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Camp de réfugiés au Kenya © AI
Personnes réfugiées et migrantes

La xénophobie, un cauchemar persistant en Afrique du sud

La xénophobie, un cauchemar persistant pour les réfugiés, les migrants et les demandeurs d'asile en Afrique du Sud par Shireen Mukadam, chercheuse sur l'Afrique australe à Amnesty International

Ayesha Badir (son nom a été modifié), Burundaise de 24 ans, attend avec anxiété son statut de réfugiée en Afrique du Sud depuis bientôt trois ans. Cette mère célibataire de deux enfants, au chômage, habite à Delft, township de la banlieue du Cap. Elle a fui son pays en guerre dans l'espoir de se mettre à l'abri. Toutefois, sa demande d'asile se trouve en instance au bureau d'accueil des réfugiés de Durban depuis 2014.

Le bureau d'accueil des réfugiés du Cap étant fermé depuis 2012, Ayesha doit faire 20 heures de trajet en bus, pour traverser tout le pays jusqu'à Durban afin de renouveler son permis – et ce tous les trois mois. Le permis de demandeur d'asile d'Ayesha a expiré en janvier 2016, car elle n'était pas en mesure de faire ce trajet éprouvant, étant alors enceinte.

En mars dernier, elle a donné naissance à sa deuxième fille. Le permis d'Ayesha ayant expiré, elle n'a pas pu obtenir de certificat de naissance pour sa fille, qui est toujours sans papiers.

La situation des personnes sans papiers comme Ayesha s'est aggravée lorsque, le 1er décembre 2016, à l’occasion du 100e jour de son mandat, le maire de Johannesburg Herman Mashaba a annoncé sa volonté de débarrasser la ville des immigrants « illégaux », soi-disant pour lutter contre la criminalité. Il faisait référence aux étrangers dans la ville de Johannesburg, mais ses propos ont des répercussions à travers tout le pays. La déclaration d'Herman Mashaba, qui laisse entendre que les « immigrants illégaux » sont facteurs de criminalité à Johannesburg, pose un problème de taille : elle ne s’appuie pas sur des éléments de preuve concrets. Au contraire, cette affirmation, mettant en corrélation taux de criminalité et immigration, est infondée et risque d'assimiler tous les immigrants à des criminels.

Si le maire Herman Mashaba défend avec vigueur ses déclarations, le contexte dans lequel elles s'inscrivent a son importance.

Tout comme les preuves. Amnesty International estime que ses commentaires sont dangereux à plusieurs titres.

Nul ne l’ignore, l'histoire de l'Afrique du Sud a été marquée par la violence xénophobe.

En 2008, des attaques violentes de grande ampleur ont eu lieu contre des réfugiés, des migrants et des demandeurs d'asile dans au moins cinq provinces. Entre mars et mai 2015, la violence xénophobe dans le KwaZulu-Natal a fait sept morts ainsi que des blessés, détruit des biens et causé des déplacements.

La commission nommée par le gouvernement pour enquêter sur les causes et les conséquences de ces attaques, dirigée par la juge Navi Pillay, ancienne Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a conclu que la concurrence pour les rares opportunités d'emploi, dans un contexte d'inégalité socioéconomique, avait favorisé des conditions propices à la violence. L'enquête a estimé que les déclarations publiques incendiaires de certains dirigeants exacerbaient le climat de peur. La commission a émis une recommandation majeure, à savoir que les dirigeants doivent faire preuve de plus de retenue quant à leurs propos publics, au regard des implications – prévues et imprévues – de stéréotypes susceptibles d'être perçus comme dangereux.

Tous les représentants de l'État en Afrique du Sud, y compris le maire Herman Mashaba, devraient suivre ce conseil.

La Constitution sud-africaine est saluée comme l'une des plus progressistes du monde, parce qu'elle protège explicitement le droit de tous les citoyens de ne pas faire l'objet de discriminations.

Selon le HCR, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, l'Afrique du Sud figure parmi les pays qui comptent le plus grand nombre de demandeurs d’asile au monde. Entre autres obligations internationales, l'Afrique du Sud a adhéré à la Convention relative au statut des réfugiés, qui affirme que les réfugiés ne doivent pas être sanctionnés pour entrée ou séjour illégal, et reconnaît que le fait de violer la réglementation relative à l'immigration est parfois nécessaire pour solliciter l'asile.

En dépit des obligations légales nationales et internationales de l'Afrique du Sud, les demandeurs d'asile et les migrants sans papiers sont davantage exposés à des violations des droits humains. Bien souvent invisibles, ils tombent dans les failles du système, en raison des difficultés auxquelles se heurte le ministère de l'Intérieur dans la gestion des demandes d'asile.

Nombreux sont ceux qui partagent le combat d'Ayesha pour renouveler leur permis d'asile ; après avoir fui des conditions dangereuses dans leurs pays d'origine, ils se sont réfugiés en Afrique du Sud et vivent dans la peur d'être qualifiés d'« illégaux ».

Pour les demandeurs d'asile comme pour de nombreux migrants qui vivent en Afrique du Sud, décider de s'y installer ne fut pas chose aisée. C'est le moment pour les Sud-Africains de réfléchir sur ces éléments, notamment sur ce que cela signifie de ne pas vivre dans son pays d'origine, ou d'être contraint de fuir face aux violences et aux persécutions.

Les autorités sud-africaines sont tenues de respecter, protéger et concrétiser les droits fondamentaux de tous les réfugiés, migrants et demandeurs d'asile dans le pays, quel que soit leur statut juridique. Étant donné leur position et leur influence dans la société, les représentants de l'État ont particulièrement le devoir d'encourager une approche fondée sur les droits humains. La question essentielle que nous devons tous nous poser est la suivante : comment voudrions-nous être traités si nous étions contraints de fuir notre pays ?

Shireen Mukadam, chercheuse sur l'Afrique australe à Amnesty International

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