Les autorités soudanaises n'ont toujours pas rendu justice aux victimes de la violente répression qui s'est abattue sur des manifestants dénonçant l'austérité à Khartoum en septembre 2013.
Pas moins de 185 manifestants et autres civils ont été tués, pour la plupart d'une balle dans la tête ou la poitrine, ont révélé l'ACJPS et Amnesty International dans un rapport conjoint publié en septembre 2014. Des centaines de personnes ont été blessées et plus de 800 autres arrêtées et détenues parfois pendant plusieurs semaines. Bien qu'il semble que le Soudan soit parvenu à occulter les terribles violences de septembre 2013, les familles des victimes continuent de réclamer justice, a déclaré Mossaad Mohamed Ali, directeur de l'ACJPS. Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, qui consacre actuellement une session au Soudan, doit faire pression sur ce pays en vue d'amener les responsables à rendre des comptes pour le bain de sang qui s'est déroulé dans les rues de Khartoum et d'autres villes, et de rendre justice aux victimes d'homicides, de violences et d'autres atteintes aux droits humains. Les autorités soudanaises ont réagi en réprimant violemment les manifestations d'ampleur qui se sont répandues à travers le pays à la suite de l'annonce de mesures d'austérité le 22 septembre 2013. Les forces de sécurité et des hommes armés leur étant affiliés ont utilisé des balles réelles, des gaz lacrymogènes et des matraques.
L'incapacité des commissions d'enquête
Si le Soudan a mis sur pied trois commissions d'enquête, les conclusions auxquelles elles sont parvenues n’ont jamais été rendues publiques. Toutes les initiatives visant à obtenir ces conclusions sont restées vaines. En septembre 2014, l'expert indépendant de l'ONU sur le Soudan a déclaré que les informations fournies par le gouvernement n'apportent pas « la preuve que des investigations approfondies et indépendantes ont été menées ». En novembre 2015, un représentant du ministère de la Justice a annoncé qu'une enquête du ministère avait révélé que 86 manifestants seulement avaient été tués et que quatre membres des forces de sécurité avaient été arrêtés en lien avec ces faits. De nombreuses familles de victimes ont tenté d'engager des poursuites à la diligence de la victime. Cependant, à notre connaissance, aucune poursuite n'a abouti et une seule affaire, concernant l'homicide d'une pharmacienne, Sarah Abdelbagi, abattue devant chez elle à Omdurman lors des manifestations, est allée jusqu'au procès. Un policier a été reconnu coupable du meurtre de cette femme, mais sa condamnation a été annulée en appel en mai 2014 pour manque de preuves.
Clore les dossiers avec la "diya"
Le ministère soudanais de la Justice a tenté de clore les dossiers en versant de l'argent (la diya) aux familles des 86 victimes identifiées dans le cadre des enquêtes menées par le gouvernement. Cette mesure offre une réparation insuffisante pour ces violations et une garantie insuffisante de non-répétition. Le gouvernement n’a pas veillé à ce que des enquêtes exhaustives, approfondies et efficaces soient menées, ni à ce que les auteurs de ces homicides soient poursuivis en justice. Dans le cadre de 16 affaires qui ont donné lieu à une enquête et pour lesquelles des poursuites sont en instance, un ensemble d’immunités protège les agents des forces de sécurité et de l'ordre, et fait obstacle à la justice. La répression de septembre 2013 est emblématique du recours à la force meurtrière contre des manifestants pacifiques et de l'impunité pour les violations des droits humains au Soudan, a déclaré Sarah Jackson, directrice adjointe pour l'Afrique de l'Est, la Corne de l'Afrique et les Grands Lacs à Amnesty International. Les États membres du Conseil des droits de l'homme qui examinent actuellement le bilan désastreux du Soudan en matière de droits humains doivent fortement inciter le pays à prendre en considération les droits des victimes.