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Alexandra Skotchilenko, une artiste russe condamnée à 7 ans de prison pour avoir critiqué la guerre en Ukraine
Parce qu’elle a critiqué la guerre en Ukraine, Alexandra Skotchilenko se retrouve en prison en Russie. Accusée d’avoir diffusé de fausses informations sur l’armée russe, elle a été condamnée à sept ans de prison par un tribunal de Saint-Petersbourg le 16 novembre 2023.
Enfin libre !
Le 1er août, dans le cadre d'un accord d'échange négocié entre la Russie et le Bélarus d'une part, et l'Allemagne, la Norvège, la Pologne, la Slovénie et les États-Unis, d'autre part, les autorités de Moscou et de Minsk ont gracié et libéré 16 personnes.
Parmi elles, Alexandra Skotchilenko (surnommée Sasha). Mais aussi d'autres militants et des défenseurs des droits humains russes tels que Oleg Orlov, Lilia Chanysheva, Ksenia Fadeeva, Vladimir Kara-Murza, Andrei Pivovarov et Ilya Yashin, ainsi que les journalistes Evan Gershkovich et Alsu Kurmasheva.
Comme Alexandra, toutes ces personnes ont été emprisonnées à l'issue de procès iniques. Elles étaient accusées d'avoir critiqué les autorités, milité contre la guerre ou exercé des activités journalistiques. Elles n’auraient jamais dû se retrouver derrière les barreaux !
Aujourd'hui nous partageons le soulagement et la joie que suscite la libération de ces défenseur·es des droits humains, militant·es et journalistes, dont Alexandra, qui pourront bientôt serrer leurs proches dans leurs bras.
Le 24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine. Face à cette invasion, Alexandra Skotchilenko ne peut rester indifférente. Pour l’artiste russe de 32 ans, une action s’impose pour éveiller les consciences et contrecarrer le récit officiel des autorités sur la guerre. « Non à la guerre » sera son mot d’ordre. Le 31 mars 2022, dans un supermarché de Saint-Pétersbourg, elle remplace les prix des produits par de petites étiquettes en papier sur lesquelles on peut lire : « L’armée russe a bombardé une école d’art à Marioupol où environ 400 personnes se cachaient pour se protéger des bombardements ». Une action symbolique forte qui lui vaut d’être arrêtée chez elle quelques jours plus tard, le 11 avril 2022.
Les personnes qui m’accusent ont le pouvoir et l’argent mais j'ai incommensurablement plus : la gentillesse, l'empathie, l'amour véritable et l’immense soutien de personnes du monde entier.
Alexandra Skotchilenko. (Source : Belsat, un média polonais)
Action de solidarité d'Amnesty International France suite à la condamnation d'Alexandra Skotchilenko (surnom Sacha) à sept ans de prison, le 16 novembre 2023, Paris.
*Cet entetien a été mené avant la décision de justice du 16 novembre 2023, condamnant Alexandra Skotchilenko à 7 ans de prison.
Depuis six mois, Sonia Subbotina est interdite de rendre visite et de passer des appels à sa compagne Alexandra Skotchilenko. Mais elle se bat pour sa libération. Pour notre magazine La Chronique, elle témoigne.
Peux-tu nous présenter Alexandra ?
Avant son arrestation, Sasha consacrait presque tout son temps à l’art. Elle est peintre, musicienne multi-instrumentiste (guitare, piano, flûte…). Elle est devenue célèbre grâce à son livre illustré sur la dépression publié en Russie et en Ukraine. Elle a également écrit sur la manie, l’anxiété et d’autres états psychologiques. Son travail est d’ailleurs régulièrement utilisé par les psychologues.
Comment se déroule sa détention ?
Mal. Sasha est incarcérée depuis six mois, dans de très mauvaises conditions : sa cellule est froide, humide, l’eau chaude est constamment coupée, il lui est impossible de se laver. La cuisine est insalubre : on lui a déjà servi des pommes de terre pourries et apporté du thé dans lequel nageait un cafard. Et depuis six mois, les visites ainsi que les appels nous sont interdits. Nous ne pouvons communiquer que par lettres, soumises à la censure.
Quid de son état de santé ?
Sasha est coeliaque, il s’agit d’une maladie génétique auto-immune. Elle doit suivre un régime sans gluten, mais en prison, c’est impossible. Chaque jour, elle a des douleurs abdominales aiguës, nausées,vomissements, diarrhées. Au fil du temps, pour les coeliaques, l’incapacité à maintenir un régime alimentaire correct entraîne l’anémie, la malnutrition et le risque d’un cancer de l’intestin. En outre, on a diagnostiqué chez elle une cardiopathie congénitale. Son état s’aggrave chaque jour, elle souffre de douleurs cardiaques, d’essoufflement, elle s’affaiblit. Sasha ne peut pas recevoir de traitement. Sa vie est en danger.
Demandez aux autorités russes de libérer Alexandra Skotchilenko
Et toi, comment vas-tu ?
Nous étions très heureuses, nous avions une belle vie, pleine de chaleur et de joie. La guerre a tout détruit. Je suis stressée, dépressive. J'ai très peur, car je ne peux pas faire grand-chose pour l’aider. Je subis des pressions et des menaces écrites de personnes qui soutiennent la guerre et harcèlent les personnes LGBTI. La seule chose qu’il me reste à faire est de donner le plus de visibilité à son histoire.
Propos recueillis par Eric Dourel
Alexandra Skotchilenko est inculpée de « diffusion publique de fausses informations sur l'utilisation des forces armées russes » en vertu d’un nouvel article du Code pénal, adopté à la hâte par le Parlement russe en mars 2022, pour empêcher les Russes de critiquer l’invasion de l’Ukraine.
1. La loi qui pénalise les « fausses informations sur l’armée russe »
Le 4 mars 2022, le parlement russe a adopté un texte de loi qui criminalise davantage le partage de « fausses informations » portant sur les activités des forces armées russes. Il s’agit de l’article 207.3 du Code pénal. « La diffusion d'informations sciemment fausses sur les forces armées » est considéré comme un crime. Selon les circonstances, la sanction maximale en vertu de cette loi peut atteindre 15 ans d’emprisonnement. Le paragraphe 2 de l’article, qui est invoqué dans la plupart des cas signalés, prévoit des peines de 5 à 10 ans de prison ou une amende comprise entre 3 et 5 millions de roubles.
2. L’article qui condamne le « discrédit des forces armées »
Un article du Code des infractions administratives - 20.3.3 – rend passible d’une amende toute personne ayant pour intention de « discréditer les forces armées ». L’amende peut aller jusqu'à 150 000 roubles (2 600 dollars, le salaire mensuel médian en Russie étant d'environ 600 dollars).
3. La loi contre les « agents de l’étranger »
Depuis la guerre en Ukraine, les autorités utilisent la législation contre les « agents de l’étranger » pour réduire au silence les médias et les voix dissidentes. Parce que classés comme « agents de l’étranger », des médias ont été contraints de cesser leurs activités en Russie. Les premières lois contre les « agents de l'étranger » sont entrées en vigueur le 21 novembre 2012. Elles se sont étendues aux médias en décembre 2017 puis directement contre les journalistes en 2019.
Nous appelons à l’abrogation de ces lois car elles vont à l’encontre de la liberté d’expression.
Alexandra Skotchilenko est placée dans un centre de détention provisoire où elle a été harcelée par ses codétenues et par le personnel du centre. La santé de la jeune femme est fragile : elle souffre d’une maladie qui la contraint à suivre un régime alimentaire spécifique dont elle est privée dans ce centre de détention. Elle est transférée dans un nouveau centre de Saint-Pétersbourg et se retrouve dans une cellule insalubre avec 18 personnes. Les transferts se multiplient. Malgré son état de santé préoccupant, sa détention provisoire est prolongée de trois mois jusqu’au 10 octobre 2023.
Le 16 novembre 2023, Alexandra Skotchilenko a été condamnée à sept ans de prison. Aujourd'hui en Russie, des dizaines de personnes risquent des peines similaires pour avoir dit « Non à la guerre ».
Depuis l’invasion de l’Ukraine, de nombreux Russes sont descendus dans la rue pour dire non à la guerre. Les arrestations de manifestants se comptent par milliers en raison de l’arsenal législatif que les autorités russes ont renforcé pour réprimer le mouvement.
Manifester en Russie, c’est s’exposer à la répression des autorités qui entend contrôler tout ce qui est dit ou vu. La répression n’est pas nouvelle mais s’est considérablement renforcée depuis la guerre en Ukraine. Les manifestants qui tenaient de simples pancartes blanches pour dire non à la guerre ont été immédiatement inquiétés. Plus de 15 400 manifestants pacifiques ont été arrêtés en Russie depuis le début de la guerre en Ukraine (chiffre fourni par l’ONG russe OVD-info au 7 avril). Les autorités ont lancé une chasse aux sorcières en instrumentalisant le système judiciaire pour poursuivre les manifestants antiguerre.
Alors que la Russie a commencé à déployer un arsenal législatif contre le droit de manifester avec la Loi fédérale sur les rassemblements en 2004,. depuis 2014. , une série d’amendements a vu le jour. L’étendue et l’application de ces lois sont de plus en plus restrictives.
Qu'est-ce qui a changé depuis le déploiement de ces amendements ?
Les policiers utilisent des stratégies de plus en plus brutales pour faire taire les manifestants.
Les tribunaux infligent des peines de plus en plus sévères
Les rassemblements sont quasiment interdits partout en ville.
Les rassemblements spontanés sont interdits partout. Et en notifiant les manifestations aux autorités, elles s’exposent au risque d’être déplacées ou interdites. Le montant des amendes a explosé, passant de 2 000 roubles (54 €) en 2012 à 300 000 roubles (3 409 €) en 2021.
La situation d’Alexandra Skotchilenko est emblématique de la répression du Kremlin contre la société civile russe. L’invasion de l’Ukraine n’a fait que durcir l’arsenal législatif déployé pour faire taire les voix critiques. Il est urgent de faire libérer toutes les personnes arbitrairement détenues dans les prisons russes !