La répression lors des manifestations en France se poursuit : de nombreux manifestants pacifiques ont été victimes de détentions arbitraires le 12 décembre à Paris. Ce jour-là, plusieurs milliers de personnes ont manifesté contre la proposition de loi «Sécurité Globale» et contre le projet de loi «confortant les principes républicains». Enquête.
Notre dernière enquête «Climat d’insécurité totale : arrestations arbitraires de manifestants pacifiques le 12 décembre 2020 à Paris», révèle que des dizaines de manifestants ont été victimes de détentions arbitraires dans le cadre de cette manifestation. Sur les 142 personnes interpellées lors de cette manifestation du 12 décembre 2020 à Paris, 19 étaient mineures et près de 80 % ont été relâchées sans poursuites.
Ces pratiques, susceptibles d’entraver le travail des journalistes et de décourager celles et ceux qui souhaitent exercer leur droit de manifester, menacent directement le droit à la liberté d’expression et le droit à l’information. Notre travail de recherche met en lumière l’inaction des autorités, malgré nos alertes répétées ainsi que celles d’autres organisations.
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DES DéTENTIONS INJUSTIFIéES ET ARBITRAIRES
Sur la base d’entretiens avec des manifestants arrêtés à Paris, leurs proches et des avocats - entretiens corroborés par des pièces judiciaires, certificats médicaux ou vidéos - nous avons réuni des informations sur 35 cas d’interpellations, dont 33 gardes à vue et 2 privations de liberté, dont l’une de près de cinq heures. Dans tous les cas documentés, les détentions de manifestants ont eu lieu en l’absence d’éléments permettant raisonnablement de penser que ces personnes avaient pu commettre une infraction. Il s'agit donc de détentions arbitraires.
J’ai demandé pourquoi on m’arrêtait et on m’a répondu : “visage dissimulé”. J’étais stupéfait, en pleine crise de Covid !
Loïc, 27 ans, membre de l’association Attac, environ vingt-quatre heures de garde à vue, classement sans suite.
IMPACT PSYCHOLOGIQUE SUR LES MANIFESTANTS
Ces gardes à vue arbitraires ont aussi des impacts psychologiques. Les témoignages recueillis montrent que les personnes ne savent pas pourquoi elles ont été interpellées et ne savent donc pas, ce qui va pouvoir leur arriver. Cette incertitude est angoissante et particulièrement difficile pour les mineurs qui se retrouvent dans cette situation. Pour avoir simplement manifesté, des personnes se retrouvent à passer vingt-quatre heures ou quarante-huit heures dans une cellule, subissent des fouilles, des interrogatoires, perdent la notion du temps, dorment mal… tout cela en se demandant pour quelle raison elles se retrouvent là.
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Les autorités françaises continuent donc à avoir recours à des lois contraires au droit international, comme celles condamnant l’outrage ou le délit de dissimulation de visage. Mais le principal motif d’interpellation a vraisemblablement été le « délit de groupement en vue de la préparation de violences ». Ce délit, défini de manière vague, a déjà été utilisé de manière abusive par les autorités, en portant atteinte aux droits humains, et notamment au droit de manifester.
PRATIQUES INQUIÉTANTES DE LA POLICE
Certaines pratiques des forces de l’ordre lors de la manifestation du 12 décembre n’étaient pas conformes au droit international relatif aux droits humains.
D’après les entretiens que nous avons menés, des policiers ont menotté de façon routinière des personnes qui ne présentaient aucun danger, ce qui n’est conforme ni au droit international, ni au droit français. Nous avons eu aussi plusieurs témoignages de manifestants qui ont eu des difficultés à avoir accès ou n’ont pu être assistés par l’avocat de leur choix. Un reporter a aussi déclaré qu’on lui a saisi son matériel de travail, puis rendu détérioré.
PRATIQUES INQUIÉTANTES DU MINISTRE DE L’INTéRIEUR
Le 12 décembre, pendant la manifestation, Gérald Darmanin a communiqué sur les réseaux sociaux pour commenter les interpellations. Il a laissé entendre que les 142 personnes interpelées faisaient partie des centaines de « casseurs » présents dans cette manifestation.
Ces prises de position contreviennent à l’impartialité attendue au plus haut niveau de la hiérarchie des forces de l’ordre. Un tel comportement est susceptible d’encourager la répétition d’arrestations et de détentions arbitraires de manifestants, plutôt que de garantir le respect du droit à la liberté de réunion pacifique. Cela est d’autant plus problématique que près de 80 % de ces interpellations n’ont finalement donné lieu à aucune poursuite et étaient donc infondées.
Ces pratiques constituent des atteintes au droit à la liberté de réunion pacifique : elles empêchent les personnes arrêtées de participer aux manifestations et peuvent les dissuader d’y retourner par la suite. Elles constituent également des atteintes au droit à la liberté et à la sûreté des personnes. Les autorités françaises doivent cesser d’intimider les manifestants et modifier toutes les lois qui portent atteinte au droit de se réunir pacifiquement.
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