En France, la loi pénale est régulièrement appliquée pour arrêter et parfois poursuivre des manifestants pacifiques. Mais cette application arbitraire de la loi est allée au-delà : des journalistes, des secouristes bénévoles et des observateurs des droits humains ont aussi été victimes de cette répression.
Elodie, interdite de venir à Toulouse pendant 6 mois pour avoir été secouriste bénévole
Élodie, infirmière, assistait à la manifestation du 1er mai 2019 à Toulouse en tant que « Street medic » et était clairement identifiable comme telle : casque avec une croix rouge, brassard et matériel de premiers soins. Malgré cela, à la fin de la manifestation, elle a été arrêtée suite à un contrôle d’identité et une fouille, et a passé 24 heures en garde à vue pour participation à un attroupement après sommations. Élodie nous a raconté que la police leur avait demandé pourquoi ils ne s’étaient pas dispersés. « Nous sommes absolument neutres, a-t-elle dit, et nous prodiguons les premiers soins à tous ceux qui en ont besoin, qu’ils soient manifestants, passants ou policiers. La plupart des affrontements ont lieu à la fin des manifestations, après les ordres de dispersion, alors nous restons généralement jusqu’à la fin ». Le parquet lui a proposé ainsi qu’aux trois autres bénévoles présents avec elle une composition pénale, c’est-à-dire une sanction pour éviter d’aller jusqu’au procès. Élodie a décidé de l’accepter : « Nous voulons en finir avec cette histoire. Nous ne voulions pas prendre de risques et nous ne voulions pas attendre trop longtemps le procès ». Le 11 juin 2019, le parquet leur a interdit de se rendre à Toulouse pendant six mois.
Depuis, Elodie ne va plus en manifestation.
« J’ai peur, ils m’ont traitée comme une criminelle alors que je n’avais rien fait. Au moment de mon arrestation, j’ai dit aux policiers que nous avions aidé un de leurs collègues ce jour-là. Je n’ai plus confiance dans le système judiciaire. »
Elodie
Camille : arrêtée pour avoir observé des manifestations
Camille Halut, observatrice des droits humains pour la Ligue des Droits de l’Homme, a passé au total 56 heures en garde à vue et fait face à deux procès après des arrestations dans le cadre de ses activités d’observation. A chaque fois, elle a été relaxée.
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Les observateurs de pratiques policières sont des défenseurs des droits humains et devraient être protégés comme tels. Ils devraient pouvoir évoluer dans un environnement favorable pour mener à bien leurs missions, et ne pas être menacés d’arrestations et de poursuites pour avoir voulu documenter les pratiques policières pendant les manifestations.
La militante française Camille Halut, poursuivie pour avoir observé des pratiques policières sur des manifestations © Xavier Malafosse
Brice, journaliste : 48 heures en garde à vue pour avoir couvert une manifestation
Le 20 avril 2019, Brice couvrait une manifestation des Gilets jaunes à Paris. Il se trouvait place de la République, lieu d’arrivée de la manifestation lorsqu’il a été arrêté : « Je filmais les cordons de police. Il y avait des affrontements autour de la place, mais pas là où nous marchions. Gaspard Glanz [un autre journaliste] avait été arrêté 15 minutes plus tôt. Nous avions décidé de partir quand, soudain, mon ami a crié “Brice, attention !” Plusieurs policiers m’ont attrapé par-derrière et plaqué au sol. Ils m’ont insulté et m’ont demandé si je leur avais lancé des projectiles. Je leur ai dit que j’étais journaliste et que j’avais ma carte d’étudiant. Ils y ont jeté un œil et ont commenté [faisant référence au nom de famille] : “C’est un putain de yougo. T’es un yougo ?” »
Brice a passé plus de 48 heures en garde à vue, puis a subi un contrôle judiciaire avec une obligation de pointer au commissariat deux fois par mois, pour finalement être relaxé de toute charge. La garde à vue a profondément affecté Brice.
À ma libération, j’ai souffert de graves troubles du sommeil et de crises d’angoisse.
Brice
« À ma libération, j’ai souffert de graves troubles du sommeil et de crises d’angoisse. J’ai dormi chez un ami, parce que mes colocataires n’étaient pas là et j’étais dans un sale état. Je trouve absurde que le parquet ait requis [une peine de] trois mois, sachant que je suis journaliste et qu’il n’y avait aucune preuve contre moi. J’ai ma carte de presse maintenant, et je me sens un peu plus en sécurité quand je vais à une manifestation, mais pas complètement non plus. »
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Sous la présidence d’Emmanuel Macron, le droit de manifester a été attaqué comme jamais dans l'histoire récente. Il s’était pourtant engagé pendant sa campagne à le protéger ! Signez la pétition pour lui rappeler ses engagements !