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URGENCE PROCHE ORIENT

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En 1988, des milliers de personnes ont été éxécutées dans les prisons iraniennes. © Privé
Justice internationale et impunité

Iran : 30 ans d’impunité

En Iran, des milliers de personnes ont été victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires dans les prisons en 1988. En cachant la vérité sur le sort de ces dissidents politiques, les autorités iraniennes continuent de se rendre responsables de crimes contre l’humanité.

Notre récente enquête dévoile le tissu de dénégations et de distorsions que les autorités perpétuent depuis 30 ans, à l’intérieur du pays comme à l’étranger, afin de dissimuler la vérité.

Elles ont fait « disparaître » et ont supprimé de manière systématique des milliers de dissidents politiques en quelques semaines entre fin juillet et début septembre 1988.

L’ONU doit mener une enquête indépendante sur ces crimes contre l’humanité.

1988 : le « massacre des prisons »

Fin juillet 1988, les autorités ont décidé le confinement des prisons partout dans le pays et suspendu les visites familiales, sans donner aucun motif.

Au cours des semaines qui ont suivi, au moins 5 000 dissidents politiques ont été exécutés de manière extrajudiciaire dans le cadre d’une opération coordonnée visant à éliminer l’opposition politique.

À travers l’Iran, des groupes de prisonniers ont été rassemblés, ont eu les yeux bandés et ont été conduits devant des commissions composées d’un procureur et de représentants de la justice, des services de renseignement et de l’administration pénitentiaire.

Ces « commissions de la mort » ne ressemblaient en rien à un tribunal et leur procédure était sommaire et arbitraire à l’extrême : aucune possibilité de faire appel à aucun stade de la procédure.

On interrogeait les prisonniers pour savoir s’ils étaient prêts à se repentir au sujet de leurs opinions politiques et à déclarer leur loyauté à la République islamique.

Ils n’ont pas été informés du fait que leurs réponses pouvaient les conduire à la mort. Bien souvent, ils apprenaient qu’ils allaient être exécutés quelques minutes seulement avant d’être alignés devant un peloton d’exécution ou placés sur une potence, un nœud coulant autour du cou.

La plupart purgeaient des peines de prison prononcées des années auparavant. Certains avaient été détenus pendant des années sans procès, d’autres avaient déjà purgé leur peine et devaient être remis en liberté. Beaucoup étaient incarcérés en raison de leurs opinions politiques et de leurs activités pacifiques, par exemple pour avoir distribué des tracts et participé à des manifestations.

Lire aussi : L'Iran cache ses crimes

La souffrance des familles

Les autorités iraniennes refusent de reconnaître les massacres, de dire aux familles quand, comment et pourquoi leurs proches ont été tués et d’identifier et de restituer les dépouilles.

Depuis 30 ans, les familles des victimes sont privées du droit d’inhumer leurs proches et de faire leur deuil. Ceux qui osent rechercher la vérité et réclamer justice sont constamment en butte au harcèlement, à l’intimidation, aux arrestations et détentions arbitraires, ainsi qu’à la torture et autres mauvais traitements.

Les autorités iraniennes continuent leurs attaques cruelles contre les familles et garantir leur droit à la vérité, à la justice et à des réparations : il faut restituer les dépouilles des victimes et identifier les restes en autorisant des exhumations professionnelles de charniers et des analyses ADN.

Pour les besoins de cette enquête, nous avons recueilli les témoignages de plus de 100 proches des victimes et survivants à travers l’Iran, et avons examiné des centaines de documents historiques, des rapports et des mémoires, ainsi que des déclarations de l’ONU et des autorités iraniennes.

Nous avons recoupé les listes des noms de milliers de défunts et examiné les certificats de décès : fait étonnant, la plupart ne mentionnent aucune explication ou citent des « causes naturelles » comme cause du décès.

Ces recherches révèlent l’ampleur nationale et la répartition géographique des massacres, et identifient au moins 32 villes en Iran où se sont déroulées de telles atrocités.

De hauts responsables impliqués dans les massacres

La plupart des représentants de l’État ayant participé aux « commissions de la mort » en 1988 ont occupé, et parfois occupent encore, des postes de pouvoir en Iran.

En août 2016, l’enregistrement audio d’une rencontre remontant à août 1988 a fuité. On entend certains hauts responsables de la « commission de la mort » de Téhéran discuter de son atroce mission.

En réaction aux remous suscités par cette révélation, les dirigeants iraniens ont ouvertement célébré les événements de 1988, glorifiant la purge et expliquant que les responsables méritaient de recevoir des médailles d’honneur.

Ces déclarations s’inscrivent dans une campagne de 30 années de désinformation, qui minimise l’ampleur du massacre et diabolise les victimes, cette « poignée de terroristes ».

La déformation grotesque de la vérité au sujet de ces crimes de haine, alliée à l’absence évidente de remords chez ceux qui ont du sang sur les mains, est des plus infâmes. Toutes les personnes ayant participé à commettre et dissimuler ces crimes ne sont toujours pas traduites en justice.

L’ONU doit agir

L’ONU et la communauté internationale ont gravement manqué à leur devoir envers les familles et les victimes. La Commission des droits de l’homme de l’ONU de l’époque n’a pas condamné ces agissements, tandis que l’Assemblée générale de l’ONU n’a pas saisi le Conseil de sécurité de cette situation.

Les autorités iraniennes se sont ainsi senties libres de continuer de nier la vérité et d’infliger des tortures et des mauvais traitements aux familles.

En l’absence de perspective de justice pour les victimes en Iran, il est d’autant plus crucial que l’ONU mette sur pied un mécanisme international indépendant, impartial et efficace afin de contribuer à traduire en justice les responsables présumés de ces crimes ignobles.

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