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Bolivie. Amnesty International dénonce l’impunité des auteurs des violations des droits humains commises pendant la crise postélectorale
Amnesty International a réuni des informations sur les violations des droits humains commises pendant la crise postélectorale en Bolivie, notamment sur la répression des manifestations et l’utilisation excessive et inutile de la force par la police nationale et les forces armées, qu’elle présente dans un rapport qui contient des recommandations adressées aux personnes candidates à l’élection présidentielle annoncée pour le 18 octobre.
Au moins 35 personnes ont perdu la vie et 833 été blessées dans le contexte des manifestations depuis les élections du 20 octobre 2019, selon les informations présentées dans le rapport intitulé Para sanar la pandemia de impunidad: 20 recomendaciones en materia de derechos humanos a las personas candidatas en las elecciones presidenciales 2020 en Bolivia [Combattre la pandémie d’impunité : 20 recommandations en matière de droits humains pour les personnes candidates à l’élection présidentielle de 2020 en Bolivie].
« La Bolivie est en proie à une grave crise sociopolitique, et le pays se trouve actuellement à la croisée des chemins. La seule option viable qui lui permettra de sortir de cette crise consiste à placer les droits humains de toutes les personnes au cœur de sa riposte. Faute de quoi, la population – principalement les groupes marginalisés de longue date – est condamnée à s'enfoncer dans une spirale de violence et de violations persistantes de ses droits, a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.
Alors que la Bolivie se prépare pour l’élection présidentielle annoncée pour le 18 octobre, après deux reports, le pays traverse une grave crise sociale, politique et en matière de droits humains qui a été aggravée par la pandémie de COVID-19. Le ministère bolivien de la Santé recensait à la date du 13 août 3 800 décès et 96 000 cas de personnes testées positives dans le contexte de la situation d’urgence sanitaire.
Les manifestations, y compris les barrages routiers, organisées pour protester contre le report des élections, se sont intensifiées ces derniers jours ; ces blocages ont été accusés d’empêcher l’acheminement de fournitures indispensables pour lutter contre le COVID-19 destinées à des communautés qui en ont besoin, et des violences commises par certains protestataires ou entre groupes de protestataires entraînant l’intervention des forces de sécurité ont été dénoncées.
« La pandémie de COVID-19 n’est pas la seule crise grave que traverse la Bolivie. Les personnes candidates à l’élection présidentielle doivent également s’engager à prendre des mesures urgentes pour combattre la pandémie d’impunité à laquelle le pays est confronté depuis de longues années, a souligné Erika Guevara Rosas.
« Sans la vérité et sans la justice, il ne peut y avoir de garantie de non-répétition des violations des droits humains que nous avons documentées. Dans ce contexte de polarisation et d’absence de confiance, le Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (GIEI) représente une véritable possibilité de garantir la justice ; il est donc important que l’État bolivien s’engage à ce qu’il puisse travailler dans le pays. »
Les recommandations qu’adresse Amnesty International aux personnes candidates à la présidence du pays visent à ce que les violations des droits humains commises pendant la crise postélectorale qui a commencé en octobre 2019 fassent l’objet d’enquêtes, à ce que les droits des victimes soient garantis, et à prévenir de nouvelles violations.
Pour rédiger ce rapport, Amnesty International a rencontré plus de 60 personnes, notamment des proches de victimes des violations des droits humains commises dans le contexte des manifestations de Sacaba et du blocage de l’entreprise publique YPBF à Senkata, ainsi que des témoins des faits – qui ont pour la plupart demandé à rester anonymes par crainte de représailles –, des journalistes et des défenseur·e·s des droits humains.
Les événements qui ont eu lieu en novembre 2019 à Sacaba et à Senkata, où au moins 18 personnes ont été tuées par balle, sont emblématiques de cette crise. Les témoignages et les éléments de preuve qui ont été réunis représentent de forts indices d’un usage disproportionné et inutile de la force de la part de la police nationale et de l’armée, mais les autorités compétentes n’ont pas fait le nécessaire pour tirer au clair les circonstances de ces faits. L’organisation demande aux personnes candidates à l’élection présidentielle d’adopter les mesures nécessaires pour garantir des enquêtes indépendantes, impartiales et urgentes afin d’empêcher la pérennisation de l’impunité.
Le rapport rend également compte de menaces et d’actes de harcèlement visant des défenseur·e·s des droits humains, comme dans le cas de Waldo Albarracín, qui a subi une attaque contre son intégrité physique et dont la maison a été incendiée par un groupe de personnes le jour où l’ancien président Evo Morales a présenté sa démission. Les enquêtes pénales ouvertes sur de tels agissements n’ont pas avancé et l’État n’a pas procuré aux défenseur·e·s une protection adéquate leur permettant d’effectuer leur travail légitime.
Par ailleurs, Amnesty International est préoccupée par les discours contre les droits humains entendus en Bolivie. À différents moments de la crise postélectorale, de hauts représentants du précédent gouvernement ont fait des déclarations comportant des appels à la violence et menacé de boucler des villes si les grèves se poursuivaient. De son côté, le gouvernement par intérim a harcelé et menacé des opposants politiques et des personnes considérées comme telles, et les autorités ont menacé publiquement des dirigeant·e·s de l’opposition accusés de « désinformation » et des journalistes accusés de « sédition ». De plus, des personnes ont été accusées de participer à des « mouvements de déstabilisation et de désinformation », et de mener une « guerre virtuelle » contre le gouvernement.
Ce harcèlement restreint indument dans le pays la liberté d'expression en provoquant la censure de dirigeant·e·s politiques, de journalistes et de défenseur·e·s des droits humains, notamment de professionnel·le·s de santé. Cela peut en outre être perçu par d’autres puissants acteurs de la société comme un dangereux message de tolérance pour les agissements dirigés contre ou censurant les opinions dissidentes, et comme une carte blanche pour l’impunité.
Le rapport recommande aux personnes candidates à l’élection présidentielle de s’engager à garantir la mise en place rapide du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants (GIEI Bolivie), sous les auspices de la Commission interaméricaine des droits de l'homme. L’accord portant sur la mise en place du GIEI est un engagement qui a été pris par la présidente par intérim Jeanine Añez, mais qui n’a jusqu’à présent pas été mis en œuvre. L’indépendance du GIEI Bolivie est fondamentale pour que toute la lumière puisse être faite sur les actes de violence et les violations des droits humains qui ont été commis dans le pays entre le 1er septembre et le 31 décembre 2019.
Amnesty International demande également aux autorités boliviennes de prendre sans délai les mesures nécessaires pour faire face à la situation d’urgence due à la pandémie de COVID-19, qui a atteint des proportions très préoccupantes dans le pays au cours des dernières semaines, et touché de façon disproportionnée des personnes vulnérables, notamment les populations indigènes.
« Le COVID-19 a fait des milliers de morts et de malades en Bolivie. Le fait de bloquer l’acheminement de fournitures est inacceptable, car cela porte gravement atteinte aux droits humains des personnes les plus susceptibles d’être frappées la pandémie. Les autorités boliviennes, à tous les niveaux, doivent respecter leur obligation de garantir le droit à la santé, et prendre les mesures requises pour garantir également le droit de manifester de façon pacifique », a déclaré Erika Guevara Rosas.
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