Alors que la Chine ne cesse d'affirmer qu'elle est plus en plus transparente en matière judiciaire, le pays maintient le plus grand secret autour du nombre d’exécution. Enquête
Malgré les demandes réitérées, depuis plus de quarante ans, de la part des Nations unies et de la communauté internationale, et malgré les engagements des autorités chinoises elles-mêmes en faveur d'une meilleure transparence, des milliers de personnes sont exécutées et condamnées à mort chaque année dans le pays.
Des milliers d’exécutions tenues secrètes
Chaque année, nous publions un rapport sur la peine capitale, qui fournit des données chiffrées sur les exécutions et les condamnations à mort à travers le monde et analyse les grandes tendances pour l’année écoulée.
Jusqu’à 2009, ces rapports présentaient les chiffres des cas enregistrés en Chine. Toutes les statistiques relatives au recours à la peine de mort demeurant classées secret d'État dans le pays, les données étaient collectées principalement à partir de sources publiques, telles que les journaux ou les décisions de justice rendues publiques - donc très en deçà de la réalité. En 2009, nous avons découvert que les autorités chinoises utilisaient nos chiffres et les manipulaient pour démontrer l'efficacité des politiques du gouvernement visant à diminuer le recours à la peine de mort dans le pays.
Depuis nous ne cessons de mettre la Chine au défi de publier des données sur l’application de la peine de mort, ce que le pays n’a pas encore fait. D’après les informations disponibles, des milliers de personnes sont exécutées et condamnées à mort chaque année. Si l'on n'inclut pas la Chine, les États à travers le monde ont exécuté 1 032 personnes en 2016. La Chine exécuterait donc davantage de condamnés que tous les autres pays réunis.
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La transparence trompeuse de la Chine
Les conclusions de notre nouvelle enquête montrent que des centaines de cas de peine de mort signalés ne figurent pas dans la base de données publique nationale des décisions de justice, China Judgements Online, pourtant présentée comme « une avancée cruciale en matière d'ouverture » et qui est régulièrement mise en avant par les autorités pour tenter de prouver que le système judiciaire du pays n'a rien à cacher.
Alors qu'elle fournit bien de nouvelles données et promeut une plus grande transparence dans certains secteurs du système judiciaire, les cas d'exécutions y demeurent largement sous-déclarés, voire manquants. Nous avons trouvé dans des articles publiés par les médias des informations faisant état de 931 exécutions de condamnés entre 2014 et 2016 (ce qui ne représente qu'une fraction du nombre total d'exécutions), mais 85 d'entre elles seulement figurent dans la base de données.
Elle ne contient pas non plus d'informations sur les ressortissants étrangers condamnés à mort pour des infractions liées aux stupéfiants, alors même que les médias ont fait état d'au moins 11 exécutions de ressortissants étrangers. N'y figurent pas non plus les cas relatifs au « terrorisme » et aux infractions liées aux stupéfiants.
Le gouvernement chinois met en avant des révélations partielles et des affirmations invérifiables pour prouver qu'il a accompli des progrès en ce qui concerne la réduction du nombre d'exécutions, tout en maintenant un secret quasi absolu sur cette question, rendant impossible toute vérification.
Lire aussi : 5 Chiffres à connaître sur la peine de mort en 2016
Au cours des dernières années, le risque de voir des personnes exécutées pour des crimes qu'elles n'ont pas commis a suscité une inquiétude de plus en plus vive au sein du public en Chine. Il ne reste aujourd’hui qu’une poignée de pays continuant de recourir à la peine capitale. Sachant que quatre pays seulement sont responsables de 87 % de l'ensemble des exécutions recensées à travers le monde, la peine de mort vit elle-même ses dernières heures.
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