organisation a peu eu recours jusque-là à un travail d’observation en France: une première mission d’observation s’était tenue à l’occasion du contre-sommet du G8 à Evian en 2003. Mais des missions aux objectifs et modalités relativement similaires sont régulièrement menées par notre mouvement dans d’autres pays. On peut notamment citer les observations menées aux Etats-Unis, lors des évènements de Ferguson en 2013 ou lors des mobilisations de communautés autochtones dans le nord Dakota en 2016, à Hong-Kong pendant le mouvement dit des « parapluies », en Turquie lors du mouvement de Gezi, ou en Europe de l’est à l’occasion de marches de fiertés réprimées.
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