Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles
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Équateur
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Équateur en 2023.
Les forces armées ont été déployées dans le pays et des pouvoirs étendus en matière de sécurité publique leur ont été conférés. La violence s’est accrue à l’approche des élections générales. Des violations des droits humains sont restées impunies. La situation dans les prisons était toujours dramatique. Les violations des droits des peuples autochtones se sont poursuivies. L’extraction du pétrole donnait toujours lieu à des torchages de gaz. Les autorités n’ont pas assuré la protection des défenseur·e·s des droits humains. Une grande partie de la population était plongée dans la pauvreté et en butte à des inégalités, et les violences fondées sur le genre demeuraient courantes.
CONTEXTE
Menacé de destitution, le président, Guillermo Lasso, a dissous l’Assemblée nationale (l’organe législatif équatorien) en mai et convoqué des élections pour le mois d’août. Le deuxième tour du scrutin s’est tenu en octobre. Daniel Noboa a été élu président et l’Assemblée nationale, composée de 137 député·e·s, a été renouvelée.
Face à un taux d’homicide en nette hausse, les autorités ont pris des décrets d’exception prévoyant l’élargissement du mandat des forces armées. Une révision de la Constitution visant à donner à l’armée des pouvoirs accrus dans le domaine de la sécurité publique a été approuvée par l’Assemblée nationale en décembre. La promulgation de cette modification devait faire l’objet d’un référendum national qui n’avait pas encore eu lieu à la fin de l’année.
LIBERTÉ D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION
Dans un contexte marqué par l’activité de groupes criminels organisés, le président a pris en mai un décret ordonnant le déploiement des forces armées dans tout le pays pour « réprimer la menace terroriste ». D’autres décrets étendant le mandat de la police et des forces armées ont été promulgués par la suite. Ils les autorisaient à pénétrer dans les propriétés privées pour y effectuer des perquisitions, à saisir des biens et à accéder au contenu de correspondances.
ATTAQUES ET HOMICIDES ILLÉGAUX
Dans les mois qui ont précédé les élections, plusieurs candidat·e·s à des fonctions politiques ont été attaqués ou tués, notamment le prétendant à la présidence Fernando Villavicencio, victime en août d’un homicide à caractère probablement politique.
IMPUNITÉ
De graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité dans le cadre de manifestations en 2019 et 2022 sont restées impunies.
Le décret exécutif 755, pris au mois de juin, prévoyait que les membres des forces de l’ordre soupçonnés d’avoir blessé ou tué une personne ou de lui avoir causé des dommages ne pouvaient être mis en état d’arrestation ou suspendus de leurs fonctions qu’après avoir été jugés coupables.
DROITS DES PERSONNES DÉTENUES
À la suite de massacres dans certaines prisons, les autorités ont décrété à plusieurs reprises l’état d’urgence dans les établissements pénitentiaires du pays. Trente et un détenus ont été tués et des dizaines d’autres ont été blessés en juillet dans la prison El Litoral de Guayaquil. Le même mois, 137 surveillant·e·s ont été retenus en otage dans divers établissements du pays. Les services de santé pénitentiaires demeuraient pratiquement inexistants. Les autorités n’ont pas mené d’enquêtes adéquates sur les homicides commis en prison et n’ont pas traité dignement les familles des détenu·e·s.
DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
Les droits des peuples autochtones ont été bafoués dans le cadre d’activités extractives menées sur leurs territoires. Le décret exécutif 754, pris en mai, a autorisé les entreprises minières à démarrer leurs activités sans avoir obtenu au préalable le consentement libre et éclairé des populations indigènes. À la suite de ce décret, la police et l’armée ont mené des opérations dans les provinces de Cotopaxi et de Bolívar au cours desquelles deux personnes ont été arrêtées et 18 autres blessées. En novembre, le Tribunal constitutionnel a jugé ce décret non conforme à la Constitution, mais a permis qu’il reste en vigueur.
Les déversements de pétrole survenus en 2020 et 2022 dans le fleuve Amazone n’avaient toujours pas fait l’objet d’une enquête. Les populations touchées restaient dans l’attente de la vérité, de la justice et de réparations.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Les autorités ont continué à autoriser le torchage, faisant fi de leur engagement pris dans le cadre de l’initiative mondiale visant à supprimer, d’ici à 2030, l’utilisation de torchères lors de l’extraction du pétrole brut.
Dans le cadre d’un référendum national organisé en août, une majorité de personnes se sont prononcées en faveur de la protection du parc national de Yasuní et pour l’interdiction de toute nouvelle exploration pétrolière dans ce territoire amazonien.
DÉFENSEUR·E·S DES DROITS HUMAINS
Cette année encore, des hommes et des femmes qui défendaient les droits humains ont été montrés du doigt, harcelés, attaqués ou même tués en raison de leurs activités. Celles et ceux qui travaillaient sur les problèmes liés aux territoires, au droit à la terre et à l’environnement étaient particulièrement menacés. Les autorités n’assuraient toujours pas la protection des défenseur·e·s des droits humains.
Eduardo Mendúa, dirigeant autochtone a’i cofán, a été tué par balle en février. Il s’était exprimé avec force contre les forages pétroliers menés dans la région. En avril, le ministre de l’Énergie et des Mines a critiqué publiquement l’avocat et militant des droits humains Pablo Fajardo, le qualifiant de « délinquant international ».
DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
De vastes secteurs de la population continuaient de se heurter à des obstacles socioéconomiques pour exercer leurs droits à la santé, à l’alimentation et à l’eau, entre autres. Les chiffres de la pauvreté établis en juin 2023 (27 % de la population vivant dans la pauvreté et 10,8 % dans l’extrême pauvreté) restaient supérieurs aux niveaux constatés avant la pandémie de COVID-19. Les dépenses de santé publique étaient toujours en deçà de l’objectif de 6 % du PIB recommandé par l’Organisation panaméricaine de la santé.
Le rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté s’est rendu dans le pays en septembre et a fait part de sa grande préoccupation face à l’énorme écart entre le taux de pauvreté des zones urbaines et celui des zones rurales. Il a indiqué que le taux de pauvreté multidimensionnelle dans les régions rurales était de 70 %, la situation étant particulièrement critique dans les zones où la population autochtone était très importante. Il a précisé que, en raison de l’extrême pauvreté, les jeunes étaient particulièrement susceptibles d’être recrutés par la criminalité organisée. Il a appelé les autorités à poursuivre leurs efforts pour rendre le système d’imposition plus progressif.
DROITS DES FEMMES ET DES FILLES
Un certain nombre de problèmes empêchaient toujours les femmes de vivre à l’abri de toute violence. Des organisations de la société civile ont fait état de plus de 1 500 homicides liés au genre perpétrés depuis 2014.
DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES
Le critère de date d’entrée sur le territoire restreignait de manière injustifiée la délivrance d’un permis de séjour temporaire exceptionnel aux ressortissant·e·s du Venezuela (VIRTE), ce qui empêchait plus d’un demi-million de ces personnes vivant dans le pays de bénéficier de la protection temporaire. Les femmes vénézuéliennes en situation irrégulière qui avaient subi des violences liées au genre ne pouvaient accéder à une protection ou à des services de soins.