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Mahmoud Abu Zeid, dit "Shawkan"
Mahmoud Abu Zeid, « Shawkan », a eu 29 ans le 10 octobre 2016. Son quatrième anniversaire derrière les barreaux. Jeune photojournaliste, Shawkan a été arrêté le 14 août 2013 alors qu’il couvrait le démantèlement par l’armée du sit-in de Raba’a al Adaweya au Caire.
Mise à jour 30/07/2018 : le verdict du procès de Shawkan est encore une fois reporté au 7 septembre 2018.
Mise à jour le 23/2/2018 : Le 20 février dernier, l'audience de Shawkan a de nouveau été reportée. Cela fait maintenant plus de 40 fois qu'elle l'est, laissant Shawkan en détention préventive bien au-delà de ce qui est autorisé par la loi égyptienne.
Selon les associations de défense des droits humains, plus de 800 personnes ont été tuées ce jour-là, majoritairement des partisans Frères musulmans du président déchu, Mohamed Morsi. Shawkan est resté emprisonné plus de deux ans sans jugement, en violation de la législation égyptienne. Jugé aux côtés de 738 détenus dans l’affaire du « démantèlement de Raba’a », son procès, entamé en décembre 2015, est régulièrement ajourné. Shawkan est accusé entre autres d’homicide, de tentative d’homicide et de possession d’armes, charges pour lesquelles il encourt la peine de mort.
Signer la pétition : en prison pour avoir pris des photos, liberté pour Shawkan !
Photojournaliste indépendant depuis six ans, le jeune Égyptien collaborait avec l’agence de photos en ligne Demotix au moment de son arrestation. Son travail a été publié dans la presse internationale, notamment dans Time Magazine et Die Zeit. L’agence basée à Londres a confirmé aux autorités égyptiennes que Shawkan était en mission le 14 août 2013. « Il ne portait pas d’arme à Raba’a. Il n’avait rien d’autre sur lui qu’un appareil photo Leica », témoigne Louis Jammes, photographe français, arrêté avec Shawkan. Les deux hommes, interpellés par les forces spéciales, ont été emmenés en camion avec une vingtaine d’autres personnes, des riverains essentiellement, dans un gymnase fermé du stade du Caire. « Ils nous ont séparés, les Égyptiens assis d’un côté, les étrangers debout de l’autre. Puis, j’ai été libéré. Avant de partir, j’ai jeté un dernier regard à Shawkan, assis en tailleur, au milieu d’une quarantaine de personnes », raconte Louis Jammes.
« Il ne faisait que son travail »
Détenu à la prison d’Abu Zabaal puis transféré à Torah dans le sud du Caire, Shawkan écrit régulièrement des lettres qu’il fait parvenir à l’extérieur. Il raconte avoir été battu trois jours durant juste après son arrestation. Dans une lettre publiée en décembre 2015, intitulée « Coucher de soleil dans un trou noir », Shawkan décrit ses conditions de détention, confiné 22 heures par jour dans une cellule de trois mètres sur quatre, partagée avec douze autres prisonniers. « Ce donjon n’est même pas digne d’une cage pour animaux. Je dors par terre. Les jours se ressemblent », écrit-t-il. Shawkan a entamé une grève de la faim sans succès. Souffrant d’une hépatite C, on lui a refusé l’accès à un traitement médical. Son état de santé se détériore et son moral se dégrade. « Il a terriblement maigri et souffre d’anxiété, s’inquiète sa mère, qui lui rend visite une fois par semaine à la prison de Torah. Il est détenu dans un département appelé "la prison de l’accueil" », vous vous rendez compte. » , s’insurge-t-elle.
Mon fils n’a rien à voir avec les Frères musulmans ou un quelconque parti politique. Il n’est pas engagé politiquement. Il est photojournaliste et ne faisait que son travail le jour où il a été arrêté. Regardez sa chambre, ses appareils photo ! Il n’a rien d’un assassin, ni d’un terroriste !
Le père de Shawkan
Shawkan a été adopté comme prisonnier d’opinion par Amnesty International qui demande sa libération immédiate et l’ouverture d’une enquête sur les mauvais traitements qu’il dit avoir reçus en prison.
Comprendre : Qu’est-ce qu’un prisonnier d’opinion ?
En Égypte, 57 journalistes sont derrière les barreaux
Le cas de Shawkan est loin d’être isolé. Les années qui ont suivi la destitution du président Mohamed Morsi en juillet 2013 et l’élection d’Abdel Fattah al-Sissi à la tête du pays en mai 2014 témoignent d’un durcissement du pouvoir à l’encontre des journalistes et de la liberté d’expression. Selon le Comité de protection des journalistes (CPJ), l’Égypte était en 2015, avec la Chine, le pays où est emprisonné le plus grand nombre de journalistes. L’Anrhi, ONG locale de défense de la liberté d’expression, recensait en août 2016 au moins 57 journalistes derrière les barreaux. « La période que nous traversons est la pire jamais vue dans l’histoire de l’Égypte moderne », assure Gamal Aïd, fondateur de l’Anrhi, lui-aussi sous le coup d’un procès. L’avocat, engagé depuis plus de dix ans dans la défense de la liberté d’expression, est accusé d’avoir reçu des soutiens financiers d’organisations étrangères « pour influencer l’opinion contre l’État ».
Selon la loi égyptienne, il risque la prison à perpétuité.La répression a connu un coup d’accélérateur en avril 2016, lors de manifestations contre la vente des îles Tiran et Sanafir par l’Égypte à l’Arabie saoudite. Au moins 33 journalistes ont été interpellés alors qu’ils assuraient la couverture médiatique des rassemblements. Le 1er mai, Amr Badr et Mahmoud al Sakka, journalistes pour un quotidien en ligne ont été arrêtés à l’intérieur des locaux du Syndicat des journalistes. La police, contrevenant à la loi, n’a pas hésité à entrer par effraction pour les pourchasser dans le bâtiment. Mahmoud al Sakka est accusé entre autres de tentative de renversement du gouvernement et de diffusion de fausses informations. Après plusieurs mois de détention il a été libéré sous caution en septembre et son collègue en août dernier.
Le Syndicat des journalistes a saisi la justice pour dénoncer le raid des forces du ministère de l’Intérieur ainsi que l’arrestation des deux journalistes. Le parquet n’a pas donné suite. En revanche, Yahia Qalash, directeur du Syndicat des journalistes, ainsi que deux secrétaires membres du bureau exécutif, Khaled al Balchy et Gamal Abdel Rahim, ont été traduits devant la justice pour avoir « protégé » les deux journalistes recherchés par la police. En juin 2016, la présentatrice de nationalités libanaise et britannique, Liliane Daoud, a été expulsée d’Égypte quelques heures après avoir annoncé la fin de son contrat avec la chaîne égyptienne ONTV. La journaliste animait une émission de débat « Al Soura al Kamila » depuis 2011. Des acteurs de la vie politique de tous bords y étaient invités. Elle se montrait souvent critique à l’encontre du régime. Selon les médias gouvernementaux, l’affaire n’a rien de politique. L’expulsion relèverait de la procédure habituelle : Liliane Daoud n’avait aucune raison de rester en Égypte, une fois son émission terminée.
Mahmoud Abu Zeid, « Shawkan » avant son arrestation © Privée
Répression systématique des libertés de la presse
Arrêtés respectivement en octobre et novembre 2015 par les services de la Sûreté de l’État, les journalistes Hicham Jaafar et Ismaïl al Iskandarani sont toujours en détention provisoire, dans l’attente d’un procès. Lors d’une audience, Hicham Jaafar, directeur d’une fondation d’aide au développement des médias (Mada), a déclaré qu’il était emprisonné pour avoir critiqué les dérives sécuritaires du régime. Selon Gamal Aïd, son avocat, le journaliste participait à l’écriture d’une charte de réconciliation nationale. Les services de sécurité avaient été écartés de ce travail qui impliquait des partis politiques et des membres de la société civile. L’arrestation d’Ismaïl Iskandarani, chercheur spécialisé sur les mouvements islamistes dans le Sinaï, révèle elle-aussi un contentieux avec la Sûreté de l’État, d’après Gamal Aïd.
Le journaliste a été arrêté à l’aéroport d’Hurghada alors qu’il arrivait d’Allemagne. « Ses recherches offraient des conclusions différentes sur l’action des services de sécurité dans le Sinaï », avance l’avocat. Une version contradictoire qui n’a apparemment pas plu à l’appareil sécuritaire égyptien. « Il est clair que les autorités ont l’intention de faire taire tous ceux qui les critiquent, résume Gamal Aïd. Nous exprimons notre indignation forte face à une répression systématique et constante contre les libertés de la presse en Égypte et contre le fait que des journalistes sont traduits devant la justice alors qu’ils n’ont commis aucun crime, si ce n’est celui d’avoir fait leur travail pacifiquement ».
Plus récemment, en septembre 2016, quatre journalistes ont été arrêtés alors qu’ils filmaient dans les rues du centre-ville du Caire. Les photojournalistes Hamdy Mokhtar, Mohamed Hassan et Osama al-Bichbichi ainsi que la journaliste Noura Nasser sont accusés de diffuser de fausses informations. Trois d’entre eux racontent avoir été battus et électrocutés durant l’interrogatoire de police. — M. G.
Interpeller le Procureur Général de la République Arabe d’Egypte
Demandons la liberté pour Shawkan, en prison pour avoir pris des photos