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URGENCE PROCHE ORIENT

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

Portrait Duterte
Des personnes allument des bougies lors d'une manifestation suite à l'arrestation de l'ancien président philippin Rodrigo Duterte, à Quezon City, aux Philippines, le 11 mars 2025. © REUTERS/Lisa Marie David

Arrestation de l’ex-président Rodrigo Duterte : un espoir de justice aux Philippines

L’ancien président philippin Rodrigo Duterte fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). Il est accusé de crime contre l'humanité dans le cadre de sa « guerre contre la drogue ».

Il a été interpellé à sa descente d'avion à Manille, la capitale philippine, au matin du 11 mars, sur la base d'un mandat d'arrêt de la CPI. Quelques heures plus tard, l'ancien président philippin Rodrigo Duterte, âgé de 79 ans, a été mis dans un avion à destination de la Haye, aux Pays-Bas pour répondre des accusations de crime contre l'humanité et des meurtres commis entre le 11 novembre 2011 et le 16 mars 2021 dans le cadre de sa politique anti-drogue.

L’arrestation de Rodrigo Duterte est une avancée remarquable et attendue depuis longtemps pour permettre de rendre justice aux milliers de victimes de la " guerre contre la drogue " menée par son gouvernement, qui a endeuillé une grande partie de la nation philippine.

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

2021. La CPI ouvre une enquête sur de possibles crimes contre l’humanité perpétrés entre 2011 et 2016 aux Philippines. Les investigations couvrent les homicides commis en masse durant la présidence Duterte. L’enquête porte aussi sur les exactions commises par le tristement célèbre « escadron de la mort de Davao », alors que Rodrigo Duterte était maire de cette ville.

Bien que les Philippines se soient retirées du Statut de Rome en 2019, la Cour conserve sa juridiction pour les crimes présumés commis entre novembre 2011 et mars 2019, période durant laquelle le pays était membre de la CPI.

6 252victimes (Source ministère de l'Intérieur philippin)
12 000victimes (Source HRW)

Le bilan exact du nombre de victimes de la « guerre de la drogue » reste incertain mais pourrait atteindre jusqu'à 30 000 morts selon la CPI et certaines organisations de défense de droits humains. Ces divergences s'expliquent par le manque de transparence du recensement des exécutions extrajudiciaires.

Permis de tuer

L’homme qui a déclaré « mon travail c’est de tuer » a donné carte blanche aux autorités policières pour mener une campagne délibérée, généralisée et bien organisée d’homicides dans le pays durant son mandat. Sous sa présidence, les méthodes de répression meurtrières utilisées durant son mandat de maire de Davao ont été appliquée à une échelle nationale.

Les autorités policières disposaient de « listes de surveillance des trafiquants » établies en dehors de tout cadre légal. La liste des personnes à abattre comprenait aussi bien des hommes, des femmes que des enfants, majoritairement issus de milieux pauvres et marginalisés.

La plupart de ces assassinats ont été perpétrés sans preuve solide à l’appui. Fabriques de preuves, recrutement de tueurs à gages, vols des victimes, rédaction de rapports d’incidents mensongers sont autant de pratiques bien rodées sur lesquelles s’appuyaient le régime Duterte pour mener sa répression en toute impunité.

Lire aussi : Philippines. L’ONU doit enquêter sur la « guerre contre la drogue » meurtrière que mène le gouvernement de Rodrigo Duterte

Lire le rapport : Philippines: ‘They just kill’. Ongoing extrajudicial executions and other violations in the Philippines’ ‘war on drugs’

Appels au meurtre

Rodrigo Duterte s’est illustré à maintes reprises par ses déclarations populistes et violentes à l’encontre des usager.e.s et trafiquants de drogues. Extraits :

  « Quand je serai président, je donnerai l'ordre à la police et à l'armée de trouver ces gens et de les tuer. »

16 mars 2016, pendant la campagne électorale pour l'élection présidentielle.

« Si vous connaissez des toxicomanes, allez-y, tuez-les vous-même, car demander à leurs parents de le faire serait trop douloureux. »

30 juin 2016, quelques heures après sa prestation de serment en tant que président.

« Cette campagne continuera jusqu’au dernier jour de mon mandat. Je me fiche des droits de l’homme, croyez-moi. »

6 août 2016, discours concernant sa politique anti-drogue.

« Je serais heureux de les massacrer. »

30 septembre 2016, remarque au sujet des personnes usagères de drogues.

« Vous voulez me faire peur en menaçant de me jeter en prison ? Cour pénale internationale ? C'est de la connerie. »

28 novembre 2016, en réaction à l’avertissement de la procureure de la CPI, Fatou Bensouda.

Un tournant pour le droit international

À l’heure où trop de gouvernements n’honorent pas leurs obligations envers la CPI et où d’aucuns attaquent ou sanctionnent les tribunaux internationaux, l’arrestation de Rodrigo Duterte est un tournant pour le pouvoir du droit international.

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

L’arrestation de Rodrigo Duterte en vertu d’un mandat de la CPI est un signe d’espoir pour les victimes aux Philippines et dans le monde. Elle montre que les auteurs présumés des pires crimes, y compris les chefs de gouvernement, peuvent être et seront traduits en justice, où qu’ils se trouvent dans le monde.

Plusieurs chefs d'Etat ou de gouvernement tels que Vladimir Poutine ou Benjamin Netanyahou sont actuellement visés par un mandat d’arrêt international.

Cette arrestation est aussi une étape cruciale pour rendre justice aux milliers de familles endeuillées et lutter contre l'impunité. Cependant, les violations n’ont pas cessé depuis que l'ancien président a quitté ses fonctions. 

Il incombe au gouvernement actuel de veiller à ce que les enquêtes et les poursuites ne se limitent pas à son arrestation. Tous les responsables de violations perpétrées dans le cadre de la " guerre contre la drogue " doivent rendre des comptes.

Nous appelons le gouvernement philippin à adhérer de nouveau au Statut de Rome et à coopérer pleinement à l’enquête de la CPI.