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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

© Aziz Karimov/Demotix/Corbis

© Aziz Karimov/Demotix/Corbis

Azerbaïdjan

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Azerbaïdjan en 2023.

La fermeture par l’Azerbaïdjan d’un axe vital desservant le territoire sécessionniste du Haut-Karabakh a mis en danger la vie de milliers de personnes. L’offensive militaire qui a suivi a contraint la plupart des habitant·e·s arméniens de la région à partir. La répression de la liberté d’expression s’est encore intensifiée. Des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s ont été arrêtés à titre de représailles pour leur travail. Des manifestations pacifiques ont été réprimées. Des restrictions injustifiées ont été imposées à la presse et aux organisations indépendantes. Les femmes et les filles étaient toujours en butte au harcèlement et à la violence liés au genre.

CONTEXTE

L’Azerbaïdjan a lancé le 19 septembre une offensive militaire majeure visant à désarmer et à chasser les autorités de facto du territoire sécessionniste du Haut-Karabakh. Ses forces armées ont repris le contrôle de toute la région en l’espace de quelques heures. Dans les jours qui ont suivi, en septembre et en octobre, plus de 100 000 personnes, soit la quasi-totalité de la population arménienne du Haut-Karabakh, sont parties se réfugier en Arménie. Ces personnes se sont trouvées confrontées à des difficultés économiques et à une forte incertitude concernant leur avenir, l’Azerbaïdjan n’ayant pas proposé de réelle solution susceptible d’assurer leur droit au retour en toute sécurité et dans la dignité (voir Arménie).

Les autorités azerbaïdjanaises ont promis une amnistie à toutes les personnes ayant combattu pour les autorités de facto du Haut- Karabakh, à l’exception des auteur·e·s présumés de crimes de guerre. Plusieurs dirigeants du Haut-Karabakh issus de la communauté arménienne ont été arrêtés et inculpés de crimes de guerre, alors qu’ils tentaient de gagner l’Arménie.

L’Azerbaïdjan a remis en liberté en décembre 32 prisonniers de guerre arméniens après avoir accepté de négocier un accord de paix avec l’Arménie. Cet accord ouvrait en outre la voie à la désignation de l’Azerbaïdjan pour accueillir la 29e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP29) en novembre 2024.

Les autorités ont profité de leur victoire militaire pour asseoir encore un peu plus leur pouvoir et renforcer la répression contre la dissidence.

En novembre, le Conseil des droits de l’homme [ONU] a examiné le bilan de l’Azerbaïdjan en matière de droits humains dans le cadre de l’EPU.

VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

Pendant les neuf mois qui ont précédé l’offensive militaire de septembre, l’Azerbaïdjan a bloqué le corridor de Latchine, principale route reliant le Haut- Karabakh à l’Arménie, ce qui a entraîné une pénurie dramatique de produits de première nécessité (denrées alimentaires, médicaments et carburant), ainsi qu’une crise humanitaire dans cette région sécessionniste. La Cour internationale de justice a ordonné en février que la circulation soit assurée sans entrave dans les deux sens, mais cette décision a été sans effet. Les autorités azerbaïdjanaises ont insisté pour que le Haut-Karabakh soit approvisionné depuis des territoires placés sous leur contrôle, ou que les marchandises en provenance d’Arménie fassent l’objet d’inspections détaillées, ce que le camp arménien a refusé.

Rien n’a manifestement été fait pour enquêter sérieusement sur les crimes de guerre et autres violations du droit international humanitaire qui auraient été commis les années précédentes par les forces azerbaïdjanaises, notamment les attaques disproportionnées et sans distinction et les actes de violence, dont des homicides, sur la personne de civil·e·s et de prisonniers ou prisonnières de guerre. L’impunité dont jouissaient les auteurs de ces crimes ne faisait que renforcer les doutes persistants quant à la volonté des autorités azerbaïdjanaises d’assurer la protection des civil·e·s dans le Haut-Karabakh.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’ASSOCIATION

Très contraignante, la législation relative aux ONG était toujours source de nombreux obstacles. Elle se traduisait notamment par des refus arbitraires d’enregistrement et limitait les possibilités de financement des organisations de défense des droits humains.

La liberté de la presse restait extrêmement limitée. L’année a été marquée par une multiplication des violences, des actes de harcèlement et des arrestations arbitraires visant des personnes critiques à l’égard du gouvernement, des journalistes, des représentant·e·s des médias et des défenseur·e·s des droits humains. Selon plusieurs organisations azerbaïdjanaises de défense des droits fondamentaux, le nombre de personnes emprisonnées pour des raisons politiques a doublé par rapport à l’année précédente, pour atteindre plus de 230 individus.

En vertu d’une nouvelle loi sur la presse aux dispositions très restrictives adoptée en 2022, les médias devaient tous s’enregistrer auprès des autorités. L’Agence de développement des médias de la République d’Azerbaïdjan a semble-t-il engagé, à partir de novembre, une série de procédures judiciaires visant à faire fermer les médias indépendants dont l’enregistrement avait été refusé, généralement pour des motifs arbitraires.

Le militant d’opposition Bakhtiyar Hajiyev était toujours emprisonné. Il avait été arrêté en décembre 2022 sur la foi d’accusations motivées par des considérations politiques. Il a mis un terme à sa grève de la faim en mars, juste après que des photos et des vidéos intimes de femmes, ainsi que des conversations privées avec celles-ci, eurent été rendues publiques à la suite d’un piratage de ses comptes de réseaux sociaux.

Gubad Ibadoghlu, universitaire de renom et militant anticorruption, a été arrêté arbitrairement par des policiers en civil le 23 juillet dans la capitale, Bakou, pour « extrémisme religieux » et « achat ou vente de fausse monnaie », deux accusations forgées de toutes pièces. Il a été interpellé en même temps que sa femme (qui a été relâchée par la suite) peu après avoir participé à la mise en place d’une fondation destinée à aider les étudiant·e·s en sollicitant des fonds provenant d’actifs confisqués au titre de la législation relative à la lutte contre la corruption. En prison, la santé de Gubad Ibadoghlu s’est dégradée en raison de ses conditions de détention et faute de soins adaptés.

En septembre et en octobre, plus d’une dizaine de militant·e·s auraient été placés en détention dans le cadre de procédures administratives, pour avoir critiqué le gouvernement et ses opérations militaires dans le Haut-Karabakh. Cinq hommes ont été arrêtés pour avoir diffusé des contenus hostiles à la guerre sur les réseaux sociaux. Trois autres (Nurlan Gahramanli, Emin Ibrahimov et Nemet Abbasov) ont été condamnés à 30 jours de détention administrative pour avoir, selon les autorités, diffusé des informations préjudiciables et désobéi à la police. Le syndicaliste Afiaddin Mammadov a été arrêté pour coups et blessures, une accusation forgée de toutes pièces. Il risquait jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et se trouvait toujours en détention provisoire à la fin de l’année.

En novembre et en décembre, dans la perspective de l’élection présidentielle anticipée de février 2024, la police a procédé à l’arrestation d’au moins 13 personnes sur la base d’accusations manifestement sans fondement, en représailles à leurs critiques à l’égard des autorités. Tofig Yagublu, un opposant en vue, a été arrêté pour avoir, selon les autorités, falsifié des documents. Le directeur d’Abzas Media, Ulvi Hasanli, trois de ses collègues, Sevinj Vagifgizi, Nargiz Absalamova et Mahammad Kekalov, et le journaliste d’investigation Hafiz Babali ont été emprisonnés pour contrebande, après la publication par Abzas Media d’allégations de corruption mettant en cause le gouvernement. Les journalistes indépendants Teymur Karimov, Ibrahim Humbatov, Arshad Ibrahimov, Aziz Orujov et Rufat Muradli, ainsi que deux militants, Mohyaddin Orujov et Ilhamiz Guliyev, ont été arrêtés sur la foi de diverses accusations, allant du défaut de permis de construire à la détention de stupéfiants, en passant par l’extorsion de fonds.

LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE

Les autorités ont cette année encore restreint arbitrairement le droit à la liberté de réunion pacifique. Le 20 juin, la police a violemment dispersé une manifestation écologiste pacifique organisée à Söyüdlü, dans le district de Gadabay, par des militant·e·s locaux qui entendaient protester contre le projet d’extension d’une mine d’or. Des policiers ont été filmés en train de frapper des manifestant·e·s à coups de matraque et de vaporiser du gaz lacrymogène en pleine figure de plusieurs femmes qui participaient au rassemblement. Une dizaine de personnes ont été blessées et une douzaine ont été placées en détention de courte durée, pendant la manifestation et juste après. Parmi ces personnes figuraient au moins trois journalistes, interpellés et frappés par la police alors qu’ils couvraient la manifestation, et plusieurs militant·e·s arrêtés après celle-ci pour des messages critiques diffusés sur les réseaux sociaux. À partir du 22 juin, la police aurait en outre interdit l’accès à Söyüdlü pendant au moins trois semaines, ne laissant passer que les habitant·e·s du village et la presse favorable au gouvernement.

VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE

Les femmes étaient toujours victimes de diverses formes de violences fondées sur le genre, y compris dans le cadre de représailles de nature politique.

Des militantes locales se sont inquiétées pour la sécurité de plusieurs femmes dont des photos, des images vidéo et des messages intimes ont été diffusés après avoir été piratés sur les comptes privés de l’opposant Bakhtiyar Hajiyev, maintenu en détention par les autorités (voir Liberté d’expression et d’association). Ces militantes ont accusé le gouvernement d’être à l’origine de ces fuites et d’exposer ces femmes à d’éventuelles violences, y compris au sein de leurs propres familles, en rendant publics leurs noms, leurs visages et même, pour l’une d’elles, l’adresse de son domicile. L’enquête sur cet acte de cybercriminalité présumé était toujours en cours à la fin de l’année.

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