Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles
©Francisco Leong/AFP/Getty Images
Sierra Leone
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Sierra Leone en 2023.
Les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique ont continué de faire l’objet de restrictions, en particulier durant la période entourant l’élection présidentielle. L’insécurité alimentaire était très répandue. Le gouvernement a tenté de s’attaquer au problème de la déforestation. Les femmes et les filles ont continué de subir des violations de leurs droits, mais la représentation des femmes dans la vie publique s’est améliorée. Un projet de loi visant à mieux protéger les droits des enfants était toujours en attente d’adoption.
CONTEXTE
Le président Julius Maada Bio a été réélu le 24 juin sur fond de controverse concernant le manque de transparence du processus de comptage des bulletins.
Les prix des denrées alimentaires et du carburant étaient élevés, et le taux d’inflation a dépassé les 50 % en août.
Les autorités judiciaires ont accru la fréquence des audiences judiciaires dans les centres correctionnels afin de décongestionner les prisons et de réduire la durée de la détention provisoire.
En octobre, le gouvernement a mis la dernière main à une politique destinée à faire en sorte que le travail des ONG soit conforme aux priorités nationales en matière de développement.
En novembre, des hommes armés ont tenté de pénétrer dans une armurerie militaire et pris d’assaut deux prisons de la capitale, Freetown, libérant près de 2 000 personnes détenues. Vingt personnes au moins ont trouvé la mort. Déclarant qu’il s’agissait d’une tentative de coup d’État, le gouvernement a imposé un couvre-feu nocturne sur le territoire national pendant près d’un mois et a procédé à plus de 50 arrestations.
LIBERTÉ DE RÉUNION
Quelques mois avant l’élection présidentielle, la Commission d’enregistrement des partis politiques, invoquant des raisons de sécurité, a proscrit les rassemblements politiques dans la rue et interdit aux partis de mener des actions de campagne à plus d’un endroit en même temps.
En avril, la Commission d’enquête spéciale a publié un rapport à la suite de ses investigations sur la mort de six policiers et d’au moins 27 manifestant·e·s et passant·e·s pendant les manifestations du mois d’août 2022. Ce rapport qualifiait les manifestations d’insurrection et de tentative de renversement du gouvernement. Si elle a recommandé d’améliorer la formation au sein de la police afin d’éviter les « excès d’autoritarisme », la Commission d’enquête spéciale n’a pas demandé l’ouverture d’une enquête sur le recours excessif à la force par les forces de sécurité.
Au moins huit manifestants ont été arrêtés le 13 juin dans la capitale, Freetown, pour une « manifestation illégale visant à troubler l’ordre public ». Ils réclamaient la divulgation des listes électorales et la démission du responsable de la commission électorale.
Le 21 juin, la police a eu recours à une force excessive pour disperser plus de 100 personnes qui s’étaient rassemblées à Freetown devant le siège du Congrès de tout le peuple (APC, opposition) pour protester contre les irrégularités présumées du processus électoral. Un manifestant est mort, des suites d’une blessure par balle selon certaines informations. La police a nié toute responsabilité dans ce tir. Par la suite, 66 manifestant·e·s ont été arrêtés.
Le 25 juin, les forces de sécurité ont encerclé le siège de l’APC pendant une conférence de presse rassemblant des sympathisant·e·s qui attendaient les résultats de l’élection. Elles ont utilisé des balles réelles et des gaz lacrymogènes, et une bénévole du parti a reçu un tir mortel.
En septembre, deux personnes ont été tuées par balle lorsque les forces de sécurité ont violemment dispersé des manifestations à Freetown et dans d’autres lieux. La police a indiqué avoir procédé à 72 arrestations et ouvert une enquête sur les décès survenus. Plus de 40 personnes ont été inculpées d’infractions pénales allant de la collusion en vue de commettre une infraction aux troubles à l’ordre public.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
La liberté de la presse a connu son plus grand recul depuis 18 ans. La Sierra Leone a perdu 28 places dans le classement de Reporters sans frontières concernant la liberté d’expression, passant du 46e au 74e rang sur 180 pays.
Une femme d’affaires a été arrêtée en avril après avoir publié une vidéo dans laquelle elle critiquait le gouvernement et accusait le président d’homicides. Elle a été libérée sous caution au bout de deux jours et la police a annoncé qu’elle était sous le coup d’une enquête pour violation d’une disposition de la Loi relative à la sécurité numérique et à la cybercriminalité.
DROIT À L’ALIMENTATION
Un rapport du Programme alimentaire mondial paru en avril a estimé qu’au mois de février, 78 % de la population se trouvait en situation d’insécurité alimentaire et 20 % des foyers étaient confrontés à une insécurité alimentaire grave. La Banque mondiale a placé à plusieurs reprises la Sierra Leone dans la liste des 10 pays où l’inflation des prix des denrées alimentaires était la plus forte.
En octobre, le président a lancé le programme Feed Salone pour accroître la productivité de l’agriculture, les revenus de l’exportation de produits agricoles et l’autosuffisance alimentaire. Cette initiative visait également à soutenir les petites fermes en leur apportant une aide technique et financière, et à encourager l’investissement privé dans les infrastructures agricoles.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Dans le cadre de la lutte contre la déforestation, le gouvernement a annoncé en juillet une interdiction temporaire, applicable du 1er août au 31 octobre, des abattages d’arbres et du transport de bois.
Les pêcheurs de la ville côtière de Tombo se sont plaints de l’appauvrissement des stocks de poisson, dû selon eux aux chalutiers étrangers accusés de pêcher illégalement et d’utiliser des techniques détruisant l’écosystème.
DROITS DES FEMMES ET DES FILLES
La Loi sur l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes est entrée en vigueur en janvier ; le texte imposait un quota de 30 % de femmes dans la fonction publique. En juillet, 41 femmes siégeaient au Parlement, soit deux fois plus que précédemment, et 30 % des postes gouvernementaux étaient occupés par des femmes. Le ministère du Genre et de l’Enfance a annoncé en septembre qu’il allait suivre et évaluer l’intégration de la dimension de genre dans les différents ministères, services et organismes du pays.
En février, à l’occasion du procès d’un policier jugé pour le viol d’une jeune femme dans un poste de police, l’ONG AdvocAid a réclamé qu’il soit mis un terme aux violences policières contre les femmes et les filles.
Les mutilations génitales féminines demeuraient très répandues. En mars, une fillette de deux ans est morte après avoir été soumise à cette pratique dans le cadre d’un rite d’initiation au sein de la société secrète « Bondo ». La Commission nationale des droits humains a rassemblé les parties prenantes pour débattre d’une stratégie nationale, rédigée en 2015 mais jamais appliquée, visant à mettre fin à ce type de pratiques.
Un rapport publié en mars par l’Observatoire africain de la santé intégré, plateforme d’information pour les États membres africains de l’OMS, a fait état d’une baisse de près de 60 % du taux de mortalité maternelle entre 2017 et 2020.
DROITS DES ENFANTS
En avril, la Coalition pour les droits de l’enfant a appelé les autorités à adopter le projet de loi relative aux droits de l’enfant de 2022, faisant valoir que ses dispositions créeraient des mécanismes de plainte adaptés aux enfants au sein de la Commission nationale pour les enfants et combleraient les retards dans le règlement de certains problèmes, comme ceux de la justice des mineur·e·s, du mariage précoce et du mariage des enfants.
Le même mois, le Parlement a adopté la Loi de 2023 sur l’enseignement primaire et secondaire, qui interdisait aux parents et tuteurs ou tutrices de refuser d’envoyer leurs enfants à l’école et proscrivait les châtiments corporels ainsi que la discrimination à l’admission et les traitements discriminatoires dans les établissements scolaires. La loi prévoyait également une meilleure scolarisation des filles enceintes et des adolescent·e·s ayant des enfants.
Le manque de foyers d’accueil pour les enfants en situation de vulnérabilité constituait un obstacle dans la lutte contre le travail des enfants. Un rapport de l’Initiative africaine de programmation et de recherche pour mettre fin à l’esclavage (APRIES) a révélé en juillet que la traite des enfants avait augmenté dans la province du Nord-Ouest ; 34 % des enfants de cinq à 17 ans du district de Kambia avaient été soumis à la traite, et environ 40 % travaillaient.