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URGENCE PROCHE ORIENT

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

Des Yéménites déplacés reçoivent une aide humanitaire fournie par des Yéménites expatriés aux États-Unis, dans la région d'al-Khokha au Yémen, le 12 mars 2024.
Des personnes déplacées au Yémen reçoivent une aide humanitaire fournie par des Yéménites expatriés aux États-Unis, dans la région d'al-Khokha au Yémen, le 12 mars 2024 © Khaled ZIAD / AFP
Conflits armés et protection des civils

Crise humanitaire au Yémen : des millions de personnes menacées par l’arrêt de l’aide américaine 

Dix ans après le début du conflit, le Yémen reste l’une des plus graves crises humanitaires en cours. Une situation qui s’aggrave depuis l’arrêt brutal et irresponsable de l’aide américaine. Des millions de personnes sont en danger avec, au premier plan, les femmes et les enfants.  

C’est un conflit qui est presque tombé dans l’oubli. Pourtant, la guerre au Yémen continue de faire rage, plus de dix ans après son déclenchement.  

Le 25 mars 2015, une coalition internationale menée par l’Arabie saoudite lançait des frappes aériennes contre l’expansion du groupe armé des Houthis au Yémen, déclenchant un conflit armé de grande ampleur. Dix ans après, la population civile reste au cœur du conflit et souffre de l’une des pires crises humanitaires en cours.  

Lire aussi : Tout savoir sur le conflit au Yémen

4,8 millionsde personnes sont déplacées à l’intérieur du pays dont une majorité de femmes et d’enfants.

C’est la cinquième plus grande crise au monde en matière de déplacements de population selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA).

Plus de la moitié de la population yéménite dépend de l’aide humanitaire pour survivre. Si les Etats-Unis étaient le principal pourvoyeur de l’aide humanitaire au Yémen, les décisions récentes de l‘administration Trump viennent porter un coup fatal aux efforts jusqu’alors déployés.  

Nous sommes allés à la rencontre de dix spécialistes et employé·es du secteur de l’aide humanitaire ainsi que six représentant·es d’organisations locales de défense des droits humains pour témoigner des difficultés rencontrées au Yémen depuis la décision américaine. Toutes ces personnes ont déclaré que les conséquences de la réduction de l’aide seraient dévastatrices et sources de souffrances, de mort et d’instabilité croissante dans un pays déjà fragile

19.8 millionsde personnes dépendent de l’aide humanitaire au Yémen

Le démantèlement de l’aide américaine : des conséquences catastrophiques

Le 10 mars 2025, le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio a annoncé sur X que 83 % des programmes d’aide de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) avaient été officiellement annulés. Le 28 mars, l’administration Trump a officiellement informé le Congrès de la dissolution de l’USAID.  

Au Yémen, comme dans tant d’autres pays qui dépendent de l’aide américaine pour survivre, les conséquences sont dramatiques. Ces cinq dernières années, les États-Unis ont été le principal donateur du Yémen. En 2024, ils lui ont apporté 768 millions de dollars d’aide, finançant la moitié du plan de réponse humanitaire coordonné pour ce pays.  

Nous avons été contraint·es de prendre des décisions portant sur des questions de vie ou de mort

Les organisations humanitaires ont dû prendre des décisions impossibles pour tenter d’assurer les services vitaux auprès des populations. Une des personnes qui travaillent dans l'humanitaire nous a ainsi expliqué : « Nous avons été contraint·es de prendre des décisions portant sur des questions de vie ou de mort sans informations ou presque. Souvent, nous n’avons personne à qui nous adresser car l’USAID a été démantelée. Les gens à qui nous écrivons des courriels ne sont plus là. Cela a des conséquences sur nos subventions au Yémen comme sur beaucoup d’autres ailleurs. »   

Un effet dévastateur sur les femmes et les enfants 

D’après les témoignages récoltés par nos équipes, la réduction des financements américains avait déjà contraint à la fermeture de dizaines de lieux d’accueil sécurisés destinés aux femmes et aux filles en mars 2025. Ces lieux étaient conçus pour prévenir les violences liées au genre.  

Nos témoins ont averti que si les financements ne reprenaient pas, des dizaines de centres de soins et d’établissements de santé reproductive et de protection seraient fermés, ce qui priverait des centaines de milliers de femmes et de filles d’accès à des soins vitaux, à un soutien psychosocial et à une assistance juridique.   

«  Nous ne sommes plus en mesure de fournir une aide psychosociale, un service pourtant crucial pour les femmes victimes de violences liées au genre. L’assistance juridique va aussi s’arrêter. »  a déclaré une représentante d’une organisation locale dédiée aux victimes de violences fondées sur le genre. 

La situation des femmes et des filles au Yémen 

Au Yémen, les femmes et les filles sont victimes de discriminations et de violences systémiques fondées sur le genre.   

La législation du pays n’impose pas d’âge minimum pour le mariage, et près d’un tiers des femmes sont mariées avant l’âge de 18 ans. Le mariage des enfants va de pair avec une vie entière d’atteintes aux droits humains.

Le Yémen présente également l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, avec près de 200 décès de femmes pour 100 000 naissances, selon le Fonds des Nations unies pour la population. 

Lire aussi :  Tout ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Yémen 

Les États-Unis affaiblissent des années d’efforts menés par des organisations yéménites dirigées par des femmes pour aider et rendre plus autonomes d’autres femmes

Diala Haidar chercheuse sur le Yémen à Amnesty International

La politique des États-Unis concernant le Yémen a aussi eu des répercussions sur d’autres groupes vulnérables, comme les enfants et les personnes déplacées. 

2,3 millionsd’enfants souffrent de malnutrition aigüe

D'après les données de l’OCHA

Un certain nombre d’organisations ont dû suspendre ou supprimer leurs services de protection, de santé et de nutrition à destination des nourrissons et des jeunes enfants. Des centaines de milliers de personnes déplacées à l’intérieur du pays pourraient perdre l’accès à une aide humanitaire d’urgence vitale à la suite de la réduction des financements.    

C’est comme si la communauté internationale nous abandonnait.

La réduction de l’aide américaine met également en péril le travail des organisations de défense des droits humains. Leur travail est pourtant essentiel pour les victimes de violences liées au genre, les femmes défenseures des droits humains et les familles de victimes de disparition forcée. 

Des représentant·es d’organisations locales de défense des droits humains au Yémen nous ont raconté que ces mesures américaines avaient porté un coup à leurs efforts visant à obtenir justice et obligation de rendre des comptes au Yémen.  

Une personne engagée dans la défense des droits humains au Yémen nous a alerté : « La suppression des financements ne met pas seulement fin à des projets, elle réduit les victimes au silence et affaiblit la justice au Yémen. »   

La qualification des Houthis comme groupe terroriste par les Etats-Unis empêche l’aide humanitaire  

Cette qualification américaine en mars 2025 des Houthis sur la liste des organisations terroristes internationales a conduit des organisations qui menaient des programmes vitaux d’aide aux enfants et aux femmes enceintes ou allaitantes malnutris à suspendre leurs activités dans les zones contrôlées par les Houthis.   

« La majorité des civil·es ayant un besoin critique d’aide humanitaire vivent dans les zones contrôlées par les Houthis du nord du Yémen. Le fait que les États-Unis aient mis les Houthis sur la liste des organisations terroristes ne doit pas empêcher l’acheminement de l’aide et des autres marchandises indispensables pour maintenir les gens en vie, en bonne santé et en sécurité », a déclaré Diala Haidar. 

Ces mesures des Etats-Unis visant les autorités houthies doivent prévoir des dérogations claires et effectives pour que les opérations humanitaires et la livraison de marchandises vitales puissent être assurées.  

Une crise humanitaire aggravée par les Houthis  

Les Houthis ont pris pour cible des travailleurs et travailleuses humanitaires et des membres d’organisations internationales participant à la distribution de services vitaux dans le nord du Yémen.  

À partir du 31 mai 2024, ils ont mené une série de raids dans les zones placées sous leur contrôle, arrêtant arbitrairement 13 employé·es de l’ONU et au moins 50 employé·es d’organisations yéménites et internationales de la société civile.  

Entre le 23 et le 25 janvier 2025, ils ont procédé à une nouvelle vague d’arrestations, détenant arbitrairement huit membres du personnel de l’ONU. L’un d’eux est mort le 11 février alors qu’il se trouvait toujours aux mains des Houthis.  

Beaucoup des personnes arrêtées œuvraient à apporter une aide ou une protection aux populations les plus dans le besoin, et ces arrestations ont conduit les Nations unies à annoncer, en janvier 2025, la suspension de ses activités vers et dans les zones contrôlées par les Houthis.   

Lire aussi : Notre rapport sur l’enfer des détenus sous le contrôle des Houthis  

Un contexte d’intensification des opérations militaires américaines  

Outre l’arrêt de l’aide humanitaire, les Etats-Unis ont récemment intensifié leurs opérations militaires au Yémen, mettant en danger la vie des populations civiles. Le 15 mars 2025, les États-Unis ont mené plusieurs vagues d’attaques aériennes contre des cibles houthies, notamment contre les gouvernorats de Sanaa, Saada et Hodeïda, contrôlés par les Houthis.   

« Affamée, déplacée et épuisée par les violences, la population yéménite était déjà en proie à l’une des pires crises humanitaires au monde. L’escalade militaire au Yémen, ainsi que la réduction de l’aide américaine, vont exacerber la catastrophe humanitaire à laquelle était déjà confrontée cette population durement touchée par le conflit qui fait rage depuis longtemps. Cette situation n’est pourtant pas inéluctable – les États-Unis doivent rétablir immédiatement le financement de ces programmes », a déclaré Diala Haidar.