La répression et la violence meurtrière n’en finissent plus de sévir en Birmanie. Depuis le coup d’État militaire, des manifestants pacifiques qui descendent dans la rue pour protester font face à une répression sanglante.
Le 1er février 2021, l’armée du Myanmar s’est emparée du pouvoir après avoir arrêté la cheffe du gouvernement Aung San Suu Kyi et hauts représentants de l’État. Depuis ce jour, des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues pour protester contre la prise de pouvoir par l’armée, au risque d’être arrêtés et blessés.
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Depuis que les militaires sont au pouvoir, ils se livrent à une frénésie d’arrestations injustifiées et usent d’une violence meurtrière contre des manifestants pacifiques. Le constat est alarmant.
Un manifestant pro-démocratie est arrêté par des policiers anti-émeutes à Yangon, Myanmar, le 27 février 2021 / ©Stringer - Reuters
« Tirer pour tuer » : la stratégie des militaires
Le 3 mars a été la journée la plus meurtrière au Myanmar depuis le début des manifestations : 22 personnes ont été tués par les forces de sécurité. Le 28 février, selon des informations parues dans les médias, ce sont 17 manifestants qui ont été tués par les forces de sécurité birmanes. Au total, on dénombre au moins 48 morts depuis le 1er février.
Tout indique que les forces de sécurité birmanes tirent sur les manifestants dans le but de tuer et de réprimer toute opposition. Nous avions déjà cité le général Min Aung Hlaing, qui a pris la tête du pays, parmi les responsables de crimes contre l’humanité perpétrés contre des minorités ethniques dans le pays. Aujourd'hui, le déploiement de ces stratégies de violence contre les manifestants est extrêmement inquiétant.
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Des manifestants courent après l'envoi de tirs et de gaz lacrymogènes par la police à Yangon le 1er mars 2021, Myanmar / ©Aung Kyaw Htet - SOPA Images/Sipa USA via Reuters
Une manifestante de 20 ans tuée par balle
Mya Thwe Thwe Khaing manifestait contre le coup d'État militaire. La jeune femme, âgée de 20 ans, a reçu une balle dans la tête par les tirs des forces de sécurité du Myanmar le 9 février, au milieu d’une manifestations dans la ville de Naypyidaw. Elle est morte 10 jours après, des suites de ses blessures.
Nous avons pu examiner des enregistrements vidéo de l’attaque, qui contredisent les affirmations de l’armée du Myanmar selon lesquelles les forces de sécurité ne portaient pas d’armes létales.
Hommage à Mya Thwe Thwe Khaing, jeune manifestante tuée lors d'une manifestation à Naypyitaw sous les tirs de la police, le 20 février 2021 à Yangon, Myanmar / ©Stringer - Reuters
Les éléments rendus publics sur les réseaux sociaux dont nous avons pu confirmer l’authenticité montrent que la police a directement pris pour cible des manifestants. Notre Crisis Evidence Lab a examiné des photos et vidéos de la manifestation à Nay Pyi Taw le 9 février.
Mya Thwe Thwe Khaing a été touchée par une balle sur le côté de la tête tandis au moment où elle se réfugiait derrière un abribus avec d’autres manifestants. Elle cherchait à se protéger de canons à eau lorsqu’elle a été blessée. Mya est la première victime de la répression militaire.
Répression meurtrière des manifestations
Le 9 février 2021, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues de nombreuses villes au Myanmar, notamment à Nay Pyi Taw et dans les deux plus grandes villes du pays,Yangon et Mandalay. Ils venaient manifester pacifiquement contre le coup d’État militaire dans le pays. Les forces de sécurité ont utilisé des balles réelles, des balles en caoutchouc, du gaz lacrymogène et des canons à eau dans le but de disperser les manifestations.
Plusieurs personnes assissent aux funérailles de victimes tuées lors d’une manifestation anti-coup d’État à Yangon, le 5 mars 2021. Ils lèvent leur trois doigts vers le ciel, geste symbolique du mouvement de protestation / ©Stringer - Reuters
L’« unité Informations véritables » de l’armée du Myanmar a affirmé dans une déclaration que les forces de sécurité ont uniquement déployé des armes non-létales. Certaines images montrent cependant un policier brandissant un clone d’Uzi BA-94 ou BA-93, une variante de ce pistolet mitrailleur fabriquée au Myanmar.
Des coupures d’internet inquiétantes
Depuis le coup d’État du 1er février, la population du Myanmar est plongée dans une incertitude extrême. Le 6 février, l’armée du Myanmar aurait ordonné aux entreprises de télécommunications du pays de couper complètement l’accès à Internet et aux services 4G. Selon nos informations la coupure effective durera jusqu’à lundi 8 février.
Le 5 février, les fournisseurs de services de télécommunication ont reçu l’ordre de bloquer l’accès à Twitter et Instagram. La veille, l’armée avait déjà annoncé avoir ordonné aux opérateurs de bloquer l’accès à Facebook jusqu’au 7 février. Au moment du coup d’État, le 1er février, des coupures ponctuelles d’Internet et de téléphone ont été signalées à plusieurs endroits du pays, notamment dans la capitale, Naypyidaw, dans la plus grande ville, Yangon (Rangoon), dans l’État chan et l’État kachin, et dans les régions de Mandalay et de Sagaing. L’accès a fini par être rétabli.
Des restrictions de l’accès à l’Internet mobile étaient également en cours depuis plus d’un an dans les zones de conflit de l’État d’Arakan et de l’État chin. L’accès au réseau 4G dans ces zones aurait été rétabli en fin de soirée le 2 février 2021.
Ces restrictions sont véritablement dangereuses pour les populations civiles à risque, surtout quand l’accès à l’information est aussi vital que dans le contexte de la pandémie de COVID-19 – et d’autant plus que la situation est tendue sur place en raison du coup d’État ainsi que dans les zones de conflit.
Une coupure prolongée d’Internet exposerait la population à un risque accru de subir de nouvelles violations flagrantes des droits humains aux mains de l’armée.
Une femme lève le poing et scande des slogans lors d'une manifestation contre le coup d'État militaire, 28 février 2021 à Mandalay, Myanmar / ©Kaung Zaw Hein / SOPA Images/Sipa USA via Reuters
La communauté internationale doit demander des comptes
Une semaine après le coup d’État, au moins 150 personnes avaient été arrêtées et plusieurs membres du gouvernement civil restent assignés à domicile. De nombreux défenseurs des droits humains ont dû entrer dans la clandestinité. Nous sommes particulièrement inquiets pour les populations déplacées, les minorités ethniques et les habitants des zones de conflit.
Les forces de sécurité du Myanmar doivent immédiatement cesser d’avoir recours à une force injustifiée et excessive contre les manifestants pacifiques et libérer toutes les personnes arrêtées arbitrairement.
L’inaction internationale envoie le signal que les violations des droits humains n'entraînent pas de conséquences : c’est inacceptable.
La communauté internationale doit défendre toutes les personnes qui exercent leurs droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association au Myanmar, et faire tout ce qui est en son pouvoir pour les protéger. Il y a urgence.
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