Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles
Fabrice Coffrini/Getty Images
Suisse
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Suisse en 2023.
La loi relative au viol a été modifiée afin de réprimer les relations sexuelles non consenties. Le Parlement n’a pas totalement dépénalisé l’avortement. La question des droits des personnes en situation de handicap est devenue une préoccupation majeure. Dans plusieurs cantons, des personnes manifestant pacifiquement ont été soumises par la police et les autorités cantonales à des restrictions disproportionnées. Les travaux visant à introduire une définition de la torture dans le Code pénal se sont poursuivis. Les personnes réfugiées ou migrantes ne disposaient toujours pas d’une protection et d’un soutien suffisants. Lors d’une votation, une large majorité de Suisses s’est prononcée en faveur du renforcement de l’action contre le changement climatique. La reconnaissance faciale automatique a été interdite dans plusieurs villes.
CONTEXTE
En mai, à l’issue d’un processus qui aura duré 20 ans, l’Institution suisse des droits humains a été officiellement créée. Il était toutefois préoccupant de constater que cette institution ne disposait pas d’un financement suffisant et qu’elle n’était pas habilitée à recevoir des plaintes.
La Suisse a fait l’objet de plusieurs examens au titre de procédures instituées par des traités internationaux relatifs aux droits humains. L’examen périodique universel du pays a ainsi montré que la Suisse n’était toujours pas disposée à réaliser les investissements nécessaires pour instaurer un mécanisme interagences permanent chargé de coordonner la mise en œuvre des obligations internationales en matière de droits humains, et qu’elle était toujours peu empressée de veiller à la pleine conformité des initiatives populaires avec le droit international relatif aux droits humains avant que celles-ci ne soient soumises à un vote.
VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE
Le Parlement a adopté une modification du Code pénal relative à la définition du viol disposant que toute pénétration sexuelle commise contre la volonté d’une personne devait être punissable comme viol. L’adoption de ce texte, qui devait entrer en vigueur en 2024, a marqué la fin d’une définition dépassée du viol qui exigeait le recours à la force physique, à des menaces ou à la contrainte et selon laquelle les victimes étaient uniquement des femmes.
Le Parlement a également appelé à la création de centres d’aide d’urgence pour les victimes de violences liées au genre dans tous les cantons, et mandaté une étude pour évaluer les obstacles auxquels se heurtaient les victimes qui cherchaient à obtenir justice.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
La chambre basse du Parlement a rejeté par une courte majorité une initiative parlementaire visant à dépénaliser totalement l’avortement.
DROITS DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
À la suite des préoccupations exprimées en 2022 par le Comité des droits des personnes handicapées [ONU], une initiative populaire pour l’inclusion a été lancée dans l’objectif de parvenir à une égalité juridique et effective pour les personnes en situation de handicap.
LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE
Le système exigeant une autorisation préalable pour les rassemblements publics était toujours en vigueur. Des manifestations pacifiques non autorisées ont été dispersées par la force, notamment dans les villes de Bâle et de Genève.
Dans les cantons de Zurich et de Bâle-Ville, la branche jeunesse d’un parti de droite a lancé une initiative populaire visant à renforcer l’obligation d’autorisation préalable pour les manifestations, et à engager la responsabilité financière des organisateurs et organisatrices. À Zurich, malgré l’opposition exprimée au Parlement cantonal, il était prévu que l’initiative soit soumise à un vote le 3 mars 2024.
Après que le conflit armé a éclaté à Gaza, plusieurs villes germanophones de Suisse ont provisoirement interdit les manifestations.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Le Comité contre la torture [ONU] a examiné la situation en Suisse et demandé que des avancées soient rapidement réalisées concernant les travaux en cours au Parlement portant sur la définition de la torture dans le Code pénal. Il s’agissait également de renforcer le mécanisme national de prévention et de mettre en place dans chaque canton un mécanisme indépendant ayant pour mission d’enquêter et d’engager des poursuites en cas de signalement de violences policières et d’actes de violence infligés à des personnes en détention.
DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES
La Cour européenne des droits de l’homme a reproché à la Suisse d’avoir rejeté les demandes de regroupement familial de personnes réfugiées au motif qu’elles dépendraient de l’aide sociale. La Suisse a continué de transférer vers la Croatie des personnes qui dans certains cas souffraient de problèmes de santé ou de traumatismes, malgré les preuves de renvois sommaires et de graves carences affectant le système d’asile croate.
Le programme suisse de réinstallation est resté suspendu, ce qui a privé les personnes réfugiées de voies sûres et légales d’accès à une protection. Une étude mandatée par les pouvoirs publics a mis en évidence la nécessité d’améliorer la prise en charge sanitaire des personnes demandeuses d’asile dans les centres d’hébergement cantonaux et de la Confédération. La Commission nationale de prévention de la torture s’est dite préoccupée par l’encadrement insuffisant des mineur·e·s non accompagnés dans les centres fédéraux pour demandeurs et demandeuses d’asile.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Lors d’une votation qui s’est tenue en juin, 59 % des votant·e·s se sont prononcés en faveur d’une nouvelle loi sur le climat visant à accélérer le passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables et à réduire les effets négatifs du secteur financier sur le climat. Amnesty International, qui a soutenu cette loi, estimait cependant que les mesures prévues n’étaient pas suffisantes pour permettre un abandon rapide des énergies fossiles à l’horizon 2030.
DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE
À la suite d’une campagne d’Amnesty International et d’autres ONG, les autorités législatives de huit villes et cantons ont adopté des projets visant à interdire la reconnaissance faciale automatique dans l’espace public. Dans les villes de Zurich, Saint-Gall et Lausanne et dans le canton de Bâle-Ville, les autorités se sont prononcées pour l’interdiction de la reconnaissance faciale, et des initiatives similaires étaient en cours dans les villes de Lucerne et Genève ainsi que dans les cantons de Zurich et de Bâle-Campagne. Un sondage national a montré que 78 % des candidat·e·s aux élections fédérales étaient favorables à cette interdiction.