Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles
©Amnesty International
Ghana
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Ghana en 2023.
Le président a refusé de promulguer une loi adoptée par le Parlement qui visait à interdire les accusations de sorcellerie. Le Parlement a continué d’examiner une proposition de loi visant à sanctionner encore plus sévèrement les personnes LGBTI. L’abolition partielle de la peine de mort a été abandonnée. Les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique demeuraient menacés, et les autorités ont eu recours à une force excessive pour disperser des manifestations. Le manque d’accès aux structures médicales a compromis le droit à la santé des femmes enceintes. Des défenseur·e·s de l’environnement ont dénoncé la pollution générée par les importations de vêtements d’occasion.
CONTEXTE
Cette année a été marquée par un coût élevé de la vie et une forte inflation touchant les denrées alimentaires, dans un contexte de creusement de la dette nationale.
En mai, le Fonds monétaire international a approuvé un programme d’aide au Ghana sur trois ans pour un montant de trois milliards de dollars américains, dont 600 millions versés immédiatement. Il était prévu que le Ghana reçoive le reste à condition de respecter ses engagements à restructurer sa dette nationale et sa dette extérieure, à réduire ses dépenses et à procéder à des ajustements fiscaux, ce qui a suscité des craintes quant aux répercussions potentielles de ces mesures sur les droits économiques et sociaux.
Le taux d’inflation a atteint 53,6 % en janvier avant de redescendre à 26,4 % en novembre. En octobre, le point sur la sécurité alimentaire établi par la Banque mondiale classait le Ghana parmi les 10 pays qui enregistraient la plus forte inflation des prix des denrées alimentaires.
En juillet, le HCR a rappelé au Ghana son obligation de non-refoulement après que le gouvernement a expulsé plus de 500 Burkinabè vers leur pays d’origine.
DROITS DES FEMMES ET DES FILLES
Les mutilations génitales féminines ont continué d’être pratiquées, mais une évolution des mentalités a été constatée. En avril, à Wa, 15 anciennes « exciseuses » ont renoncé aux mutilations génitales féminines, tandis que des responsables traditionnels de la même ville ont dénoncé cette pratique et se sont engagés à contribuer à l’éradiquer.
Le 3 juillet, la haute cour de Tamale a condamné deux femmes à 12 ans d’emprisonnement pour l’homicide involontaire, en 2020, d’une femme de 90 ans accusée de sorcellerie. Le 27 juillet, le Parlement a adopté une proposition de loi érigeant en infraction les accusations de sorcellerie et prévoyant le démantèlement des « camps de sorcières » pour les femmes accusées de tels actes qui avaient fui leur village ou en avaient été bannies. En décembre, le président a refusé de promulguer cette loi, en invoquant des problèmes de procédure.
Le 31 octobre, le Parlement a officiellement examiné en première lecture le projet de loi sur la discrimination positive. Ce texte, initialement présenté en 2016, visait à accroître la participation des femmes dans la fonction publique. Il n’avait pas encore été adopté à la fin de l’année.
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES
Le 7 juillet, le Parlement a approuvé à l’unanimité, en deuxième lecture, la proposition de loi de 2021 sur la promotion des droits appropriés en matière de sexualité et des valeurs familiales ghanéennes. Le texte a ainsi franchi une étape de plus vers sa promulgation. Il introduisait de nouvelles sanctions pénales contre les personnes LGBTI et prévoyait des peines d’emprisonnement pour quiconque exprimerait son soutien ou sa « sympathie » envers une personne LGBTI. Les défenseur·e·s des droits LGBTI se sont dits inquiets pour leur sécurité si ce texte venait à être promulgué. Toujours en juillet, la Cour suprême a rejeté une action en justice visant à empêcher le Parlement d’adopter la proposition de loi.
PEINE DE MORT
Le 25 juillet, le Parlement a voté en faveur de la suppression de la peine de mort dans la Loi de 1960 sur les infractions pénales et autres et dans la Loi de 1962 relative aux forces armées. Le chef de l’État a approuvé et promulgué ces modifications le mois suivant, avant de les annuler en décembre, invoquant des problèmes de procédure. Par ailleurs, la Constitution prévoyait toujours la peine de mort pour les actes de haute trahison.
LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE RÉUNION
Quatre ans après le meurtre du journaliste d’investigation Ahmed Divela, l’enquête était toujours en cours et personne n’avait été traduit en justice.
En avril, une coalition d’associations de médias a réclamé l’abrogation de l’article 76 de la Loi relative aux communications électroniques et de l’article 208 de la Loi sur les infractions pénales et autres. Selon la coalition, ces lois avaient été « instrumentalisées » pour arrêter plusieurs journalistes et restreindre le droit à la liberté d’expression. Le Ghana occupait le 62e rang dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2023 établi par Reporters sans frontières (180 pays), perdant ainsi deux places par rapport à l’année précédente.
En septembre, la police a déposé une demande d’injonction pour empêcher la tenue d’une manifestation contre le coût élevé de la vie, prévue du 21 au 23 septembre devant le palais présidentiel à Accra, la capitale du pays. La manifestation a quand même eu lieu le 21 septembre et la police a arrêté au moins 49 protestataires pour rassemblement illégal. Toutes les personnes concernées ont été libérées sous caution le même jour.
RECOURS EXCESSIF À LA FORCE
Le 7 mars, à Ashaiman, des militaires ont utilisé une force excessive, et notamment frappé des personnes à coups de poing et de pied, alors qu’ils enquêtaient sur le meurtre d’un de leurs collègues. Les forces armées du Ghana ont procédé à 184 arrestations au cours de cette opération. Le ministre adjoint de la Défense a reconnu que des personnes innocentes avaient été interpellées et a présenté des excuses. La Commission parlementaire de la défense et de l’intérieur a déclaré avoir mené une enquête, mais aucun rapport n’avait été publié à la fin de l’année.
DROIT À LA SANTÉ
Les services de santé du Ghana ont révélé en février que 27 femmes enceintes étaient décédées en 2021 et 2022 dans la municipalité de Bawku faute d’avoir pu bénéficier de soins médicaux. Si certaines n’ont pas pu arriver à l’hôpital à temps, d’autres sont mortes en raison d’un manque de personnel.
En avril, le Ghana est devenu le premier pays à approuver un vaccin contre le paludisme mis au point par l’université d’Oxford.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Des défenseur·e·s de l’environnement ont lancé une mise en garde à propos du projet gouvernemental d’importation de gaz naturel liquéfié dans le cadre d’un accord sur 17 ans, soulignant qu’il entraînerait une plus grande consommation de charbon et retarderait la transition vers des énergies plus propres.
Des défenseur·e·s de l’environnement, des vendeurs et vendeuses de vêtements et des pêcheurs ont dénoncé la pollution engendrée par les textiles usagés arrivant de l’étranger. Les vêtements produits par la fast fashion et envoyés par d’autres pays continuaient de se retrouver sur les marchés de seconde main, comme celui de Kantamanto, à Accra, avant d’être jetés en volumes considérables en raison de leur mauvaise qualité et de finir sur les plages d’Accra, dans la rivière Odaw, dans le lagon de Korle ou dans la mer.