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Égypte. Il faut abandonner le projet de Code de procédure pénale

Les modifications proposées menacent les droits à un procès équitable et renforcent le pouvoir de représentants de l’État abusifs

Le Parlement égyptien doit rejeter le projet de loi présenté, qui remplacerait le Code de procédure pénale de 1950, ont déclaré Amnesty International, Dignity, Human Rights Watch et la Commission internationale de juristes (CIJ) le 2 octobre 2024. S’il est promulgué, ce projet de loi sapera les protections des droits à un procès équitable déjà affaiblies en Égypte et renforcera encore le pouvoir de responsables de l’application des lois abusifs.

« Au lieu de saisir l’occasion d’adopter des protections et des garanties nécessaires pour les droits fondamentaux des détenus et des accusés et de mettre fin à la détention arbitraire, les législateurs égyptiens s’apprêtent à perpétuer les cadres qui ont facilité et continuent de faciliter les violations de ces droits, a déclaré Said Benarbia, directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient de la Commission internationale de juristes (CIJ). Les amendements proposés tournent en dérision le soi-disant Dialogue national entre le gouvernement et l’opposition, ainsi que les inquiétudes des victimes, des représentants de la société civile, des organismes de l’ONU et des experts indépendants. »

Le gouvernement égyptien a élaboré le projet de Code de procédure pénale, que la sous-commission parlementaire en charge des affaires constitutionnelles et législatives a examiné en août et approuvé en septembre. La dernière version du texte de loi, que certains sites d’information pro-gouvernementaux ont publié, remplacerait le Code de procédure pénale de 1950, tout en conservant certaines de ses dispositions.

Le projet de Code de procédure pénale ne respecte pas les normes internationales relatives aux droits humains et aura des répercussions catastrophiques sur les droits des accusés avant et pendant le procès

Mahmoud Shalaby, Amnesty International

Selon certains médias pro-gouvernementaux, le projet de Code de procédure pénale a été rédigé en s’appuyant sur les recommandations du Dialogue national de 2023, qui a permis aux autorités de mener de longues discussions avec des figures de l’opposition et de la société civile au sujet des prisonniers politiques et de l’utilisation abusive de la détention provisoire, entre autres. Toutefois, ce projet de loi est loin d’être conforme au droit international relatif aux droits humains et aux normes afférentes : (i) il ne permet pas de mettre fin au recours généralisé par les autorités égyptiennes à la détention provisoire abusive pour sanctionner leurs détracteurs ; (ii) il perpétue l’impunité pour les responsables de l’application des lois ; et (iii) renforce l’autorité et le pouvoir de discrétion des procureurs, ce qui risque de favoriser de nouvelles violations des droits à un procès équitable.

Il est prévu que le projet de Code de procédure pénale soit débattu en session plénière au Parlement et il pourrait être adopté dès octobre 2024. Sous la présidence d’Abdel Fattah al Sissi, le Parlement égyptien, dominé par les députés pro-gouvernementaux, a fréquemment validé les yeux fermés des lois proposées par le gouvernement.

Ce projet de loi lacunaire s’est attiré de vives critiques, y compris de la part du Syndicat de la presse et du Syndicat des avocats. Ces deux organismes ont déclaré séparément que les amendements proposés contenaient de nombreuses dispositions « inconstitutionnelles » et sapaient le droit de se défendre, le rôle des avocats et le principe d’un procès équitable public.

« Le projet de Code de procédure pénale ne respecte pas les normes internationales relatives aux droits humains et aura des répercussions catastrophiques sur les droits des accusés avant et pendant le procès. Il ne garantit pas le droit des détenus de comparaître rapidement devant un juge, au plus tard 48 heures après leur arrestation, afin qu’il statue sur le placement en détention. En outre, les procureurs pourront prendre des décisions cruciales lors de l’audition des témoins de la défense et mener, s’ils l’estiment ” nécessaire pour faire éclater la vérité “, des interrogatoires en l’absence d’avocats », a déclaré Mahmoud Shalaby, chercheur sur l’Égypte à Amnesty International.

Les autorités égyptiennes ont modifié le Code de procédure pénale en maintes occasions ces dernières décennies – y compris sous le gouvernement actuel – en vue de saper l’indépendance de la justice et l’état de droit, d’éroder les normes internationales d’équité des procès et de durcir leur répression de la dissidence politique. Depuis 2013, elles politisent le système judiciaire et démantèlent les garanties en matière d’indépendance de la justice, l’état de droit et les garanties d’un procès équitable, afin de mettre la justice au service de leur campagne nationale visant à étouffer toute dissidence pacifique. En renforçant le pouvoir des procureurs, le projet de Code de procédure pénale ignore leur complicité dans les détentions arbitraires généralisées, la torture et les mauvais traitements, et les disparitions forcées.

Promulguées dans leur version actuelle, certaines dispositions raccourciraient les périodes de détention provisoire. Cependant, les limites révisées restent trop longues et le texte ne restreint pas les pouvoirs actuels des procureurs : ils peuvent prolonger la détention provisoire abusive sans contrôle judiciaire, et notamment ordonner le maintien en détention pour des charges similaires dans de nouvelles affaires – une pratique connue sous le nom de « rotation » ou de « recyclage ». Le texte n’est pas à la hauteur des obligations internationales qui incombent à l’Égypte, à savoir veiller à ce que la détention provisoire reste une mesure d’exception, et non la règle, et ne soit utilisée que lorsque cela est nécessaire et proportionné pour atteindre des objectifs autorisés – protection de preuves ou sécurité publique notamment.

En outre, des dispositions codifient et élargissent le recours au système de visioconférence pour les audiences du parquet et du tribunal, ce qui compromet les garanties d’un procès équitable et empêche les magistrats d’évaluer l’état des accusés, les exposant davantage au risque de violations en détention, notamment du fait des conditions carcérales déplorables. Enfin, ce texte conserve des articles qui perpétuent l’impunité pour les atteintes perpétrées par des membres des forces de sécurité en limitant les droits des victimes de leur demander des comptes pour les crimes de droit international de torture et de disparition forcée, qui sont très répandus en Égypte.

« Le projet de Code de procédure pénale ne remédie pas à l’utilisation abusive de la détention provisoire, perpétuant son usage arbitraire comme moyen punitif, a déclaré Grant Shubin, conseiller juridique à Dignity. L’audace éhontée des autorités égyptiennes qui se félicitent de ce projet de loi montre à quel point ce gouvernement autoritaire s’est éloigné des normes internationales les plus élémentaires en matière de droits humains et témoigne de la capacité des services de sécurité à légaliser leurs pratiques abusives, les institutions de l’État n’opposant que peu de résistance. »

La Commission internationale de juristes (CIJ), Amnesty International, Dignity et Human Rights Watch appellent les autorités égyptiennes à abandonner ce projet de Code de procédure pénale et à élaborer un nouveau texte, conforme aux normes internationales, à l’issue d’une consultation véritable et transparente avec les ONG égyptiennes et internationales, des experts indépendants, des victimes et des avocats.

Vous pouvez consulter ici l’analyse approfondie d’Amnesty International du projet de Code de procédure pénale.

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