Dans une nouvelle enquête, nous révélons l’utilisation abusive par la police des tasers et autres armes à « impulsion électrique. » Des armes utilisées partout dans le monde contre des manifestants, des étudiants, des opposants politiques, des femmes, des enfants. Enquête sur ces armes, qui devraient être utilisées en dernier recours, mais qui sont trop souvent utilisées comme des menaces ou des punitions. En plus d’avoir des conséquences dramatiques sur les victimes, ces armes font l’objet d’un commerce juteux, qui échappe à tout contrôle.
Le taser figure parmi les armes les plus connues. L’entreprise Axon - auparavant appelée Taser international - est l’une des entreprises majeures de production de ces armes à «impulsion électrique ». L’entreprise équipe aujourd’hui 80 pays dans le monde où près d’un million (960 000 exactement) tasers sont en circulation. Le nom de "taser” s’est donc imposé. Outre les tasers, dans la famille des armes à impulsion électrique, voici ce qu’on trouve : gants, matraques ou boucliers à impulsions électriques, ceintures déclenchées à distance, pistolets à impulsion électrique, etc…
Notre rapport intitulé « Je n’arrive toujours pas à dormir la nuit » – L’utilisation abusive des équipements à impulsions électriques dans le monde expose, dans plus de 70 pages, comment les forces de police utilisent dans le monde ces armes « à impulsion électrique » que ce soit dans les rues pendant les manifestations, aux frontières, dans des centres de rétention pour personnes migrantes et réfugiées, dans les prisons et autres lieux de détention, dans des établissements liés à la santé mentale, au sein de postes de police.
Comment avons-nous enquêté ?
Ce rapport repose sur les recherches menées par les équipes d’Amnesty International de 2014 à 2024 dans plus de 40 pays de toutes les régions du monde, où des cas de torture et d’autres formes mauvais traitements infligés à l’aide d’équipements à impulsion électrique ont été signalés.
Par une simple pression du doigt des forces de police, les tasers et autres équipements à impulsion électriques infligent des décharges douloureuses aux personnes ciblées. Nos équipes ont recensé les cas de plusieurs victimes qui ont souffert de graves séquelles : brûlures, engourdissements, fausses couches, incontinence urinaire, insomnies, épuisement, traumatismes psychologiques profonds...
Nous avons recueillis certains de leurs témoignages.👇
Le taser aux frontières de la Lituanie
Le 2 mars 2022, des gardes-frontières ont effectué une descente dans le centre de détention de Medininkai en Lituanie. Un détenu originaire d’Afrique subsaharienne a déclaré : « J’étais allongé sur le sol. Ils ont quand même utilisé des pistolets Taser trois fois contre moi, tout en me frappant avec des matraques ». Une femme a décrit les menaces proférées par des agents de police, qui ont placé un Taser sur son front en lui disant : « Tais-toi ou je te tire dessus ! »
Dans la première situation, le taser est utilisé en mode "punitif", la personne étant au sol.
Dans la seconde situation, il est utilisé comme une "menace".
En Grande-Bretagne, l’usage discriminatoire du taser
En Grande-Bretagne, il existe un comptage des usages des pistolets à impulsion électrique (PIE) en fonction de la couleur de peau des personnes. Résultat : ces chiffres montrent que ce type d’arme est utilisé 4,2 fois plus sur des personnes noires que sur des personnes blanches entre avril 2023 et mars 2024.
Les données existantes sur le maintien de l’ordre montrent qu’il existe un traitement discriminatoire de certains groupes sociaux, que ce soit dans la rue, lors d’une arrestation, ou en détention.
Il ne s’agit pas d’incidents isolés. Ces armes à impulsion électrique, typiquement les tasers, ont plus de chance d’être utilisés contre des groupes racisés par exemple. Notre rapport révèle un usage injustifié et discriminatoire contre des catégories vulnérables de la population, qui a entraîné de graves blessures, voire des décès dans certains cas.
Comment fonctionnent les armes appelées "pistolets à impulsion électrique" ?
Les tasers font partie de la catégorie d'armes de "pistolets à impulsion électrique". Voici leur fonctionnement :
- Le mode contact : des décharges très douloureuses sont directement infligées à la personne, en enfonçant l’arme dans certaines parties de son corps.
- Le mode distance : deux aiguillons reliés à l’arme par des câbles fins sont projetés sur la personne et lui infligent une décharge électrique au moment de l’impact.
En France en 2023, le taser est majoritairement utilisé en mode contact, à hauteur de 48% contre 24% en mode à distance, selon le rapport de l’IGPN de 2025). Nous demandons l’interdiction de ce mode contact pour son caractère intrinsèquement abusif, et nous demandons un encadrement plus strict des usages du mode à distance.
En Iran, des manifestants ciblés
Lors du soulèvement « Femme, Vie, Liberté » lancé en septembre 2022 en Iran, des militaires du bataillon Bassidj du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) ont forcé plusieurs garçons à se tenir en ligne avec des détenus adultes, jambes écartées, pour recevoir sur les parties génitales des décharges électriques administrées avec des pistolets à impulsion électrique, de type taser.
Dans un autre cas documenté par nos équipes, plusieurs écoliers ont été enlevés après avoir écrit sur un mur le slogan de protestation « Femme, Vie, Liberté ». « Ils m’ont frappé au visage avec la crosse d’un fusil, infligé des décharges dans le dos et asséné des coups de matraque sur la plante des pieds et sur les mains... » témoigne l’un des garçons dans notre rapport.
Alors que le taser est une arme dite à « létalité réduite » qui doit être utilisée uniquement en cas de dernier recours, si et seulement si, la personne représente un « danger grave et imminent », notre rapport révèle bien que ce type d’arme est utilisé comme une « menace » ou une « pression », de manière punitive par les forces de l’ordre, et régulièrement sur des personnes qui ne représentent aucun danger.
Le besoin de régulation
Cette nouvelle enquête souligne aussi l’importance qu’un traité mondial soit adopté pour réglementer la production et le commerce incontrôlés des armes à létalité réduite. Par les Etats d’abord. C’est pourquoi nous portons, avec plus de 80 organisations de la société civile, une campagne pour que l’ONU adopte un traité fort, et contraignant, qui imposerait des interdictions et des contrôles dans le monde entier sur un vaste éventail d’équipements de maintien de l’ordre, dont les armes et équipements à impulsion électrique.
Les entreprises doivent aussi mettre en place de solides procédures pour respecter la diligence requise en matière de droits humains, pour que leurs produits et services ne soient pas utilisés à mauvais escient à des fins de torture et d’autres mauvais traitements.
La France est le premier producteur européen, via ses entreprises, d’armes à impulsion électrique en mode contact. Et au niveau mondial, la France est cinquième, après la Chine, USA, Inde et Taïwan.
Pour un contrôle des armes à létalité réduite !
Au vu de la dangerosité des armes à létalité réduite, nous avons besoin, sans attendre, d’un traité mondial fort et juridiquement contraignant qui régirait leur commerce.