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Donald Trump, président des Etats-Unis
Donald Trump, président des Etats-Unis - cc - Gage Kidsmore
Personnes réfugiées et migrantes

Les réfugiés centraméricains pris dans l’étau des différends entre le président Trump et le Mexique

Erika Guevara-Rosas est directrice du programme Amériques d'Amnesty International. Elle revient sur les échanges houleux entre Donald Trump et son homologue méxicain.

À en juger par les échanges houleux entre le président américain Donald Trump et son homologue mexicain Enrique Peña Nieto au sujet du financement du mur de la honte censé séparer les deux pays, la distance entre les deux chefs d’État ne pourrait être plus grande.

Pourtant, ils ont quelque chose en commun :

tous deux font fi de la vie des nombreux hommes, femmes et enfants qui fuient avec désespoir des pays parmi les plus violents au monde.

Les décrets scandaleux du président Trump ont déjà des effets dévastateurs pour des centaines de milliers de réfugiés à travers le globe. Mais les habitants d'Amérique centrale sont immédiatement touchés par ce qui est devenu l'une des plus grandes crises de droits humains des Amériques.

Il suffit de regarder le détail du décret du président Trump sur le renforcement de la sécurité des frontières et du contrôle de l'immigration pour le constater.

Ce décret prévoit de placer en détention les migrants, dont beaucoup sont des demandeurs d'asile, dès qu'ils franchissent la frontière entre le Mexique et les États-Unis, et de les expulser sur-le-champ vers le Mexique. Beaucoup ont enduré des horreurs indicibles au cours d'un périple parmi les plus dangereux de la planète.

Le système proposé par le président Donald Trump bafoue le droit fondamental d'une personne de ne pas être expulsée vers un pays où elle risque de subir des graves violations des droits humains, notamment la torture ou la mort.

Le Mexique ne dispose tout simplement pas des ressources nécessaires pour gérer ce qui pourrait se traduire par un nouvel afflux massif de personnes expulsées. Les autorités locales des villes-frontières, notamment Tijuana et Mexicali, ont déjà fait savoir qu'elles ne seraient pas en mesure d'accueillir de manière adéquate un afflux massif de personnes renvoyées illégalement.

Sans aucune protection, les migrants et les réfugiés seront particulièrement exposés au risque d'être victimes d'enlèvements, d'escroqueries ou de violences sexuelles, voire d'être tués.

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Certes, c’est le président Trump qui a paraphé ces décrets. Mais les responsables de cette crise sont nombreux – avec au premier rang le Mexique qui, depuis des années, ne protège pas les personnes vulnérables fuyant des violences extrêmes lorsqu’elles traversent son territoire.

Les présidents Trump et Peña Nieto – et les présidents des pays de « départ » – affirment que les centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants qui partent d’Amérique centrale sont pour la plupart des migrants économiques, qui choisissent de quitter leur pays en quête d'une vie meilleure.

Une scène de crime au Salvador © Amnesty International/Encarni Pindado

Cette assertion ne pourrait être plus éloignée de la vérité.

Le Salvador et le Honduras ne sont pas en guerre au sens où l'est la Syrie, mais ils ne sont guère mieux lotis.

Les Nations unies ont classé le Salvador parmi les États les plus dangereux de la planète hors d’une zone de guerre, avec plus de 108 homicides pour 100 000 habitants en 2015. Au Honduras, ce taux s’élevait à 63,75 pour 100 000 habitants.

Et ce ne sont pas seulement ces chiffres choquants qui font que ces pays sont devenus un enfer sur terre pour des centaines de milliers de personnes.

Les Nations unies ont classé le Salvador parmi les États les plus dangereux de la planète hors d’une zone de guerre

Il suffit de déambuler dans les rues de San Pedro Sula au Honduras ou de la capitale salvadorienne San Salvador pour s'en rendre compte. Derrière un calme apparent, des communautés entières sont prises en otage de la guerre de territoire sanglante que se livrent des gangs armés rivaux.

Certains gangs marquent leur territoire de graffitis sur les murs pour signifier aux habitants où ils peuvent et ne peuvent pas aller. Traverser la rue vers le secteur d'un gang rival peut être synonyme de condamnation à mort.

Les gangs imposent des « taxes » aux commerçants locaux et aux chauffeurs de bus. Tout refus de respecter les règles entraîne une sanction pouvant aller jusqu’à la mort. Les forces de sécurité, dont le devoir est de protéger les citoyens, se rendent souvent complices des gangs ou ferment les yeux sur leur règne de la terreur.

Il n'est pas surprenant que, confrontés à ce scénario dantesque et n'ayant nulle part où se réfugier, ils soient de plus en plus nombreux à fuir vers le nord.

Pour Saúl, le renvoi dans le cadre du système en vigueur a signifié sa mort brutale et précoce.

Cet homme de 35 ans a été abattu par un gang dans son Honduras natal, moins de trois semaines après avoir été expulsé du Mexique en juillet 2016, lorsque sa demande d'asile a été rejetée.

Saúl a fui le pays en novembre 2015 après avoir survécu à une fusillade avec deux de ses fils, qui ont été grièvement blessés. La police n’a pas ouvert d’enquête après qu’il eut signalé ces faits, et ne lui a pas non plus offert de protection.

Son épouse et ses fils vivent aujourd’hui dans la peur de ce qui pourrait leur arriver et souhaitent à tout prix quitter le pays.

Lire aussi : l'Amérique centrale, l'autre crise des réfugiés

Si des juges fédéraux américains ont suspendu temporairement le décret du président Trump sur les interdictions de voyager et le programme d’admission des réfugiés, pour le moment tout au moins, les petits caractères figurant dans son décret sur le renforcement de la sécurité des frontières et du contrôle de l'immigration n'ont pas été remis en cause.

Tout État a le droit de réglementer l'entrée et le séjour des étrangers. Cependant, fermer la porte à ceux qui cherchent à se mettre en sécurité ne va pas seulement à l'encontre des normes internationales élémentaires, c'est aussi terriblement cruel.

Les États-Unis devraient plutôt assurer des points de passage à la frontière mexicaine qui soient en nombre suffisant, judicieusement placés, sûrs et légaux.

Ils devraient former l’ensemble des agents de sécurité travaillant à la frontière afin de leur permettre d’identifier et d’aider toutes les personnes ayant besoin d'une protection internationale, et les autoriser à entrer aux États-Unis.

Les différends qui opposent les présidents Trump et Peña Nieto au sujet du mur ne doivent pas servir à dissimuler les nombreux obstacles qui se dressent déjà en travers du rêve des réfugiés : se mettre en sécurité.

- Erika Guevara-Rosas est directrice du programme Amériques d'Amnesty International

La photographie illustrant l'article est sous licence Creative Common