Dans l'est de l'Ukraine, les autorités ukrainiennes et les séparatistes soutenus par la Russie soumettent des civils à une détention arbitraire, prolongée et parfois secrète, ainsi qu'à la torture.
Amnesty International et Human Rights Watch publient le rapport ‘You Don’t Exist.’ Arbitrary Detentions, Enforced Disappearances, and Torture in Eastern Ukraine. La torture et la détention secrète sont pratiquées actuellement par les deux parties au conflit. Dans certains cas, il s’agit même de disparition forcée. Les pays qui apportent leur soutien à l'une ou l'autre des parties le savent parfaitement et ne doivent pas continuer de fermer les yeux sur ces atteintes aux droits humains.
A l’issue de notre recherche, nous avons pu établir que :
les autorités ukrainiennes et les groupes paramilitaires pro-Kiev ont arrêté des civils soupçonnés d'être liés aux séparatistes soutenus par la Russie ou de leur apporter un soutien. La plupart de ces détenus ont été soumis à la torture ou à d'autres formes de mauvais traitements.
dans les républiques populaires auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk, des civils soupçonnés de soutenir le gouvernement ukrainien ou d'espionner pour son compte ont également été arrêtés par les forces séparatistes. Les services de sécurité locaux, qui opèrent sans le moindre contrôle, détiennent de façon arbitraire des civils qu'ils ont aussi torturés dans certains cas.
Après les arrestations, suivent la détention au secret et la torture.
Vadim, doublement soupçonné de collaboration et d'espionnage
En avril 2015, des hommes armés l'ont capturé à un point de contrôle des forces ukrainiennes. Vadim a été retenu en captivité pendant plus de six semaines dans un bâtiment du service de sécurité ukrainien. Il a été torturé en lui infligeant des décharges électriques, des brûlures de cigarette et en le frappant ; ils voulaient qu'il avoue travailler pour des séparatistes soutenus par la Russie.
Après avoir finalement été relâché, Vadim est retourné à Donetsk, où il a été immédiatement arrêté par les autorités locales « de fait » qui le soupçonnaient d'avoir été recruté par le SBU durant sa captivité. Il a passé plus de deux mois en détention au secret dans une prison non officielle, située dans le centre de Donetsk, où il a cette fois encore été frappé et soumis à d'autres mauvais traitements.
Des agissement totalement niés par leurs auteurs
Dans une lettre adressée à Amnesty International et Human Rights Watch, le SBU a nié utiliser d'autres lieux de détention que son seul centre de détention temporaire officiel situé à Kiev, et nié détenir quelque information que ce soit sur les atteintes aux droits humains commises par le service de sécurité que nos organisations ont recensées. Pourtant :
dans trois des cas de disparition forcée qui se sont produits sur le territoire contrôlé par les autorités gouvernementales, les personnes détenues ont expliqué que le SBU les avait placées dans des lieux de détention non reconnus pendant des périodes allant de six semaines à 15 mois
des cas de détention illégale non reconnue ont eu lieu dans des locaux du SBU à Kharkov, Kramatorsk, Izyum et Marioupol un rapport de l'ONU de juin 2016 a également fait état d'un centre du SBU à Kharkov soupçonné d'être un lieu de détention non officiel
Des pratiques illégales qui doivent cesser
L’interdiction absolue de torturer
Le fait de torturer un détenu est strictement interdit et toujours illégal. Les autorités ukrainiennes et les autorités « de fait » des séparatistes doivent veiller à :
ce que toutes les forces placées sous leur contrôle sachent cela,
faire clairement savoir que le fait de maltraiter des détenus ne sera pas toléré.
Des forces de sécurité ukrainiennes arrêtent un militant pro-russe dans la région de Lugansk - août 2014. © OLEKSANDR RATUSHNIAK
L'interdiction des crimes de guerre
Dans la quasi-totalité des cas que nous avons étudiés, la libération des civils a à un moment ou un autre été négociée par le camp qui les détenait, dans le contexte d'un échange de prisonniers. Cela incite à penser que les deux parties s'emparent peut-être de civils dans le but de disposer d'une « réserve » pour d'éventuels échanges de prisonniers. Ces détentions pourraient alors constituer une prise d'otage, qui est un crime de guerre.
Le rôle des pays qui soutiennent les parties au conflit
Les allégations concernant la pratique de la détention secrète en Ukraine sont sérieuses et convaincantes, et elles méritent de donner lieu à des enquêtes exhaustives. Les pays apportant un soutien international doivent clairement demander qu'il soit mis fin à de telles pratiques.