Une dizaine de militants locaux d’Amnesty International se sont réunies sur la place Jean-Spire-Lemaître à Vincennes pour clamer haut et fort leur refus de la peine de mort.
Micro en main, Micheline et Danièle ont pris la parole pour réciter des textes forts d’auteurs comme Victor Hugo donc mais aussi Jean Jaurès, Albert Camus et Robert Badinter.
Un peu déconcertés, des passants venus faire leurs courses dans le supermarché de la place, s’arrêtent et prennent un moment pour s’imprégner de ces paroles lourdes de sens.
À la fin, certains font un pas vers nos militants pour poser des questions ou se documenter grâce aux affiches de l’exposition « Pourquoi il faut abolir la peine de mort ».
D’autres repartent directement mais « avec une petite graine semée dans leur cœur » selon Micheline.
Le nom de Victor Hugo est connu de la plupart d’entre nous. Celui de Victor Fanneau de la Horie l’est beaucoup moins.
Le deuxième était le parrain du premier et son sort a peut-être jeté les bases du livre incontournable sur la peine de mort "Le Dernier jour d’un condamné".
Arrêté en octobre 1812 pour tentative de coup d’État, Victor de la Horie est emprisonné au donjon de Vincennes puis exécuté dans la foulée. Victor Hugo avait alors dix ans.
Plus de deux cents ans plus tard, une dizaine de militants locaux d’Amnesty International se sont réunies sur la place Jean-Spire-Lemaître à Vincennes pour clamer haut et fort leur refus de la peine de mort.
Robert Badinter
Voici un extrait du discours de Robert Badinter devant l’Assemblée nationale en 1981 :
« Ceux qui veulent une justice qui tue, ceux-là sont animés par une double conviction : qu’il existe des hommes totalement coupables, c’est-à-dire des hommes totalement responsables de leurs actes, et qu’il peut y avoir une justice sûre de son infaillibilité au point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir. A cet âge de ma vie, l’une et l’autre affirmations me paraissent également erronées. Aussi terribles, aussi odieux que soient leurs actes, il n’est point d’hommes en cette terre dont la culpabilité soit totale et dont il faille pour toujours désespérer totalement. Aussi prudente que soit la justice, aussi mesurés et angoissés que soient les femmes et les hommes qui jugent, la justice demeure humaine, donc faillible. »
Albert Camus
Incipit de Réflexions sur la guillotine d’Albert Camus, 1957 :
« Peu avant la guerre de 1914, un assassin dont le crime était particulièrement révoltant (il avait massacré une famille de fermiers avec leurs enfants) fut condamné à mort en Alger. Il s’agissait d’un ouvrier agricole qui avait tué dans une sorte de délire du sang, mais avait aggravé son cas en volant ses victimes. L’affaire eut un grand retentissement. On estima généralement que la décapitation était une peine trop douce pour un pareil monstre. Telle fut, m’a-t-on dit, l’opinion de mon père que le meurtre des enfants, en particulier, avait indigné. L’une des rares choses que je sache de lui, en tout cas, est qu’il voulut assister à l’exécution, pour la première fois de sa vie. Il se leva dans la nuit pour se rendre sur les lieux du supplice, à l’autre bout de la ville, au milieu d’un grand concours de peuple. Ce qu’il vit, ce matin-là, il n’en dit rien à personne. Ma mère raconte seulement qu’il rentra en coup de vent, le visage bouleversé, refusa de parler, s’étendit un moment sur le lit et se mit tout d’un coup à vomir. Il venait de découvrir la réalité qui se cachait sous les grandes formules dont on la masquait. Au lieu de penser aux enfants massacrés, il ne pouvait plus penser qu’à ce corps pantelant qu’on venait de jeter sur une planche pour lui couper le cou. Il faut croire que cet acte rituel est bien horrible pour arriver à vaincre l’indignation d’un homme simple et droit et pour qu’un châtiment qu’il estimait cent fois mérité n’ait eu finalement d’autre effet que de lui retourner le cœur. »
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