L’année 2021 pourrait voir naître une loi européenne sur le devoir de vigilance. Elle permettrait la protection de l’environnement et des droits humains au niveau européen. Mais les obstacles restent nombreux.
Le 29 avril dernier, le commissaire européen à la Justice Didier Reynders s’est engagé à travailler à l’adoption d’une législation européenne contraignante sur la responsabilité des entreprises vis-à-vis des droits humains et de l’environnement. La loi française sur le devoir de vigilance des multinationales - pour laquelle AIF a beaucoup plaidé - sert déjà de modèle aux premiers travaux.
Elle pourrait inclure une responsabilité juridique, des mécanismes de mise en œuvre et l’accès à la justice pour les personnes dont les droits sont affectés par des entreprises.
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Une nécessité pour les victimes d’entreprises
À ce jour, seule la France a introduit un devoir de vigilance pour les entreprises, c’est-à-dire une obligation pour les plus grandes d’entre elles de s’assurer que toutes leurs filiales et sous-traitants, où qu’ils soient installés, ne violent ni les droits humains, ni ne portent atteinte à l’environnement.
Il est nécessaire que ce devoir de vigilance soit désormais étendu à l’ensemble du continent européen pour pouvoir permettre un accès à la justice pour les victimes d’entreprises multinationales qui commettent des violations de droits humains via leur chaine de valeur. Depuis plusieurs années, en effet, nous dénonçons les cas de violations des droits humains commises par des sociétés transnationales, ainsi que les multiples restrictions de l’accès à la justice pour les victimes, particulièrement pour les communautés faisant l’objet de discrimination structurelle, comme les femmes et les populations autochtones.
La catastrophe de Bhopal, en Inde, le déversement de déchets toxiques en Côte d’Ivoire, la pollution provoquée par le navire pétrolier Erika sur les côtes françaises, les déversements d’hydrocarbures et le torchage du gaz par Shell au Nigeria sont autant d’exemples emblématiques et non exhaustifs de l’impunité dont jouissent les multinationales.
La Parlement européen à pied d’œuvre
Le Parlement européen a déjà commencé à se saisir de ce projet et va soumettre prochainement un projet de législation à la Commission européenne. La députée européenne, Lara Wolters (S&D), est chargée d’un rapport établissant les bases de cette future réglementation, qui doit être soumis au vote du Parlement européen à la mi-janvier.
Au préalable, deux rapports d’euro-députés français avaient commencé à alimenter les réflexions, avec le rapport d'initiative en faveur d’une législation sur le devoir de vigilance des entreprises de l’EU de Raphaël Glucksmann (S&D) et celui de Pascal Durand (Renew) sur la conduite des affaires plus durable et au traitement des lacunes dans les législations existantes.
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Cette loi doit être contraignante
Pour que la législation européenne soit vraiment efficace pour les victimes, il faut qu’elle soit applicable à toutes les sociétés commerciales, quelles que soient leurs formes, leurs tailles et leurs secteurs d’activité, tant publiques que privées. Elle doit également inclure les institutions financières, basées ou ayant des activités commerciales sur le marché européen.
Ladite « obligation de vigilance » ne devrait surtout pas consister à mettre en place uniquement certaines procédures (par exemple adopter une politique interne, intégrer des clauses contractuelles etc.) et/ou à publier des rapports sur ces procédures (du type reporting).
Elle doit absolument contraindre à adopter et mettre en œuvre de manière effective toutes les mesures nécessaires pour prévenir, atténuer les risques et faire cesser les violations des droits humains et atteintes à l’environnement engendrées par l’ensemble de leur groupe et de leur chaîne de valeur.
Avec les organisations (ONG et syndicats) ayant défendu le devoir de vigilance en France, nous avons publié une série de recommandations que doit contenir la législation européenne.
L’opposition des entreprises
Les grandes entreprises se sont exprimées récemment par le biais de l’association française des entreprises privées (AFEP) pour demander que les exigences de la disposition européenne soient limitées aux sous-traitants et fournisseurs directs, avec lesquels les entreprises ont une relation contractuelle. L’AFEP a déjà annoncé qu’elle était réticente aux mécanismes de mise en cause de la responsabilité juridique des entreprises. Son objectif ? Limiter la portée de cette loi. Le combat s’annonce long et difficile.
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