Les femmes indigènes équatoriennes de la forêt amazonienne se battent depuis des décennies pour la défense de leur territoire et de leur environnement. Elles alertent sur les dangers qui les menacent et demandent à l’État de mieux les protéger.
Depuis des décennies, des militantes écologistes du collectif Mujeres Amazonicas (Femmes amazoniennes) protestent contre le pillage de leur territoire par des compagnies pétrolières, minières et d’exploitation forestière. Des femmes courageuses qui n’ont jamais cessé de se battre malgré les graves dangers qu'elles doivent affronter. Menaces de mort, de viol ou d’autres agressions physiques... Face à l’inertie des autorités équatoriennes, elles réclament une meilleure protection.
L’exploitation du territoire des Sarayakus
Pour comprendre leur histoire, il faut remonter au début des années 2000. À l’époque, la compagnie pétrolière argentine CGC entre de force sur le territoire des Sarayakus. Elle installe des militaires et des agents de sécurité privés, construit des routes, rase la forêt, détruit des arbres et des plantes sacrées pour la communauté indigène et d’une grande valeur pour l’environnement. Lors de ses opérations de forage, elle enterre également 1 400 kilos d’explosif (de la pentolite) dans le sol. Le peuple sarayaku est en danger et chassé de certaines de ses terres ancestrales.
Je n’ai eu d’autre choix que de devenir défenseure de droits humains, car les compagnies pétrolières violaient les droits de mon village et de mon peuple.
Patricia Gualinga, une des porte-parole du peuple sarayaku
En 2012, avec notre soutien, les Sarayakus attaquaient en justice l‘État équatorien devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme et remportait une victoire historique. L’État équatorien a en effet été déclaré coupable d’avoir violé le droit à l’intégrité physique et gravement mis en danger le droit à la vie des membres de la communauté sarayaku. La Cour a également reconnu que le gouvernement équatorien était responsable de la violation des droits du peuple sarayaku à la consultation, à la propriété communautaire et à l’identité culturelle.
Malgré cette importante victoire, presque huit ans plus tard, les autorités n’ont toujours pas appliqué la décision de la Cour, et les explosifs sont toujours enterrés sur le territoire des Sarayakus. La défenseure des droits humains Patricia Gualinga continue de recevoir des menaces de mort et de subir des attaques.
En 2018, ils ont menacé de nous tuer et ils ont incendié les maisons d’autres dirigeantes. Ces menaces n’étaient pas dirigées contre mon village, mais directement contre moi.
Patricia Gualinga, une des porte-parole du peuple sarayaku
Le nombre fait la force
Les agresseurs de Patricia n’ont jamais été identifiés par les autorités ni déférés devant la justice. Aujourd'hui, Patricia et les autres femmes indigènes qui luttent pour la défense de leur territoire se sont regroupées au sein d'un collectif, Mujeres Amazonicas. Ensemble, elles affirment être « moins vulnérables » et se protéger mutuellement face aux nombreuses menaces qui pèsent sur elles. Mais ça ne suffit pas.
Menacées de violences physiques et notamment sexuelles, les Mujeres Amazónicas ont défilé en nombre dans les rues de la capitale du pays, Quito, en mars 2020, pour déposer une pétition auprès du gouvernement équatorien et réclamer une meilleure protection.
Nous ne nous battons pas seulement pour faire cesser les menaces contre ma vie, contre ma maison et contre la communauté. Nous nous battons pour protéger nos enfants, qui ont autant que nous le droit de respirer un air sain. Nous nous battons pour l’oxygène, pour l’avenir de la planète. Nous nous battons pour notre bien-être.
Patricia Gualinga, une des porte-parole du peuple sarayaku
Soutenir leur combat
Depuis de nombreuses années, nous soutenons les Mujeres Amazonicas et demandons aux autorités équatoriennes de garantir la protection effective des défenseures des droits humains comme Patricia, afin qu'elles puissent faire entendre leur voix en toute sécurité et continuer d’œuvrer pour le respect des droits humains sans crainte de représailles.
L'an dernier, le peuple sarayaku a porté plainte devant la Cour constitutionnelle de l’Équateur pour demander que les autorités se conforment à la décision rendue en 2012 par la Cour interaméricaine. En juin 2020, la Cour constitutionnelle de l’Équateur décidait que la plainte était recevable. Mais il va peut-être encore falloir attendre plusieurs années avant qu’elle ne rende une décision.
Ces derniers mois, la communauté a subi de graves inondations et a été touchée par l’épidémie de Covid-19, ce qui a encore aggravé sa situation. Mais pour Patricia, comme pour les autres Mujeres Amazonicas, il n'est pas question d'arrêter le combat : « Nous devons continuer d’insister pour que soit appliqué tout ce que la Cour a décidé. Nous savons que les entreprises internationales vont continuer d’essayer de ne pas tenir compte de nous, et nous ne pouvons pas les laisser faire ».