Le 26 mai 2019, les citoyennes et les citoyens français sont appelés à désigner leurs représentants au Parlement européen. Mais que peut donc faire un député européen pour défendre nos droits humains ? Petit tour d’horizon de quelques points importants sur lesquels peuvent agir les députés.
L’Union européenne (UE) doit relever bien des défis : concilier protection des citoyens et respect des libertés, lutter contre la pauvreté et les inégalités croissantes, assurer l’égalité entre les genres, relancer la solidarité entre les pays européens pour traiter la question des migrations, agir pour le climat.
Le Traité européen affirme que les États de l’Union sont rassemblés autour d’un socle de valeurs « de dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, d'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ». Ces valeurs sont « communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes ».
L’Union européenne a certes adopté certaines législations et pratiques en faveur de la protection et de la promotion des droits humains. Mais force est de constater que certains volets de sa politique ne sont pas conformes aux obligations internationales relatives à ces mêmes droits.
Les valeurs de l’Union européenne sont régulièrement remises en cause par des personnalités politiques, y compris des chefs d’État ou de gouvernement de pays membres. Sur le sol de l’Union européenne, des groupes de personnes sont stigmatisées et discriminées en raison de leur origine, leur identité de genre, leur orientation sexuelle ou leurs opinions.
Nous voulons des institutions européennes qui respectent les principes fondateurs de l’Union. Le Parlement européen, seule institution de l’UE élue au suffrage universel direct, est à cet égard un acteur clé du dispositif institutionnel.
Pour cela aussi, les députés européens ont un rôle clé à jouer. Voici quelques points sur lesquels ils peuvent agir.
DÉFENDRE L’ÉTAT DE DROIT DANS L’UE
Qu’il s’agisse de l’indépendance de la justice, de la liberté des médias, des libertés d’expression, d’association et de manifestation, ces valeurs sont au cœur du projet européen. Ces dernières années, l’État de droit a été remis en question au sein même de l’Union. La situation est particulièrement préoccupante, notamment en Hongrie et en Pologne.
Que peuvent faire les députés européens ?
Suivre de près la situation des droits humains dans les pays membres de l’UE et dénoncer les violations des droits humains qui ont lieu.
Se mobiliser en particulier lorsque ces violations représentant une menace claire aux principes fondateurs de l’UE, par le biais de débats, résolutions et autres actions parlementaires.
Défendre un renforcement des mécanismes existants (procédures en manquement, cadre de l’état de droit, article 7 du TUE, etc.).
Travailler activement avec la société civile et les autres experts en soutenant leurs efforts pour les droits humains en Europe.
PROTÉGER LES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
Depuis l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, en décembre 1998, au moins 3 500 défenseurs ont été assassinés et de nombreux autres ont été victimes de disparition forcée dans le monde.
En Europe, les défenseurs des droits humains sont confrontés à des attaques d’une fréquence et d’une ampleur inédites.
Que peuvent faire les députés européens ?
Évoquer activement des cas de défenseurs et dénoncer les exactions dont ils sont victimes lors des débats en session plénière, par des résolutions urgentes et dans la sphère publique.
Initier des actions au niveau du Parlement européen, de l’UE et des États membres afin d’obtenir la libération de défenseurs des droits humains détenus partout dans le monde.
Appeler l’UE à faire de la situation des défenseurs des droits humains et des droits humains eux-mêmes un point systématiquement évoqué dans toutes les relations avec des pays tiers, jusqu’au plus haut niveau, y compris dans le cadre des relations commerciales, économiques et liées au développement.
Inviter des défenseurs des droits humains à présenter au Parlement européen la situation des droits humains dans leurs pays, qu’il s’agisse de pays de l’UE ou de pays tiers .
Prendre contact avec des parlementaires dans des pays tiers afin d’évoquer des cas de défenseurs des droits humains et de faire en sorte qu’ils expriment publiquement des préoccupations par rapport aux atteintes commises à l’encontre des défenseurs des droits humains.
NE PAS SACRIFIER LES DROITS HUMAINS AUX MESURES D'AUSTÉRITÉ
Suite à la crise financière de 2008, plusieurs pays de l’Union européenne ont introduit des politiques d’austérité, consistant essentiellement à opérer des coupes dans les dépenses publiques afin de réduire le déficit de l’État.
Des millions d’Européens ont payé le prix fort de ces politiques.
Plusieurs secteurs, y compris le secteur social, ont réduit les dépenses, ce qui a eu des répercussions sur les budgets alloués à la santé, à l’éducation, au logement, aux systèmes de retraite et à d’autres services sociaux.
Ces coupes ont abouti à une restructuration de ces services publics indispensables et à des restrictions d’accès à ceux-ci. Ces violations des droits économiques, sociaux et culturels ont touché les groupes défavorisés et marginalisés qui subissaient déjà de plein fouet les répercussions de la crise financière.
Plus de dix ans après le début de la crise financière, les mesures d’austérité continuent à avoir des conséquences graves sur les conditions de vie et le bien-être de millions de personnes dans de nombreux pays de l’Union européenne.
Les institutions de l’Union européenne ont joué un rôle déterminant dans l’élaboration et l’application de ces mesures d’austérité dans plusieurs pays membres. Dans certains cas, par exemple, les institutions de l’UE ont collaboré avec d’autres institutions financières afin d’offrir une aide financière aux pays moyennant la mise en œuvre de politiques d’assainissement budgétaire et d’ajustement économique.
Le Parlement européen, qui continue d’être un espace où les décisions relatives aux politiques budgétaires et monétaires sont examinées et adoptées, a un rôle important à jouer dans l’approche de l’UE en matière d’austérité.
Que peuvent faire les députés européens ?
Demander activement des comptes aux institutions de l’UE afin de s’assurer que les recommandations et les objectifs en termes d’assainissement budgétaire ne se fassent pas au détriment du respect des droits économiques et sociaux.
Demander à ce que des études d’impact sur les droits humains soient menées de manière régulière et périodique pour toutes les politiques économiques ainsi que tous les programmes de réforme économique et d’aide financière soutenus par les institutions de l’UE. Une demande portée par l’expert indépendant des Nations unies chargé d’examiner les effets de la dette extérieure.
ASSURER L'ÉGALITÉ DES GENRES
Dans plusieurs pays de l’Union européenne (UE), certains groupes politiques ou religieux ont de plus en plus aisément recours à des discours dangereux faisant appel aux « traditions » et aux « valeurs de la famille » afin de saper les droits des femmes et des personnes LGBTI. Ils expriment leur opposition et diffusent de fausses idées quant aux valeurs et aux politiques découlant de ce qu’ils appellent « l’idéologie du genre », dans lesquelles ils englobent le mariage pour tous, la reconnaissance du genre à l’état civil pour les personnes transgenres, ainsi que les droits sexuels et reproductifs et la législation sur les violences à l’égard des femmes.
Des évolutions au niveau de l’UE sont intervenues concernant le mariage entre personnes de même sexe au cours de ces dernières années.
Pourtant, les personnes LGBTI continuent d’être victimes de violences et de discriminations. De même, les violences à l’égard des femmes, y compris les violences sexuelles, sont toujours trop répandues à travers l’UE.
L’accès aux droits sexuels et reproductifs est très inégal selon les pays dans l’Union européenne. En mai 2018, les citoyens irlandais ont renversé par référendum l’interdiction de l’avortement inscrite dans la Constitution, remportant une immense victoire pour les droits des femmes.
Que peuvent faire les députés européens ?
Continuer à recommander des législations, des politiques et des pratiques qui garantissent l’égalité des genres.
Lutter contre la discrimination structurelle au motif du genre, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre dans les États membres, y compris en adoptant la Proposition de directive relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes, sur la table depuis 2008.
Développer avec la Commission européenne et les États membres une stratégie exhaustive pour l’UE afin de prévenir et de combattre toutes les formes de violences à l’égard des femmes et des jeunes filles et de répondre à toutes les questions structurelles alimentant ces violences.
Poursuivre leur soutien aux efforts visant à garantir l’accès aux droits sexuels et reproductifs, y compris l’accès à l’avortement de manière sûre et légale, dans tous les États membres.
PORTER une politique migratoire RESPECTUEUSE Des droits humains
Les axes de la politique migratoire de l’UE se sont consolidés depuis la crise des politiques d’accueil de 2015 autour de l’externalisation, du renforcement des frontières extérieures et de l’abandon de l’harmonisation des conditions d’accueil en Europe, avec notamment le Régime d’accueil européen commun (RAEC).
Le Parlement européen a adopté à plusieurs reprises des positions en faveur de plus de solidarité entre les États membres ou le principe que « le sauvetage des vies doit être une priorité absolue ». Pourtant ces positions n’ont pas été au cœur des préoccupations du Conseil européen et de la Commission européenne dans les orientations prises dernièrement.
L’UE et ses États membres développent des coopérations avec des pays d’origine ou de transit des réfugiés et migrants qui visent à leur transférer la responsabilité du contrôle des migrations.
D’une façon générale, la coopération de l’Union européenne avec des États tiers dans le domaine des migrations n’est pas soumise à une évaluation de son impact sur les droits humains. De même, cette coopération échappe quasiment à toute surveillance démocratique du Parlement européen, lequel tend à être mis de côté, alors même que son rôle sur la question des accords internationaux a été renforcé par l’article 218 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE).
Que peuvent faire les députés européens ?
Mettre en place des mécanismes transparents de suivi et de contrôle des politiques d’externalisation et rendre compte publiquement de leur impact sur les droits humains.
S’assurer que la coopération avec les autorités libyennes en matière migratoire soit subordonnée à la mise en place de mesures concrètes pour mettre fin notamment à la détention des migrants et réfugiés.
Condamner toute politique et mesure qui empêche ou criminalise les actes de solidarité ou d’assistance humanitaire aux personnes migrantes et réfugiées et œuvrer pour que la législation européenne pertinente soit révisée en ce sens.
Lutter contre le changement climatique, pour et par les droits humains
Le changement climatique a des incidences sur les droits humains : le droit à la vie, à la santé, au logement, à l’accès à l’eau et aux installations sanitaires, entre autres, et il frappe de manière disproportionnée les personnes les plus marginalisées ou les plus exposées aux discriminations.
L’Union européenne fait partie des régions mondiales qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre et la responsabilité historique des États européens par rapport au changement climatique est plus grande que celle des pays en développement, au vu de leur part proportionnellement plus élevée d’émissions au fil du temps.
Que peuvent faire les députés européens ?
Pousser l’UE à fixer des objectifs plus stricts – de l’ordre de 65 % – de réduction des émissions afin d’être en phase avec l’objectif de limiter le niveau de réchauffement climatique à l’échelle planétaire à 1,5° C.
Faire pression pour que la stratégie la plus ambitieuse soit adoptée, une stratégie à même de permettre à l’UE d’atteindre la neutralité carbone le plus rapidement possible d’ici à 2040.
Adopter et superviser la mise en œuvre de mesures qui assureront une véritable transition vers la neutralité carbone. Il peut s’agir, par exemple, de faire en sorte que le budget de l’UE pour la période 2021-2027 devienne un levier permettant d’atteindre les objectifs en matière de climat.
S’assurer que les politiques et les stratégies relatives au climat ne s’appuient pas sur des solutions présentant des risques importants de répercussions graves sur les droits humains.