En Irak, la campagne mortelle de harcèlement, d’intimidation, d’enlèvements et d’homicides délibérés à l’égard des militants et manifestants continue.
Nous avons recueilli des témoignages de manifestants, militants et proches de disparus à Bagdad, Karbala et Diwaniya, en Irak. Pour eux, aujourd’hui, il « n’y a pas d’endroits sûrs » dans le pays et les autorités mènent « une campagne de terreur ».
Face à cette situation, l’inaction du gouvernement reflète, au minimum, son assentiment et, dans certaines circonstances, sa complicité dans des cas de disparitions forcées, de torture et d’homicides illégaux de personnes manifestant pour réclamer le respect de leurs droits humains. Le fait que le gouvernement ait démissionné ne signifie pas qu’il peut se dérober à ses responsabilités. Il reste la première autorité responsable de protéger toute la population du pays, y compris les manifestants, qui doivent être autorisés à se réunir pacifiquement sans craindre d’être victimes de représailles.
Mais à ce jour, l’absence totale de réaction de la part des autorités ces dernières semaines a ouvert la voie à une nouvelle phase de cette tentative claire d’écraser les manifestations en Irak, en répandant la peur au sein de la population.
Homicides ciblés
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La semaine dernière, plusieurs tentatives d’homicide visant de manifestants ont été signalées. D’après des manifestants, le ciblage aléatoire a créé une atmosphère de peur. « Nous essayons tous de comprendre la logique. Mais quand un manifestant ordinaire et un militant de premier plan sont pris pour cible de la même manière, il n’y a qu’un objectif : terroriser tout le monde, cibler tout le monde. », raconte un manifestant.
Le militant Fahem al Tai a été abattu le 8 décembre dans la ville de Karbala (sud du pays). A Bagdad, le corps d’Ali Najm al Lami, un autre militant, a été découvert avec une blessure par balle à la tête, après qu’il ait participé aux manifestations sur la place Tahrir.
Un manifestant de Bagdad témoigne : « Ils nous ont tiré dessus et maintenant, ils nous attendent dans des ruelles et près de chez nous... Avant ces fusillades, nous avons eu une semaine de “nuits des couteaux”. Des hommes et des garçons en civil se faisaient passer pour des manifestants et provoquaient des affrontements. J’ai vu un garçon essayer d’agresser sexuellement une manifestante, et lorsque les autres garçons à proximité sont intervenus pour l’en empêcher, il s’est battu avec eux. Soudain, d’autres hommes et garçons frappaient les manifestants, et dans le chaos, trois manifestants ont été poignardés et personne ne sait par qui. »
« Ils nous ont tiré dessus et maintenant, ils nous attendent dans des ruelles et près de chez nous... Avant ces fusillades, nous avons eu une semaine de “nuits des couteaux”
un manifestant à Bagdad
Un manifestant de Diwaniya nous a expliqué avoir échappé, avec un autre manifestant, à des hommes armés qui avaient tiré six ou sept fois sur leur voiture après les avoir arrêtés et leur avoir demandé de sortir du véhicule. Des représentants de l’État ont ensuite confirmé devant témoin que les hommes armés étaient des membres de la police.
Enlèvements et disparitions
Dans le cadre de la pratique de disparitions et d’enlèvements mise en œuvre dans le pays, le militant en faveur de l’environnement Salman Khairallah Salman et un autre manifestant ont été soumis à une disparition forcée dans le quartier d’al Kadhmiyah, à Bagdad. Ils s’y étaient rendus pour construire des tentes pour les manifestants de la place Tahrir. Bien qu’ils en aient informé les autorités, leurs proches sont depuis sans nouvelles des deux hommes.
Plusieurs autres manifestants qui avaient été soumis à des disparitions forcées le 6 décembre dans la zone d’al Sinek, à Bagdad ont été libérés le 11 décembre. Des images vidéo montrent les manifestants libérés avec des contusions et dans l’incapacité de marcher sans aide. Un témoin a décrit l’un des manifestants libérés : « Son visage était bleu. Il avait clairement été frappé. » Les manifestants ont déploré le silence des autorités face aux enlèvements et aux tentatives d’homicide. L’un d’eux a déclaré : « Il est inimaginable que toutes les images de vidéo-surveillance n’aient pas permis une seule arrestation. Le gouvernement a démissionné et il semble avoir oublié qu’il a toujours le devoir de protéger la population. »
Face à la gravité de la situation, la communauté internationale doit prendre des mesures de toute urgence pour y mettre un terme. La population irakienne souffre trop, depuis trop longtemps des cycles de violence successifs. Cela doit prendre fin.