L’expulsion par le gouvernement indien de demandeurs d’asile rohingyas vers le Myanmar témoigne d’un mépris flagrant pour le droit international. Explications.
Le 4 janvier, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré qu’une famille de cinq Rohingyas détenus, qui avaient été expulsés vers le Myanmar la veille, étaient en fait des demandeurs d’asile enregistrés auprès de ses services en Inde.
Un mépris flagrant
Selon le HCR, les autorités indiennes n’avaient pas répondu à ses demandes d’accès aux personnes en détention afin d’évaluer le caractère volontaire de leur décision de retour au Myanmar. Il a déclaré regretter la décision de l’Inde de rapatrier ce groupe de demandeurs d’asile vers le Myanmar, où les conditions ne sont pas propices au retour.
Le fait que le gouvernement indien ignore les demandes du HCR d’accès à ces personnes, enregistrées en tant que demandeurs d’asile, est très préoccupant.
Ses actions témoignent d’un mépris flagrant pour le mécanisme international de protection des réfugiés et son mandat.
L’expulsion de demandeurs d’asile et de réfugiés constitue une violation des obligations incombant à l’Inde au titre du droit international , qui interdit aux gouvernements d’expulser des personnes vers un territoire où elles risquent de subir de graves violations des droits humains.
Une mauvaise foi évidente
Par le passé, le gouvernement indien a affirmé que les Rohingyas renvoyés au Myanmar avaient donné leur accord. Cependant, il est difficile de prendre cette déclaration pour argent comptant lorsque les autorités qualifient tous les Rohingyas d’"immigrants illégaux" et empêchent le HCR d’avoir accès aux détenus
Le 2 janvier, un Rohingya détenu dans l’Haryana au motif qu’il serait entré illégalement dans le pays a été expulsé.
Le lendemain, une famille de cinq personnes a été renvoyée au Myanmar. Elles avaient été arrêtées et étaient incarcérées dans l’Assam depuis 2014, au motif qu’elles étaient entrées en Inde sans avoir de papiers valides.
D’après les agences de presse, 10 autres Rohingyas détenus à la prison de Tezpur, dans l’Assam, risque d’être expulsés. En octobre 2018, sept hommes rohingyas ont été renvoyés de l’État de Manipur vers le Myanmar.
Les Rohingyas toujours en danger
La population rohingya dans l’État d’Arakan au Myanmar continue de vivre sous un régime d’apartheid. Leur droit de circuler et l’accès aux services élémentaires sont très restreints. Enfin, les membres des forces de sécurité responsables des atrocités dont ils ont été victimes n’ont pas été traduits en justice.
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Depuis août 2017, plus de 80 % de la population rohingya du nord de l’État d’Arakan, soit plus de 700 000 hommes, femmes et enfants rohingyas, ont fui la violente campagne menée par les forces de sécurité birmanes et se sont réfugiés dans les pays voisins.
D’après le HCR, 18 000 réfugiés et demandeurs d’asile rohingyas sont enregistrés auprès de ses services en Inde. Le HCR délivre des cartes d’identité aux réfugiés enregistrés et des papiers aux demandeurs d’asile en Inde, documents destinés à éviter les arrestations arbitraires, les détentions et les expulsions.
En octobre 2018, le rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, s’est dit très inquiet face au projet du gouvernement indien de renvoyer de force des Rohingyas au Myanmar, mesure qui s’apparenterait à une violation du droit international et pourrait constituer un retour forcé.
Il a également fait part de son inquiétude quant au fait qu’environ 200 Rohingyas sont maintenus en détention pendant des périodes prolongées pour des accusations d’entrée illégale en Inde.
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