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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Préparatifs du dialogue entre l'ELN et le gouvernement colombien à Quito © AFP/Getty Images
Justice internationale et impunité

Les plaies béantes d'un conflit

Si l’accord de paix signé le 24 novembre dernier entre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et le gouvernement de Juan Manuel Santos, prix Nobel de la paix 2016, au bout de six ans de longues négociations, est historique, il reste encore un long chemin à parcourir.

Là où les bombardements et les affrontements des FARC avec l’armée ont cessé, les populations civiles revivent. Mais le pays n’est malheureusement pas encore complètement pacifié : il reste d’autres acteurs armés – paramilitaires, autres guérillas, trafiquants de drogue, d’or ou d’armes – prêts à investir les territoires abandonnés par les FARC. La Colombie doit ensuite panser ses plaies après les crimes de ce demi-siècle de guerre : déplacements de populations, massacres, assassinats, tortures, disparitions forcées, violences sexuelles… Une « justice transitionnelle » va être chargée durant les dix prochaines années, d’élucider ces crimes et de juger leurs responsables.

Une « justice transitionnelle »

Elle représente un élément clé de l’accord de paix. En mars, le Congrès a donc approuvé une réforme constitutionnelle qui prévoit les créations d’une Juridiction spéciale de paix (JEP) administrant la justice de manière « autonome et transitoire » pour tous les crimes commis avant le 1er décembre 2016 « en raison du conflit » ; d’une Commission vérité ; et d’une Unité spéciale pour la recherche des personnes données disparues dans le contexte et en raison du conflit armé. Ce dispositif entre dans le cadre de la mise en place du « système intégral de justice, de vérité, de réparation et de non répétition » prévu par l’accord de paix.

La Juridiction spéciale de paix (JEP), composée de 51 magistrats colombiens et de 18 experts internationaux, sera chargée de sanctionner les coupables de crimes commis « en raison du conflit ». Sont notamment concernés les 6 900 guérilleros des FARC qui viennent de se regrouper et se préparent à rendre leurs armes d’ici le 1er juin, mais aussi les agents de l’État et les civils. Ceux qui avoueront leurs forfaits et accepteront d’indemniser leurs victimes bénéficieront de peines de prison réduites ou alternatives inférieures ou égales à huit ans. Les autres encourront des peines jusqu’à vingt ans. La loi d’amnistie adoptée en décembre 2016 permet aussi aux guérilleros coupables de seuls délits politiques d’échapper à toute condamnation. Les paramilitaires qui se sont démobilisés dans les années 2000 sous la présidence d’Alvaro Uribe et bénéficient, à ce titre, du cadre juridique d’un processus très polémique – intitulé à l’époque « Justice et paix » – ne pourront pas faire appel à la JEP. Aucun autre groupe armé ne pourra d’ailleurs s’y soumettre sans avoir auparavant souscrit un accord de paix avec le gouvernement et à la condition de rendre les armes.

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8 374 463 victimes du conflit enregistrées depuis 1985

En négociant leur démobilisation, les FARC ne comptaient pas rendre leurs armes pour se retrouver en prison au terme d’une guerre de cinquante ans qu’ils n’ont pas perdue. Pourtant, les adversaires de la paix ont critiqué avec beaucoup de véhémence, durant toutes les négociations de paix, « l’impunité » dont pourraient bénéficier les guérilleros. A contrario, plusieurs associations de victimes et ONG de défense des droits de l’Homme s’inquiètent des responsabilités auxquelles pourraient échapper certains civils (comme des chefs d’entreprise ou des propriétaires terriens ayant financé des milices paramilitaires) ou encore des gradés, militaires ou guérilleros. En cause : la difficulté de définir la responsabilité hiérarchique.

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Une chose est sûre, les mois à venir seront cruciaux pour la quête de la vérité. Le registre unique national de victimes mis en place par le gouvernement pour venir en aide aux civils a enregistré, jusqu’au 1er mars 2017, 8 374 463 victimes du conflit depuis 1985 dont près de 268 000 morts et plus de 7 millions de déplacés. Il est probable que le nombre de victimes augmente au fur et à mesure de la mise au jour de la vérité. Notamment le nombre de personnes victimes de disparitions forcées, sombre réalité du conflit si longtemps resté tabou.

— Anne Proenza pour La Chronique d'Amnesty International

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