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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

TOPSHOT - Iraqi demonstrators gather in al-Khalani square in central Baghdad on November 9, 2019, during clashes with Iraqi forces. - Iraqi forces unleashed live ammunition as they pushed towards the capital's main anti-government protest camp, after political leaders agreed to stand up the government by any means -- including force. (Photo by SABAH ARAR / AFP)
Liberté d'expression

Irak: des manifestants tués délibérément

Notre nouvelle enquête exclusive en collaboration avec le SITU Research prouve que les forces de sécurité irakiennes ont délibérément utilisé des grenades fumigènes pour tuer, plutôt que disperser les manifestants depuis octobre 2019. 

Notre site interactif, Smokescreen – Iraq’s use of military-grade tear gas grenades to kill protesters, présente une reconstitution en 3D des événements meurtriers capturés en vidéo autour de la place Tahrir et du pont Al Joumhouria à Bagdad. Depuis le mois d’octobre 2019, le gouvernement irakien y avait tiré des grenades de type militaire directement sur les foules, blessant mortellement au moins 20 manifestants. Cependant, le chiffre réel pourrait être bien plus élevé. Après une accalmie en novembre et décembre, des images attestant de leur usage ont recommencé à sortir en janvier et février 2020. 

Lire aussi : Des grenades militaires lancées sur les manifestants

D’après les simulations balistiques et les analyses spatiales présentées sur le site Smokescreen, qui évaluent ces armes en fonction des espaces urbains dans lesquelles elles ont été déployées, les projectiles ont été tirés pour tuer ou causer des blessures graves. C’est une violation flagrante du droit international relatif aux droits humains.

L’Etat utilise des armes de guerre 

Nous avions déjà identifié le danger des grenades distinctives – parfois surnommées « fumigènes » par les manifestants – qui semblent être des variantes de grenades militaires hautement explosives. On en dénombre notamment trois types : les grenades M99 produites par le fabricant serbe Sloboda Ĉaĉak, ainsi que les grenades lacrymogènes M651 et les fumigènes M713, fabriquées par l’Organisation des industries de la défense (DIO) en Iran. Des conclusions confirmées par des enquêteurs indépendants spécialisés dans les armes. 

Pesant environ 250 grammes, ces grenades sont jusqu’à 10 fois plus lourdes que les cartouches lacrymogènes standard. Cependant, elles sont tirées à une vitesse similaire. Leur impact est donc beaucoup plus fort. Une telle force a occasionné de terribles dégâts, car les lourds projectiles ont transpercé les crânes et les corps des manifestants, les blessures ouvertes laissant souvent échapper des volutes de fumée. Les images des victimes comptaient parmi les plus choquantes jamais vues par nos enquêteurs. 

Dans l’intention de tuer, et non de disperser 

Sur la base de vidéos authentifiées, notre Crisis Evidence Lab (Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises) et SITU Research ont reconstitué la manière dont les forces de sécurité irakiennes ont employé ces armes. 

SITU Research s’est servi d’un modèle 3D pour simuler le tir d’une grenade dans du gel balistique. Cette analyse est couramment réalisée par les experts en armements et les spécialistes en criminalistique pour tester le type et la gravité des blessures causées par différents projectiles.. L’impact de la grenade dans le gel fut étonnamment similaire à celui d’une arme de calibre 12 spécialement conçue pour la chasse. En d’autres termes, lorsqu’elles sont tirées directement sur une cible, de manière plongeante, les grenades censées être « à létalité réduite » sont tout aussi mortelles que les armes lourdes conçues pour tuer. 

Cette nouvelle analyse ne fait que renforcer notre conviction selon laquelle ces munitions ne peuvent pas être employées de manière légitime pour maintenir l’ordre lors des manifestations. Ces armes étaient pourtant toujours utilisées en février 2020.