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Mexique. Des défenseur·e·s de la terre, du territoire et de l’environnement sont poursuivis en justice pour avoir manifesté
Le recours disproportionné au droit pénal est l’une des principales menaces pesant sur le droit de manifester pacifiquement pour défendre la terre, le territoire et l’environnement au Mexique, écrit Amnesty International dans le rapport intitulé México: Tierra y ¿Libertad? Criminalización de personas defensoras de tierra, territorio y medio ambiente, rendu public mercredi 13 septembre, qui fait état de l’utilisation disproportionnée du système judiciaire pour dissuader et empêcher les défenseur·e·s de manifester pour revendiquer leurs droits, et pour les sanctionner.
« Le recours disproportionné au système pénal contre les manifestant·e·s s’inscrit dans une stratégie plus large visant à décourager et à démanteler la défense des droits à la terre, au territoire et à l’environnement. Il est alarmant de voir que le Mexique figure parmi les pays où le nombre d’assassinats de défenseur·e·s de l’environnement est le plus élevé, tandis que l’État se garde bien de lutter contre cette violence et de la prévenir, et que d’autres violations graves de leurs droits fondamentaux, telles que la stigmatisation, le harcèlement, les agressions, les déplacements forcés et les disparitions, viennent s’y ajouter », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.
Le rapport se concentre sur quatre cas : (i) Colonia Maya, à San Cristóbal de las Casas (État du Chiapas), où un groupe s’est réuni pour protester contre la construction d’un lotissement résidentiel dans une zone protégée où il causerait des dommages environnementaux ; ii) Zacatepec, où Miguel et Alejandro, communicateurs et défenseurs nahuas, ont protesté contre la construction d’un égout à Ciudad Industrial Huejotzingo (État de Puebla), qui, semble-t-il, se déverse dans la rivière Metlapanapa et la pollue ; iii) Chilón (État du Chiapas), où César et José Luis, défenseurs tzeltals, ont été poursuivis pour s’être opposés à la construction d’une caserne de la Garde nationale sur leur territoire ; iv) Sitilpech, (État du Yucatán), où des résident·e·s tels que Jesús Ariel, Arturo et Juan Diego s’élèvent contre les activités d’une méga-ferme porcine sur leur territoire en raison de la pollution, de la contamination de l’eau et des problèmes de santé qu’elle génère.
Le recours disproportionné au système pénal contre les manifestant·e·s s’inscrit dans une stratégie plus large visant à décourager et à démanteler la défense des droits à la terre, au territoire et à l’environnement.
Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International
Le droit de manifester est un moyen fondamental pour les défenseur·e·s de la terre, du territoire et de l’environnement de revendiquer leurs droits, en particulier lorsque d’autres mécanismes institutionnels ont échoué ou ne leur ont pas été accessibles. Diverses autorités de l’État ont recouru à des procédures pénales contre ces personnes, sans respecter les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité. Elles n’ont pas non plus pris en compte le contexte des manifestations, leurs causes profondes ni le droit des personnes à défendre leur terre, leur territoire et l’environnement.
Poursuites pénales et stigmatisation
Notre rapport souligne l’utilisation de définitions pénales vagues ou ambiguës qui ne respectent pas le principe de légalité, telles que celles des infractions suivantes : « émeute », « obstruction de travaux publics » et des variantes de l’« attaque contre les voies de communication ». Il a également été observé que des événements survenant lors de manifestations ont été comparés à d’autres types d’infractions, du fait de l’interprétation trop large des infractions pénales et de déclarations qui déforment les faits. Les accusations s’appuient principalement sur les déclarations de fonctionnaires et d’employés d’entreprises directement liées aux événements dénoncés par les résident·e·s. Aucun des dossiers examinés ne contient de preuves permettant d’établir de façon concluante l’existence d’une quelconque infraction.
Amnesty International a relevé des caractéristiques communes inquiétantes dans ces affaires. La grande majorité des plaintes déposées visent des personnes considérées comme les responsables ou les membres les plus visibles de mouvements de protestation, qui sont jugées pour des infractions aux définitions vagues, sans preuves tangibles et uniquement pour leurs actions pacifiques. Les poursuites ont tendance à s’éterniser pour diverses raisons, et il existe toujours un risque de réactivation des poursuites ou de fabrication de nouvelles accusations. « Les poursuites pénales visant des défenseur·e·s constituent un mécanisme de dissuasion à l’intention d’autres personnes qui défendent les mêmes causes, car elles leur font souvent craindre que leurs demandes légitimes ne se heurtent également à la réprobation sociale, la répression et des menaces contre leur vie et leur sécurité. Nous avons pu observer l’espoir et la dignité des personnes visées par des poursuites injustes, qui se sont senties soutenues par leur communauté, mais d’autres personnes ont en revanche décidé d’abandonner la lutte pour le respect de leurs droits », a déclaré Edith Olivares Ferreto, directrice exécutive d’Amnesty International Mexique.
Les différents impacts de la pression de l’État
Les procédures s’accompagnent souvent d’une stigmatisation des défenseur·e·s et de graves risques pour leur sécurité et leur intégrité personnelle. Cette situation a également un impact sur leurs avocat·e·s et leurs sympathisant·e·s. Le recours au système répressif en cas d’opposition ou de dénonciation de projets présentant un intérêt pour les gouvernements locaux et les entreprises n’a aucune conséquence et se fait en toute impunité. D’autres violations survenant dans le cadre des manifestations ne donnent pas non plus lieu à des enquêtes, par exemple les violations du droit à la liberté et à la sécurité des défenseur·e·s, ainsi que l’usage excessif de la force.
Les poursuites injustes visant des défenseur·e·s qui protestent pacifiquement ont des répercussions à la fois individuelles et collectives. Les effets les plus fréquents au niveau individuel sont d’ordre physique, psychologique et économique : maladie, douleurs physiques consécutives à des coups, peur, anxiété, troubles du sommeil, stress, impuissance, sentiment d’injustice face à ce qui leur est arrivé et répercussions sur leur travail de défense des droits. Parmi les impacts collectifs, on peut citer l’effet paralysant ou l’inhibition de la revendication des droits à la terre, au territoire et à l’environnement chez les personnes défendant les mêmes causes.
La criminalisation injuste du travail de défense des droits humains détourne l’attention des causes profondes des problèmes, ainsi que des difficultés auxquelles sont confrontés les défenseur·e·s de la terre, du territoire et de l’environnement. La gestion du droit de manifester doit reconnaître que les conflits sociaux abordés dans une optique punitive aggravent généralement les problèmes et ne résolvent pas les questions de fond. Les demandes des défenseur·e·s doivent être correctement entendues et analysées, et leur droit de manifester doit être garanti.
Nous avons pu observer l’espoir et la dignité des personnes visées par des poursuites injustes, qui se sont senties soutenues par leur communauté, mais d’autres personnes ont en revanche décidé d’abandonner la lutte pour le respect de leurs droits.
Edith Olivares Ferreto, directrice exécutive d’Amnesty International Mexique
Le rapport d’Amnesty International contient plusieurs recommandations générales visant à résoudre le problème du recours disproportionné au système pénal face aux manifestant·e·s, ainsi que d’autres recommandations spécifiques aux cas figurant dans le rapport. Il préconise notamment que les autorités reconnaissent le travail précieux accompli par les défenseur·e·s de la terre, du territoire et de l’environnement, qu’elles s’abstiennent de les stigmatiser, qu’elles garantissent leur participation aux décisions concernant leurs communautés, qu’elles renforcent le mécanisme de protection des défenseur·e·s des droits humains et des journalistes, et qu’elles s’abstiennent d’utiliser des forces de sécurité militarisées, telles que la Garde nationale, pour assurer le maintien de l’ordre durant les manifestations.
Parmi les recommandations spécifiques, Amnesty International demande à l’État de cesser immédiatement de criminaliser les manifestations, et de veiller à ce que les violations des droits humains dans les cas recensés par le rapport donnent lieu à une enquête en bonne et due forme, afin que les défenseur·e·s reçoivent des réparations complètes.
Le rapport s’accompagne du lancement de la campagne #ProtestingIsNotACrime, qui vise à sensibiliser au problème des poursuites injustes visant les défenseur·e·s des droits humains, et à son impact sur la défense de la terre, du territoire et de l’environnement.
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