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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Mali

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Mali en 2023.

Les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique ont été réprimés. Des journalistes et un défenseur des droits humains ont été victimes de disparition forcée et des personnes critiques à l’égard du gouvernement ont été détenues arbitrairement. Les forces gouvernementales, des militaires étrangers et des groupes armés ont commis de graves atteintes aux droits humains, notamment des exécutions extrajudiciaires et des homicides illégaux. L’ONU a recensé des centaines de cas de violences sexuelles contre des femmes et des filles. Des condamnations ont été prononcées dans des affaires en lien avec la violence et la discrimination fondées sur l’emploi et l’ascendance.

CONTEXTE

Le conflit opposant les forces gouvernementales et des groupes armés s’est poursuivi. Deux groupes armés, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’État islamique au Sahel (EIS), se sont disputé le contrôle de la région de Gao.

Une nouvelle Constitution a été adoptée après avoir été votée par référendum.

En juin, le Conseil de sécurité [ONU] a validé la fin du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) au 31 décembre.

Dans un contexte marqué par le retrait progressif des troupes de l’ONU et par l’échec de l’accord de paix et de réconciliation de 2015, des affrontements ont éclaté en août entre les forces gouvernementales et le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), une coalition de groupes armés.

En novembre, les forces gouvernementales ont repris la ville de Kidal, qui était aux mains du CSP-PSD.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

En janvier, Aminata Dicko, défenseure des droits humains, a dû s’exiler à Genève puis à Paris après avoir dénoncé devant le Conseil de sécurité les exactions commises par les forces armées. À la suite de cette intervention, la Gendarmerie nationale l’avait convoquée pour l’interroger en lien avec des accusations de haute trahison et de diffamation.

Cheikh Mohamed Cherif Koné et Dramane Diarra, deux magistrats membres de l’Appel du 20 février 2023, une association de défense de la démocratie, ont été radiés de l’ordre de la magistrature respectivement en août et en septembre. En 2021, Cheikh Mohamed Cherif Koné avait été démis de ses fonctions de premier avocat général de la Cour suprême du Mali après avoir critiqué des enquêtes judiciaires, notamment celle menée dans le cadre de la procédure visant l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, mort en détention provisoire en 2022.

LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE

En août, dans le cercle de Bandiagara (région de Mopti), les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des personnes qui manifestaient contre les homicides imputables aux groupes armés, faisant un mort et sept blessés.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

En mars, le journaliste Mohamed Youssouf Bathily, également connu sous le nom de Ras Bath, a été arrêté et inculpé de « simulation d’infraction » et d’« atteinte au crédit de l’État » après avoir déclaré à la radio que Soumeylou Boubèye Maïga avait été « assassiné » (voir Liberté d’expression). Il a été mis hors de cause en juillet pour le premier chef d’inculpation, mais maintenu en détention.

Toujours en juillet, Rokiatou Doumbia, alias Rose Vie Chère, a été arrêtée pour avoir critiqué sur TikTok les résultats économiques et les politiques de sécurité publique du gouvernement. Inculpée d’« incitation à la révolte » et de « troubles à l’ordre public », elle a été condamnée en août à un an de prison et à une amende d’un million de francs CFA (environ 1 636 dollars des États- Unis).

En septembre, Adama Ben Diarra, membre du Conseil national de la transition (CNT), surnommé Ben le Cerveau, a été arrêté après avoir déclaré à la radio que le gouvernement devait organiser l’élection présidentielle en février 2024, comme prévu. Il s’est vu infliger une peine de deux ans de prison (dont un avec sursis) pour « atteinte au crédit de l’État » et a été démis de ses fonctions au sein du CNT.

DISPARITIONS FORCÉES

Sory Koné, directeur des programmes de Radio DANAYA à Souba, dans la région de Ségou, a été enlevé à son domicile le 26 janvier par des personnes non identifiées soupçonnées d’appartenir aux forces de sécurité. À la fin de l’année, on ignorait toujours l’endroit où il se trouvait et le sort qui lui avait été réservé.

Au cours du mois d’avril, les journalistes Aliou Touré et Idriss Martinez Konipo ont été placés en détention dans des lieux inconnus pendant cinq et trois jours respectivement, vraisemblablement par des membres des forces de sécurité.

On était sans nouvelles à la fin de l’année du défenseur des droits humains Hammadoun Dicko, enlevé en décembre à Bamako, la capitale, par des personnes non identifiées.

VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

GROUPES ARMÉS

Le 22 avril, le GSIM a attaqué des bases militaires à Sévaré, dans la région de Mopti, à proximité de l’aéroport et d’un camp des Nations unies, faisant 10 morts et 61 blessés parmi la population civile, selon le gouvernement. Une vingtaine de maisons et abris dans lesquels vivaient des personnes déplacées ont été détruits pendant cette attaque.

Entre le 27 et le 28 juin, des combattants de l’EIS ont mené des assauts dans les villages de Gaina et Boyna (région de Gao), tuant 17 villageois·e·s. Ils ont ensuite volé du bétail et enlevé au moins quatre personnes habitant à Boyna.

En juillet, des assaillants armés ont tué au moins 10 civil·e·s lors d’une attaque contre le village de Djankoin, dans le cercle de Ségou, selon des médias et des sources locales.

D’après des informations parues dans la presse, au cours du mois d’août, des combattants du GSIM ont mené dans le cercle de Bandiagara des attaques qui ont fait des morts parmi la population civile (15 à Bodio et 22 à Yarou).

À partir d’août, le GSIM a restreint l’accès à Tombouctou, après la prise de contrôle par l’armée malienne des camps militaires de Goundam et de Ber, situés en périphérie de la ville, à la suite du retrait des troupes de l’ONU. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires [ONU], au moins 33 100 habitant·e·s de Tombouctou avaient fui dans les pays voisins depuis le début du siège.

Le 7 septembre, près du village de Zarhoy, des combattants armés ont attaqué un bateau civil de transport de passagers parti de Gao et faisant route vers Mopti, tuant au moins 49 civil·e·s et 15 soldats.

FORCES GOUVERNEMENTALES ET LEURS ALLIÉS

Dans un rapport publié en mai, le HCDH a établi qu’environ 500 personnes avaient été sommairement exécutées et au moins 58 femmes violées par des soldats maliens et des militaires étrangers au cours d’une opération de cinq jours menée à Moura en mars 2022. Personne n’a eu à rendre de comptes pour ces homicides. Les forces armées et leurs alliés militaires étrangers déployés au Mali ont continué de commettre des violations du droit international humanitaire.

Le 6 mars, selon Human Rights Watch, lors d’un coup de filet mené par des soldats et du personnel militaire étranger qui patrouillaient ensemble à Sossobé (région de Mopti), 200 hommes ont été rassemblés devant la mosquée. D’après des témoins, les dépouilles de cinq d’entre eux ont été retrouvées plus tard dans la périphérie de Sossobé, tandis qu’on ignorait toujours ce qu’il était advenu de 21 autres hommes qui avaient été emmenés en hélicoptère, menottés et les yeux bandés. Les autres ont été relâchés.

Plus tard en mars, selon des informations parues dans les médias, 26 personnes, dont un garçon de six ans, ont été tuées à Ouenkoro, lors d’une autre opération militaire conjointe à laquelle participaient également des chasseurs dozos. Des soldats ont confisqué les smartphones des personnes qui se trouvaient sur le marché local pour les empêcher de diffuser des preuves des violations commises.

D’après des témoins, le 9 mai, des militaires étrangers ont tué 11 civils dans l’attaque d’un campement provisoire de bergers à Gogoro (cercle de Douentza). Ils ont aussi enlevé quatre personnes (parmi lesquelles un garçon de 10 ans), dont on restait sans nouvelles à la fin de l’année.

Le 5 octobre, pendant une offensive de l’armée, des soldats accompagnés de militaires étrangers ont exécuté de manière extrajudiciaire 17 villageois à Ersane, dans le cercle de Bourem (région de Gao). Des médias et des sources locales ont indiqué qu’ils avaient tous été décapités, et que 15 des dépouilles avaient été piégées.

VIOLENCES SEXUELLES OU FONDÉES SUR LE GENRE

En avril, l’ONU a indiqué avoir recensé 470 cas de violences sexuelles perpétrées par des membres de groupes armés et des forces gouvernementales et alliées entre janvier et mars, dont 51 étaient liés à un conflit. Toutes les victimes étaient de sexe féminin et 11 étaient mineures (les plus jeunes n’ayant que 12 ans).

DISCRIMINATION

La violence et la discrimination fondées sur l’emploi et l’ascendance demeuraient très répandues. En mai, des experts de l’ONU ont demandé aux autorités maliennes d’ériger l’esclavage en infraction, faisant observer que l’esclavage par ascendance restait une pratique courante.

En février et mars, 56 personnes ont été condamnées par la cour d’assises de Kayes pour des attaques, dont des homicides, perpétrées contre des personnes victimes de discrimination fondée sur l’emploi et l’ascendance dans les villes de Diandioumé en 2020 et de Bafoulabé en 2021.

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