Réfugié politique accueilli en France en 2014, le Congolais Nowa a traversé les mers pour rejoindre sa future terre d’accueil. Zoom sur un optimiste invétéré bien parti pour devenir un modèle de réussite.
« J’ai quitté mon pays pour sauver ma vie. Les gens n’imaginent pas tout ce que j’ai dû subir pour prendre la décision de partir, tous les efforts et les sacrifices que j’ai dû faire. » Originaire de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), Nowa n’en dira pas plus sur les raisons de son départ pour ne pas mettre sa famille en danger. Il se contentera de dresser un portrait sombre du pays qui l’a vu naître. Là-bas, Joseph Kabila règne depuis 16 ans d’une main de fer sur l’ex-Zaïre après l’assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila en 2001. Là-bas, « le processus électoral qui était censé garantir la stabilité nationale n’a pas été respecté », confie ce grand gaillard de 39 ans affublé d’une chemise à fleurs rose aussi lumineuse que son sourire.
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Le président avait pourtant promis de mener le pays à la démocratie. Pour, au final, modifier le mode de scrutin (un seul tour au lieu de deux) pour remporter les élections en 2011, avant de laisser planer le doute sur son intention de briguer un troisième mandat, ce qui irait à l’encontre de la Constitution du pays. « Les libertés sont bafouées en RDC, les opposants et les journalistes sont emprisonnés après des parodies de procès » tandis que des « assassinats ciblés » sont perpétrés, assure le Congolais. Un climat d’instabilité politique qui nourrirait les divisions, les violences et les mouvements de révolte dans le pays :
On ne se sent en sécurité nulle part, on peut subir des menaces ou se faire tuer à tout moment.
Il y a fort à parier que ce contexte politique délétère ait poussé Nowa à fuir la RDC. Le 12 août 2013, l’ex-étudiant en informatique a abandonné le cybercafé dans lequel il avait tant investi d’énergie pour embarquer sur un Zodiac en compagnie de 33 personnes, direction le Maroc. La traversée est périlleuse. Le moteur lâche au beau milieu de la mer, avant de réussir à repartir. « On aurait pu là rester sur place, sans bouée de sauvetage, sans possibilité d’appeler les secours », se souvient Nowa qui prit conscience quelques jours plus tard du danger encouru : « A chaque fois que je passais à côté de la mer, je me disais : "tu étais suicidaire". Je ne me suis pas rendu compte des risques que j’ai pris. Cela montre le désespoir que peuvent ressentir les réfugiés ».
Mais le chemin de croix continue sur la terre ferme. Sans carte de séjour, Nowa a un mal fou à trouver du travail pour subvenir à ses besoins. Pour faire des économies, il loge dans un 10 à 15 m2 en compagnie de huit personnes. Le Congolais est également victime de discriminations :
La façon dont on traite les immigrés et les migrants n’est pas correcte au Maroc. Les Noirs ne sont pas bien vus. Quand on te croise dans la rue, on te traite de « sale Africain ».
Ses conditions de vie s’améliorent le jour où il rejoint l’Espagne en août 2013. Après un passage par Ceuta, ville espagnole sur la côte marocaine, Nowa est hébergé dans un centre d’accueil de Madrid qui dispose, grand luxe pour un réfugié, de chambres avec des lits superposés. Un an après son arrivée en terre ibérique, il traverse la frontière française en bus pour rejoindre ses deux sœurs qui ne peuvent malheureusement pas l’héberger. Nowa loge chez des connaissances ou des amis, est parfois contraint de dormir dans la rue. Sans papier durant les premiers mois, il obtient une autorisation de séjour provisoire, avant de faire une demande de réfugié politique qui sera acceptée… un an plus tard. « Il y a des lourdeurs administratives en France. C’était difficile de trouver un logement et un travail en tant que demandeur d’asile durant ces longs mois d’attente ».
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Décidé à accélérer le cours de son destin, Nowa prend contact avec Amnesty International qui l’aide à obtenir un statut de réfugié. C’est à peu près à la même époque qu’il rencontre « une personne » qui, non seulement, l’héberge à Saint-Michel-sur-Orge, mais lui propose aussi de faire du bénévolat. Son excellente maîtrise de la langue de Molière lui permet de donner des cours de français pour La Croix-Rouge et Renaissance et Culture.
Cela m’a permis de vaincre mon isolement, de comprendre la culture et la mentalité française et cela m’a redonné de la joie de vivre. J’ai rencontré des personnes qui m’ont tendu la main et m’ont soutenu. Humainement et psychologiquement, c’était une bouffée d’oxygène. J’avais vraiment le sentiment d’exister car j’aidais mon prochain.
Trois ans après son arrivée en France, Nowa se sent « bien intégré », en partie grâce à l’aide des associations à qui il tire son chapeau. Installé dans un studio de 18 m2 à Corbeil-Essonnes, il a suivi durant neuf mois une formation de technicien supérieur en support informatique financée intégralement par le Pôle Emploi. De quoi s’estimer reconnaissant envers son pays d’accueil: « J’ai coûté 15.000 euros à la France (tarif de la formation, ndlr) et je bénéficie des APL, de la CMU et de la Tarification Solidarité Transport (transports gratuits, ndlr). » Un matelas de sécurité qui lui permet d’envisager son avenir professionnel avec sérénité : « Ce sont les compétences qui importent pour un employeur, et non la couleur de peau ou les origines ».
Passé tout prêt de la mort, Nowa savoure désormais chaque seconde de son existence : « Je n’ai pas à me plaindre depuis que je suis arrivé en France. A chaque respiration, je me dis "la vie m’a donné cette chance"», et je saute dessus pour m’en sortir ». Et de conclure, avec le regard foudroyant des survivants de l’enfer :
Nous avons tous un temps limité sur terre. Cet aspect de la vie nous met tous sur un pied d’égalité, nous humanise. Nous sommes donc tous des réfugiés.
- propos recueillis par Julien Moschetti
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