Sur les chantiers de construction de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, les travailleurs migrants continuent de subir abus et exploitation alors que le stade phare du pays vient d’accueillir son premier match depuis sa rénovation.
Les entreprises chargées de la rénovation du stade international Khalifa ont violé systématiquement les droits des travailleurs. Le stade a été inauguré vendredi soir, 19 mai – un mois après que des contrôleurs indépendants ont publié de nouvelles informations sur l'exploitation des travailleurs migrants dans le cadre des projets liés à la Coupe du monde.
Un an après notre rapport, rien n’a changé
Cela fait un an que nous avons dénoncé l'exploitation des travailleurs migrants qui ont contribué à construire le stade Khalifa, mais les atteintes aux droits humains sur les sites de Qatar 2022 se poursuivent.
Les organisateurs de la Coupe du monde au Qatar ont imposé des critères spéciaux aux entrepreneurs qui sont censés mettre fin à ces pratiques. Pourtant, dans la réalité, les travailleurs présents sur ces sont toujours soumis au régime répressif du parrainage en vigueur au Qatar, qui donne à leurs employeurs des moyens puissants pour bafouer leurs droits.
Nombre des personnes interrogées ont révélé s’être lourdement endettées pour payer des frais élevés de recrutement, tandis que d'autres se sont vues confisquer leurs passeports ou ont été victimes de travail forcé.
Des centaines de milliers d'autres personnes sont recrutées pour construire et assurer l'entretien d'au moins sept stades supplémentaires pour la Coupe du monde, ainsi que des infrastructures nécessaires au déroulement du tournoi. De nombreux autres travailleurs migrants seront donc fortement exposés à divers abus dans les cinq années qui viennent.
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Un nouvel audit aux conclusions alarmantes
Les conclusions publiées en avril par une entreprise indépendante d'audit, Impact Ltd, ont montré que les violations se poursuivent, malgré les tentatives de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association) de redorer l'image du tournoi.
Le récent audit, axé sur 10 entrepreneurs de la Coupe du monde choisis au hasard (sur un total de 149), fait écho à de nombreuses conclusions de notre enquête. Il a identifié tout un éventail d'atteintes aux droits humains dans le cadre des projets de la Coupe du monde, notamment :
• 79 % des travailleurs ont signalé avoir payé des frais de recrutement.
• Les entrepreneurs font travailler les employés pendant des heures excessives et la moitié d'entre eux ne leur accordent pas de jours de repos – une personne a par exemple travaillé sans un seul jour de congé pendant près de cinq mois (148 jours).
• 25 % des travailleurs d'une entreprise ont déclaré qu'ils préféraient ne pas signaler des problèmes en matière de santé et de sécurité par peur des représailles.
• Quatre des 10 entrepreneurs sondés détenaient les passeports de leurs employés, ce qui peut constituer une infraction au regard de la loi qatarienne.
L’entreprise d'audit a estimé que certains progrès ont été réalisés, même si des atteintes aux droits humains ont été recensées dans les 10 entreprises tests.
Le stade Khalifa a été le premier site de la Coupe du monde à ouvrir ses portes pour accueillir la finale de la Coupe de l'Émir, entre deux grands rivaux locaux Al Rayyan et Al Sadd, vendredi 19 mai.