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URGENCE PROCHE ORIENT

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Centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot © La Cimade
Personnes réfugiées et migrantes

L’appel à l’aide d’un couple Afghan menacé de mort

Hier à l’aube, Farshad et Atefeh ont été expulsés vers la Suède et risquent maintenant d’être renvoyés en Afghanistan. Ils nous avaient fait parvenir leur témoignage.

Atefeh

Farshad et Atefeh sont un jeune couple Afghan, menacé d’expulsion vers la Suède puis l’Afghanistan. La famille d’Atefeh s’opposant farouchement à leur union, le couple a dû fuir le pays après avoir fait l’objet d’attaques et de menaces de morts. Ils racontent ensemble leur histoire.

Farshad avait un magasin de tissus en Afghanistan. A chaque cérémonie, j'allais dans son magasin avec ma famille pour acheter du tissu, c’est comme ça que nous nous sommes rencontrés. Après plusieurs entrevues j'ai pris son numéro.

Quand je me retrouvais seule, je l’appelais. Je lui racontais mon histoire, mes problèmes, ce qui se passait dans ma vie. Nous avions une relation téléphonique.

Je lui ai raconté qu’à l’âge de 15 ans, j'ai été fiancée à mon cousin paternel. Il avait 18 ans de plus que moi. Je ne voulais pas me marier avec lui : il se droguait, ce n'était pas quelqu’un de bien.

Peu de temps après, ma mère a compris que je parlais au téléphone avec Farshad, elle m’a frappé car elle n’acceptait pas notre relation et elle m’a dit que mes frères allaient me brûler vive si je continuais.

Farshad

Ce qu'Atefeh a du mal à exprimer c'est que même avant les fiançailles, elle a été violée plusieurs fois par son cousin. Son oncle est quelqu’un de reconnu, il a beaucoup de pouvoir. De plus, si d’une manière générale les droits des femmes en Afghanistan sont bafoués, dans sa famille à elle, qui est très puissante, les femmes n’ont vraiment aucun droit. Elle a eu beaucoup de difficultés avec sa famille, elle était traitée comme une esclave, elle souffrait beaucoup.

Atefeh

Ma mère m’a menacée en disant que je devais abandonner cette histoire sinon mes frères allaient intervenir.

Farshad

Un soir, alors que je rentrais chez moi après le travail, une voiture s’est arrêtée devant moi. Cinq hommes sont descendus, dont deux frères de ma femme et ils m’ont attaqué avec des bâtons et des couteaux. Ils ont cassé les vitres de ma voiture et m’ont roué de coups de bâtons et de couteaux. Des habitants de mon village m’ont ensuite emmené à l’hôpital. J’y suis resté pendant une semaine. Une fois rentré chez moi, j’ai reçu des menaces par téléphone : « Si tu prononces le nom de ma sœur c’est la mort pour toi ! ».

Atefeh

Avant que mes frères attaquent mon mari ils m’ont d’abord frappée moi. Ils sont venus dans ma chambre pour me battre, ils m’ont cogné la tête contre une vitre et je me suis ouvert le crâne avec un bris de verre. Ils m’ont arraché les cheveux. C'est le lendemain qu'ils ont attaqué mon mari.

La préparation pour le mariage avec mon cousin commençait. J’ai décidé de m’enfuir.

Farshad

Nous nous sommes enfuis à Kaboul chez l’un de mes anciens camarades de classe qui nous hébergeait. Mon ami nous a aidé à contacter un Imam et nous nous sommes mariés chez lui.

J’ai appelé ma mère, elle m’a appris que suite à notre départ, les frères de ma femme avaient kidnappé mon père. Ce sont les « barbes blanches » du village, les sages, qui l’ont libéré après que mon père leur ait déclaré : « Mon fils a 18 ans, il fait ce qu’il veut, je ne suis pas responsable de ses actes, si vous le retrouvez faites-en ce que vous voulez, vous pouvez le tuer si cela vous chante ».

Après 25 jours chez mon ami, il a commencé à recevoir des coups de fil menaçants. Il a eu trop peur pour sa propre famille et il nous a demandé de partir. Nous sommes partis dans une autre ville. Nous avons été contrôlés, on nous demandait notre « taskera », j’étais recherché, ma photo était dans tous les commissariats. Nous n’avions pas de refuge en Afghanistan.

Nous avons alors quitté l’Afghanistan, nous sommes passés par l’Iran puis nous sommes arrivés en Turquie. Nous y sommes resté un mois, c’est là que des personnes nous ont conseillé d’aller jusqu’en Suède pour demander l’asile.

Atefeh

Malheureusement, nous sommes arrivés le 20/11/2015 en Suède et la loi sur l'immigration a changé le 25/11/2015. Les droits des demandeurs d’asile n'étaient plus les mêmes.

Nous avons beaucoup souffert, nous n’avions pas d’hébergement fixe, nous étions déplacés d’un camp à l’autre. Nous n’avions pas accès à des soins médicaux.

Nous étions parqués dans des camps qui se trouvaient dans la forêt, éloignés des villes, éloignés des habitants, nous étions complètement à l’écart comme si nous n’étions pas humains.

C’étaient des souffrances incroyables. Tout le monde disait qu’il n’y avait pas de droits de l’Homme.

Après 6 mois d’errance nous avons enfin eu un petit hébergement où nous pouvions faire à manger et nous avons pu rencontrer un avocat. Par contre, nous n’avons jamais vu de médecin. Or, j’étais très angoissée. J'ai dû commencer à prendre des médicaments pour dormir. A notre arrivée en France, j’ai arrêté de les prendre et les angoisses reviennent, ça me prend à la gorge. Le passé revient dans ma mémoire, ça me fait mal au cœur et au corps.

Quand nous sommes arrivés en France, nous avons pu faire une demande de CMU, nous avons eu le droit d’aller à l’hôpital, j’ai eu un rendez-vous pour mon opération.

Farshad

En France, côté social c’est beaucoup mieux. Nous allons à l’école pour apprendre le français, nous sentons que nous avons des droits, nous avons l’espoir d’être aidés.

Atefeh

En Suède, lorsque nous avons vu l'avocat il nous a dit que nous n’avions que 5% de chance de voir notre demande d’asile acceptée car nous étions arrivés après le changement de la loi. Il nous a dit qu’il n’y avait pas d’espoir et que nous devions partir ailleurs. Trois ans après, notre demande d’asile a été rejetée. Nous n’oublierons jamais cette souffrance.

Farshad

Après le rejet de notre demande d’asile nous avons été convoqués au bureau de l’immigration et ils nous ont proposé de retourner en Afghanistan avec 3 000 dollars chacun. Mais nous ne sommes pas venus pour l’argent, c’est notre vie qui est en danger, personne ne voulait nous écouter, nous comprendre.

Atefeh

Nous sommes finalement venus en France avec l’espoir d’être bien traités, d’avoir des droits, d’être considérés comme des humains. Nous demandons simplement le droit de vivre dans un endroit en paix.

Nous souhaitons pouvoir rendre service à la France,  travailler ici, faire quelque chose de beau.

Je viens d’avoir 26 ans mais j’ai l’impression d’en avoir 50 après toutes les souffrances que nous avons dû traverser. Malheureusement, ici les gens ne comprennent pas. Nous avons dû dormir dehors pendant 36 jours. Nous ne sommes pas venus par loisir ou par plaisir, nous avons des réels problèmes, notre vie est en danger. Aidez-nous, écoutez-nous, ayez pitié de nous en tant qu’humains.

Ce témoignage a été recueilli par des salariés de la Cimade au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot où Farshad et Atefeh ont été enfermés. Leurs prénoms ont été changés afin de préserver leur anonymat.