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Tunisie. L'examen par le Conseil des droits de l'homme doit être l'occasion de relancer les réformes

Le gouvernement doit faire la preuve de son engagement en faveur des droits humains en acceptant les recommandations qui lui ont été adressées à propos de la lutte contre la torture, de l'élimination de la discrimination et de la protection des femmes et des filles contre les violences sexuelles et liées au genre, a déclaré Amnesty International.

Le gouvernement tunisien a reçu des recommandations de plus de 50 pays lors de son troisième Examen périodique universel (EPU) par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies mardi 2 mai 2017.

« La Tunisie a fait des progrès en ouvrant davantage l'espace politique et civil et en engageant quelques réformes législatives, mais rien n'a changé ou presque dans le domaine de la sécurité, et une recrudescence des violations commises en toute impunité a été constatée ces dernières années », a déclaré Heba Morayef, directrice Recherches pour l'Afrique du Nord à Amnesty International. 

Le précédent examen de la situation en Tunisie par le Conseil des droits de l'homme remontait à mai 2012. Depuis, le pays a adopté une nouvelle Constitution garantissant un certain nombre de droits fondamentaux, ainsi qu'une nouvelle loi sur la justice de transition. Elle a aussi modifié son Code de procédure pénale afin de renforcer le droit à un procès équitable. Toutefois, un rapport d'Amnesty International paru en février 2017 a montré que des violations continuaient d'être commises au nom de la sécurité nationale, notamment des actes de torture, des arrestations arbitraires et des restrictions de la liberté de mouvement. La discrimination contre les femmes et contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) demeure également un problème.

« Cet examen survient à un moment crucial pour la Tunisie. Il lui offre une occasion unique de faire le point sur sa transition en matière de réformes relatives aux droits humains six ans après le soulèvement, et alors qu'elle est toujours confrontée à des difficultés en termes de sécurité », a déclaré Heba Morayef.

Dans le rapport national qu'il a remis au Conseil des droits de l'homme, le gouvernement tunisien insiste sur les réformes constitutionnelles et le rôle et la structure des nouveaux organismes indépendants qui ont été créés depuis le précédent EPU, comme l'Instance de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, l'Instance vérité et dignité et l'Instance nationale pour la prévention de la torture. En revanche, ce rapport n'aborde pas les préoccupations relatives aux violations des droits humains qui continuent d'être perpétrées par les forces de sécurité, et ne donne pas de détails sur la mise en œuvre, à ce jour, de l'obligation de rendre des comptes pour les violations commises durant ces cinq dernières années.

Plus de 12 pays ont fait des recommandations portant spécifiquement sur la lutte contre la torture et les autres mauvais traitements, notamment sur la nécessité d'enquêter à propos des allégations de tels actes et d'en poursuivre les responsables. Le Canada a suggéré d'installer des caméras vidéo dans les centres de détention provisoire afin d'améliorer la prévention de la torture et des autres mauvais traitements. Plusieurs États ont également souligné l'importance d'allouer les moyens nécessaires au mécanisme national de prévention et de garantir son indépendance.

Dans son récent rapport, Amnesty International a fait état de cas de torture et d'autres mauvais traitements survenus dans le contexte d'opérations antiterroristes ces deux dernières années. Dans les affaires de torture, rares sont les poursuites judiciaires qui ont abouti en Tunisie ces quatre dernières années, et il règne dans le pays un climat d'impunité généralisée pour les violations commises par les forces de l'ordre.

Le Japon, la Norvège et la Finlande ont souligné la responsabilité de la Tunisie de protéger et de garantir les droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, notamment le droit à un procès équitable et les droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association.

Pas moins de 15 États ont adressé à la Tunisie des recommandations concernant la nécessité d'éliminer la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, l'appelant principalement à réformer sa législation qui érige en infraction les relations entre personnes de même sexe. L'article 230 du Code pénal tunisien prévoit une peine pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement pour toute personne ayant des relations avec un partenaire de même sexe. Cette disposition est manifestement discriminatoire et rend les personnes LGBTI plus vulnérables à la violence et à d'autres violations aux mains de la police. En outre, les examens médicaux forcés imposés aux hommes accusés d'avoir eu des relations consenties avec une personne de même sexe dans le but de « prouver » leurs pratiques sexuelles s'apparentent à un viol, et donc à de la torture.

Plusieurs États ont aussi recommandé à la Tunisie d'accélérer l'adoption d'une législation exhaustive sur la violence contre les femmes et les filles, notamment en érigeant le viol marital en infraction et en abrogeant la loi qui permet au violeur d'échapper aux poursuites s'il épouse sa victime. Il lui a également été recommandé de prendre des mesures concrètes pour modifier toutes les dispositions discriminatoires à l'égard des femmes.

« La Tunisie a aujourd'hui l'occasion de montrer au monde qu'elle est réellement engagée dans la mise en œuvre de réformes relatives aux droits humains. Pour cela, elle doit accepter les recommandations lui demandant de mettre sa législation nationale en conformité avec le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière, en particulier en ce qui concerne la discrimination », a déclaré Heba Morayef.

Bien qu’elle maintienne un moratoire sur les exécutions, la Tunisie a adopté en 2015 une nouvelle loi antiterroriste qui prévoit la peine capitale pour diverses infractions. Le pays a jusqu'ici toujours rejeté les recommandations en faveur de l'abolition de la peine de mort. Ce troisième examen lui offre une nouvelle occasion de revoir sa position sur ce châtiment.

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