Pour les réfugiés et migrants, c’est la double peine : à peine rescapés de la noyade, ils sont renvoyés en Libye. Le sauvetage en mer par les autorités maltaises est loin de signifier la fin de leur calvaire.
Notre nouveau rapport intitulé Waves of impunity: Malta's violations of the rights of refugees and migrants in the Central Mediterranean, dresse un sombre tableau du sort des personnes secourues en mer par les autorités maltaises.
Sous le regard de l’Union européenne, le gouvernement maltais recourt à des mesures dangereuses et illégales pour gérer l’arrivée des réfugiés et des migrants par la mer, ce qui expose les personnes à de grandes souffrances et met leur vie en péril.
Certaines actions entreprises par les autorités maltaises ont pu se traduire par la perpétration d’actes criminels : décès, détentions arbitraires prolongées et renvois illégaux vers la Libye déchirée par la guerre.
Une coopération assumée pour renvoyer des personnes en Libye
L’affaire du « renvoi du lundi de Pâques » illustre jusqu’où les autorités maltaises sont prêtes à aller pour empêcher les réfugiés et migrants d’atteindre leurs côtes.
Le 15 avril 2020, un groupe de cinquante-et-une personnes, dont sept femmes et trois enfants, a été renvoyé illégalement vers Tripoli après avoir été secouru dans la zone de recherche et de sauvetage de Malte. Le gouvernement maltais a mandaté le bateau de pêche commercial, Dar Al Salam 1, pour ramener ceux qui se trouvaient à son bord en Libye, mettant de nouveau leur vie en péril, alors qu’ils venaient tout juste de réchapper d’un naufrage mortel. Cinq personnes sont mortes lorsque le navire a atteint la Libye et les survivants ont déclaré que sept autres avaient disparu en mer. Dans une déclaration officielle, les autorités maltaises ont confirmé qu’elles avaient coordonné l’opération.
Une fois les personnes renvoyées en Libye, elles sont détenues arbitrairement dans des lieux où la torture et les autres mauvais traitements sont récurrents. Renvoyer des personnes en Libye est une violation du principe de non-refoulement.
L’impunité règne
Une enquête a été ouverte sur l’affaire du « renvoi du lundi de Pâques », mais de nombreuses questions restent sans réponse. On ignore toujours comment les douze personnes sont mortes et comment cinquante-et-une ont été renvoyées en Libye, alors que les renvois vers ce pays sont illégaux. Le magistrat chargé de l’enquête n’a pas entendu les témoignages des cinquante-et-une personnes transférées vers la Libye, ni examiné la chaîne de responsabilité qui a conduit à utiliser le Dar El Salam 1 et à lui ordonner de les ramener en Libye.
Ce cas révèle également une lacune importante dans la responsabilité de l’Union européenne (UE) d’assurer le respect des droits humains. Le bateau en détresse a été repéré par l’agence européenne Frontex qui a bien alerté les États européens afin qu’une mission de sauvetage soit menée. Cependant, les personnes en détresse ont fini par être refoulées en Libye, en violation flagrante du droit international. Plus globalement, depuis le début du mois de janvier 2020 jusqu’au 27 août 2020, 7 256 personnes ont été renvoyées en Libye par les garde-côtes libyens soutenus par l’UE, qui sont régulièrement alertés de la présence de bateaux en mer par des avions déployés dans le cadre des opérations de Frontex et de l’UE.
Une politique cruelle assumée de l’Union européenne
Ces pratiques abusives de Malte s’inscrivent dans le cadre des efforts déployés par les États membres et les institutions de l’UE pour sous-traiter à la Libye le contrôle de la Méditerranée centrale, afin que les autorités libyennes soutenues par l’UE puissent intercepter les réfugiés et les migrants en mer avant qu’ils n’atteignent l’Europe.
L’Union européenne, l’Italie et maintenant Malte ont normalisé la coopération avec la Libye en matière de contrôle des frontières, alors que cette coopération viole les droits des personnes migrantes et réfugiées qui tente de fuir cet enfer.
Un nouveau pacte européen sur la migration et l’asile est attendu à la fin du mois. Cependant, il est probable que ce pacte ne contienne rien de nouveau et que cela soit une redite des vieilles mesures, comme le renforcement de la coopération avec des pays tiers comme la Libye, qui ne font qu’augmenter la souffrance des personnes en recherche de protection. En effet, la Commission européenne doit tourner la page lors du lancement de ce nouveau pacte et veiller à ce que le contrôle aux frontières de l’Europe et les politiques migratoires européennes respectent les droits des réfugiés et des migrants.
Les horreurs subies par les personnes renvoyées en Libye doivent inciter les leaders européens à mettre un terme en matière de coopération avec des pays qui ne respectent pas les droits humains. En donnant du pouvoir aux auteurs de violations et en pratiquant la politique de l’autruche face à ces agissements, les leaders de l’UE en partagent la responsabilité et en sont ainsi complices.
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