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Ouzbékistan. La surveillance de masse s'étend au-delà des frontières

Le gouvernement ouzbek exerce une surveillance illégale sur ses citoyens et instaure un climat de peur et d'incertitude pour les Ouzbeks en Europe, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport.

Le rapport intitulé« We Will Find You, Anywhere » examine les répercussions de la surveillance illégale exercée par le gouvernement sur la vie de sept Ouzbeks qui vivent en Ouzbékistan et à l'étranger. Figurent parmi ces cas celui d'un réfugié vivant en Suède, dont la correspondance avec ses proches dans son pays natal a été surveillée, et celui d'une journaliste qui a dû fuir en France car elle était surveillée par des agents des services secrets.

« Ce rapport expose les conséquences considérables de la surveillance de masse non seulement sur les droits humains des personnes en Ouzbékistan, mais aussi sur ceux des Ouzbeks en Europe, a déclaré Joshua Franco, chercheur sur les technologies et les droits humains à Amnesty International.

En Ouzbékistan, les autorités ont créé un climat de suspicion où la surveillance, ou ce qui est perçu comme la menace d'une surveillance, est une composante omniprésente de la vie pour les défenseurs des droits humains, les journalistes et les militants politiques.

« Mais les effets de cette surveillance sont aussi fortement ressentis en dehors du pays. La peur divise les familles, et les réfugiés ont peur de contacter leurs proches dans leur pays d'origine en raison des graves dangers que cela pourrait leur faire courir. »

Le rapport présente des informations sur le cas de Dilshod (ce n'est pas son vrai nom), un réfugié qui vit en Suède et qui milite au sein de l'opposition politique ouzbèke. Les proches de Dilshod ne veulent plus avoir de contacts avec lui, car ils ont reçu des visites de la police peu après lui avoir parlé au téléphone.

Sa tante, qui est mourante, a même reçu la visite d'agents des services secrets à la suite d'une conversation avec lui.

Dilshod a déclaré à Amnesty International : « Quand nous appelons nos proches et nos amis, tout va être écouté, on le sait. Nous [qui vivons en Suède], nous n'allons ni subir de pressions ni avoir d'ennuis, mais ce sont ceux que nous appelons qui vont avoir des problèmes. »

En Ouzbékistan, les autorités harcèlent et menacent couramment les familles pour les forcer à donner des informations sur un suspect.

Fin 2014, la messagerie électronique de Galima Bukharbaeva, journaliste ouzbèke basée à Berlin et rédactrice en chef du site d'information indépendant UzNews.net, a été piratée. Quand le contenu de ses courriels privés a été publié sur des sites web ouzbeks, le nom des journalistes locaux avec qui elle travaillait secrètement a été dévoilé et cela les a mis en danger.

L'une de ces journalistes, Gulasal Kamolova, a reçu des menaces qui l'ont contrainte à fuir l'Ouzbékistan en 2015. Elle vit en France depuis 11 mois et n'a pas une seule fois contacté sa famille pendant tout ce temps. Avant qu'elle ne fuie son pays, un agent des services secrets lui avait dit : « Où que vous soyez, nous vous retrouverons, partout. »

Gulasal Kamolova a déclaré à Amnesty International : « En vérité, je n'ai pas peur. Je n'ai rien à perdre hormis mon travail, et mon travail est ici. Je pense que c'est ma réponse face à toutes ces menaces et persécutions exercées par les services secrets en Ouzbékistan. Je n'ai pas peur de cela, mais je sais qu'ils sont présents ici. Je ne me sens pas en sécurité, mais je n'ai pas peur. »

Gulasal Kamolova et d'autres journalistes ont été forcés de fuir l'Ouzbékistan à la suite du piratage de la messagerie électronique à Berlin, et le site pour lequel ils travaillaient, Uznews.net, a finalement dû fermer.

Le rapport présente également le cas du défenseur des droits humains Dmitry Tikhonov, qui a dû fuir son pays après que des données personnelles piratées et rendues publiques eurent été utilisées pour le menacer de poursuites en justice.

Le cadre juridique mis en place par le gouvernement ouzbek pour  réglementer les activités de surveillance ne sert qu'à faciliter son utilisation massive, contrairement aux dispositions du droit et des normes relatifs aux droits humains. La législation du pays offre au gouvernement un accès direct aux données dans le secteur des télécommunications, et permet d'exercer de nombreux types de surveillance sans qu'il soit nécessaire d'obtenir une autorisation auprès de la justice.

« Les autorités ouzbèkes ont créé un système où la surveillance et le soupçon de surveillance ne sont pas une exception, mais la norme, a déclaré Joshua Franco.

« Les Ouzbeks vivent en permanence dans un climat de peur, chaque appel téléphonique, chaque courriel et chaque texto étant susceptible de ne pas rester privé. Les restrictions auxquelles sont ainsi soumises la vie et les libertés des personnes sont insupportables et inacceptables.

« Le gouvernement doit réformer ses lois sur la surveillance et les mettre en conformité avec les normes internationales. Ces réformes devraient au minimum aboutir à ce que l'accès aux données personnelles soit soumis dans tous les cas à l'autorisation d'un juge sur la base de soupçons raisonnables d’infraction pénale. »

Complément d’information

La surveillance en Ouzbékistan aggrave encore un climat déjà hostile à l'égard des défenseurs des droits humains, des journalistes et des militants politiques, entre autres. Ces dernières années, Amnesty International a rassemblé des informations sur de graves violations des droits humains, notamment sur des arrestations arbitraires et l'utilisation généralisée de la torture par les agents des forces de l'ordre et des services secrets.

Des défenseurs des droits humains, des détracteurs du gouvernement et des journalistes indépendants ont été contraints de quitter l'Ouzbékistan afin d'échapper aux arrestations ou aux actes de harcèlement et d’intimidation permanents de la part des forces de sécurité et des autorités locales.

Ceux qui se trouvent toujours dans le pays, et qui ne sont plus nombreux, sont régulièrement surveillés par des agents des services secrets ou des forces de l'ordre en uniforme ou en civil. Les défenseurs des droits humains et les journalistes continuent d'être convoqués pour des interrogatoires au poste de police local, placés en résidence surveillée, ou empêchés d'une autre manière de participer à des réunions avec des délégations et des diplomates étrangers ou à des manifestations pacifiques. Ils sont souvent frappés et arrêtés par des agents des forces de l'ordre, ou battus par des personnes soupçonnées d'être employées par les services secrets.

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