Le centre humanitaire de la Mairie de Paris vient d’ouvrir mais de lourdes incertitudes planent sur la capacité de ce dispositif à résoudre la crise de l’accueil de milliers de personnes sollicitant l’asile à Paris et contraintes de vivre à la rue dans des conditions dégradantes.
Pourtant l’accueil des personnes qui fuient les persécutions ou les conflits dans leur propre pays est un impératif moral. C’est surtout une obligation juridique dictée par la Constitution française, le droit européen et la convention de 1951 relative au statut des réfugiés que la France a ratifiée.
Les organisations de la Coordination française pour le droit d’asile dont fait partie notre organisation appellent le Gouvernement français à prendre enfin des réformes d’ampleur. Ces mesures sont indispensables pour mettre un terme à la situation désastreuse d’hommes, de femmes et d’enfants qui, après les violences ou la persécution à l’origine de leur départ et les dangers de l’exil, doivent subir des conditions de vie indignes dans notre pays.
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Les mesures à prendre sont simples, mais elles exigent lucidité et courage politique :
Des mesure immédiates
Mettre fin aux opérations de dissuasion exercées à l’encontre des personnes qui attendent dans des conditions dégradantes d’obtenir un rendez-vous auprès des plateformes d’accueil et des préfectures. En parallèle d’évacuations organisées, les autorités chassent régulièrement les réfugiés installés dans les espaces publics, procèdent à leur arrestation et privent même certains d’entre eux de leur liberté en les plaçant en centre de rétention, en vue de leur renvoi forcé du territoire. Ces pratiques d’intimidation et de répression sont d’autant plus inacceptables que la situation de ces personnes dans ces conditions est intégralement imputable aux autorités françaises. Ces personnes doivent être présumées réfugiées.
Les départements et l'aide sociale à l'enfance doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants non accompagnés qui se retrouvent à la rue. La minorités des enfants est souvent remise en cause. Leurs conditions d’accueil d’urgence sont déplorables et les délais pour décider de leur protection sont disproportionnés au regard des enjeux. Le fait qu’un enfant ne peut être éloigné du territoire ne doit pas l’exclure de la procédure d’asile.
Prendre en charge immédiatement les personnes dont l’état de santé nécessite un suivi particulier. L’application de plus en plus restrictive du droit à une protection maladie, ainsi que la multiplication des refus et retards de soins à l’encontre des exilés dans les hôpitaux publics conduisent à des situations graves, qui débordent largement les capacités des centres de soins « humanitaires ». Les services de la sécurité sociale doivent appliquer les procédures d’instruction rapide. Ces procédures permettront aux personnes malades d’accéder aux services de santé de droit commun. Dans l’attente, les dispositifs PASS (Permanences d’accès aux soins de santé) des hôpitaux publics doivent être dotés des moyens nécessaires, notamment d'interprétariat professionnel et de prise en charge de la santé mentale pour accomplir leur mission d’accès inconditionnels aux soins pour les personnes démunies.
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Des mesures structurelles
Mettre à disposition des préfectures concernées les moyens nécessaires pour que les demandes d’asile soient enregistrées dans les délais légaux. Les textes européens exigent de la France que l’enregistrement des demandes se fasse dans un délai de 3 jours ouvrés. A Paris et à Cayenne, il est aujourd’hui de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. Les exilés qui vivent à la rue dans des conditions dégradantes sont victimes de l’incapacité structurelle de l’administration à enregistrer rapidement les demandes.
Accélérer l’ouverture de places dans les Centres d’accueil pour demandeurs d’asile – seul dispositif assurant un suivi juridique. Les textes européens exigent que la France offre des conditions d’accueil décentes à tous les demandeurs d’asile. Il y a aujourd’hui près de 100 000 demandeurs d’asile en France et le dispositif d’accueil dédié ne permet d’héberger que 40% d’entre-eux. La France ne fait pourtant pas face à une hausse exceptionnelle du nombre de personnes en demande d’asile (+20% en 2016). Si le Gouvernement souhaite réaliser son objectif d’héberger 80% d’entre elles, il doit doubler le nombre de places prévues pour la fin de 2017 (60 000 places).
Permettre aux personnes demandeurs d’asile de vivre de façon autonome : rétablir le droit effectif au travail, à la formation linguistique et à la formation professionnelle. Pour favoriser l’autonomie des personnes, il faut avant tout revaloriser le montant de l’allocation pour demandeur d’asile afin qu’elles puissent se loger par elles-mêmes. Mais il est surtout nécessaire de rétablir les droits et les dispositifs permettant aux demandeurs d’asile de travailler, de suivre une formation linguistique et de bénéficier d’une formation professionnelle.