Le gouvernement a révélé les grandes orientations du projet de loi réformant le droit d’asile et le droit des étrangers. Au nom de l’« efficacité », les droits des personnes étrangères ou réfugiées risquent fort d’être atteints. Analyse.
L’idée du Gouvernement pour « faire face » à la hausse du nombre de demandeurs d’asile en France est d’accélérer toute la procédure.
Protection des réfugiés : la rapidité veut prendre le pas sur la qualité
Mais la solution avancée consiste principalement à faire peser la réduction des délais sur les personnes qui demandent l’asile : ainsi, en cas de rejet de leur demande d’asile, le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile sera divisé par deux, à 15 jours.
Si la loi est adoptée en l’état, les réfugiés auront pour faire leur recours quatre fois moins de temps qu’une personne qui souhaite contester un permis de construire. Alors que dans le cas des réfugiés, leur vie et leur sécurité peuvent être en jeu.
Par ailleurs, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile n’empêchera plus que certaines personnes soient renvoyées dans leur pays même si elles y sont en danger.
En effet, les personnes qui viennent d’un pays considéré comme « sûr » pourront être renvoyées dans leur pays avant même que la Cour nationale du droit d’asile ne se soit prononcée sur les craintes encourues dans leur pays.
Nous l’avions signalé à Emmanuel Macron lorsqu’il était candidat : accélérer l’examen des demandes d’asile est un objectif positif mais il ne doit pas conduire à réduire les droits des personnes.
Les conditions dans lesquelles des personnes déposent une demande d’asile ont souvent un impact sur l’issue de la procédure.
Demander l’asile n’est pas une chose aussi aisée que l’on pourrait penser. Il ne suffit pas de cocher des cases. Il faut détailler son histoire, apporter des précisions, convaincre, se remémorer des persécutions, des souvenirs atroces ; dans un pays nouveau, aux lois inconnues et aux pratiques différentes.
Traitements des migrants : la rétention plus longue
Le Gouvernement ne cesse d’opposer « réfugiés » et « migrants économiques », les premiers devant être accueillis alors que les seconds doivent être renvoyés.
Outre le fait que cette distinction est simpliste et réductrice, elle justifie la mise en place dans le projet de loi de mesures coercitives à l’encontre des hommes, des femmes et des enfants qui ne sont pas admis à séjourner sur le territoire français.
Le Gouvernement entend ainsi allonger la durée de rétention de 45 jours actuellement à 3 mois.
Dans certains cas, des personnes pourront même être détenues pendant près de 4 mois (115 jours exactement).
Priver de liberté des êtres humains pour la seule raison qu’ils n’ont pas un document administratif n’est pas une mesure anodine.
Cela signifie ne pas être libre de ses mouvements, ne pas pouvoir voir qui l’on veut, vivre dans un espace fermé et surveillé dans l’attente, et parfois l’angoisse, d’un renvoi dans son pays.
Tous les textes internationaux qui régissent la détention des personnes prévoient qu’un Etat ne peut y recourir qu’en dernier recours, si aucune alternative n’est disponible et uniquement de façon proportionnée.
*Il s’agit d’une première analyse sur les principales mesures annoncées. Nous attendons une version écrite du projet de texte pour livrer une analyse plus complète.
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