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Des réfugiés éthiopiens ayant fui le conflit du Tigré en Éthiopie arrivent en bus près de la frontière éthiopienne
Des réfugiés éthiopiens ayant fui le conflit du Tigré en Éthiopie arrivent en bus près de la frontière éthiopienne © Yasuyoshi CHIBA / AFP
Conflits armés et protection des civils

10 choses à savoir sur les violences sexuelles dans les conflits

Les violences sexuelles sont monnaie courante dans les conflits. Pourtant, elles restent trop souvent ignorées ou minimisées et demeurent largement impunies.

Pendant longtemps, dans les conflits armés, le viol et les autres formes de violences sexuelles commises ont été considérés comme inévitables. De simples "dommages collatéraux", des "actes isolés" ou le lot malchanceux de celles ou ceux qui croisaient la route d'"hommes en arme" aveuglés par leur pulsion. En réalité, dans de nombreux cas, les viols et les autres formes de violences sexuelles sont utilisés comme une véritable arme de guerre : de manière massive, systématique, et pour infliger un préjudice physique et psychologique aux personnes ciblées, en particulier au sein de populations civiles.

Voici 10 choses à savoir sur les violences sexuelles dans les conflits.

1. Les violences sexuelles, c’est quoi ?

Les violences sexuelles renvoient à tout acte de nature sexuelle non consenti pratiquées sur une tierce personne en ayant recours à la force et/ou dans des circonstances coercitives.

2. Quelles sont les différentes formes de violences sexuelles dans les conflits ?

Il n’existe pas de liste exhaustive permettant de catégoriser les violences sexuelles dans les conflits.

Mais, parmi les actes pouvant constituer ces violences, on peut noter :

👉 le viol

👉 l’esclavage sexuel

👉 la prostitution forcée

👉 la grossesse forcée

👉 la stérilisation forcée

Ces actes sont commis sans consentement ou dans des circonstances coercitives.

3. Pourquoi les violences sexuelles sont-elles utilisées en temps de guerre ?

Instrument aussi bien stratégique que tactique, les violences sexuelles sont délibérément utilisées comme une véritable arme de guerre dans de nombreux conflits.

Ces violences peuvent servir à instiller de la peur au sein de communautés, à humilier, punir, à prendre le contrôle, à forcer à fuir, forcer à obtenir des informations ou des confessions.

Nous avons par exemple documenté l’utilisation du viol et des violences sexuelles comme arme de guerre dans plusieurs conflits, notamment ceux qui se déroulent en République démocratique du Congo (RDC), au Soudan du Sud, en Éthiopie, au Darfour, en Syrie, au Yémen.

4. Qui sont les principales cibles de ces violences ?

Tout le monde peut potentiellement être la cible de violences sexuelles. Quels que soient son genre, son identité de genre, son orientation sexuelle, son âge ou son milieu économique et social.

Les femmes et les filles sont les principales cibles des violences sexuelles dans les conflits à travers le monde.

Les violences sexuelles contre les hommes et les garçons, longtemps restées taboues ou ignorées, existent bel et bien, et sont de plus en plus documentées. Joachim, un pêcheur victime de viol dans le cadre du conflit en République démocratique du Congo, témoigne de la difficulté de rompre le silence et de condamner la violence à laquelle ils ont été soumis :

Je sens que les membres de ma communauté me regardent avec mépris. Lorsque je parle avec d'autres hommes, ils me regardent comme si je ne valais plus rien.

Rapport
République démocratique du Congo
2004
Dans le rapport "Violences sexuelles : un urgent besoin de réponses adéquates", nous avons dénoncé les viols et les agressions sexuelles commis de manière systématique par les forces combattantes envers des dizaines de milliers de femmes et de filles à l’est de la République démocratique du Congo. Nous avons également recueilli des témoignages d’hommes et de garçons victimes de violences sexuelles.
Enquête
Darfour / Tchad
2013
Dans le cadre du conflit au Darfour, région à l’ouest du Soudan, une mission d’Amnesty International dans des camps de réfugiés darfouriens dans l’est du Tchad révèle les violences sexuelles qui touchent les femmes et les filles, non seulement au Darfour mais aussi durant leur périlleux voyage vers le Tchad. .
Rapport
Yémen
2019
Nos enquêtes menées dans le cadre du conflit au Yémen a révélé que des enfants, dont certains garçons n’ayant même pas encore huit ans, avaient été violés dans la ville de Taïz. Les auteurs présumés de ces actes, au nombre desquels figurent des membres de milices soutenues par la coalition menée par l’Arabie saoudite, n’ont pas eu à rendre de comptes.
Rapport
Soudan du Sud
2017
Dans notre rapport "Ne le gardez pas pour vous", nous faisions la lumière sur les victimes de violences sexuelles au Soudan du Sud qui réclament justice et réparations. Nous avons recueilli d'autres témoignages d'hommes victimes de violences sexuelles. Plusieurs milliers d’habitants du pays ont été victimes de violences sexuelles. Ces actes, d’une ampleur et d’une violence effroyables, et leurs conséquences physiques, psychologiques et sociales se feront sentir pendant des décennies.
Rapport
Syrie
2021
Nos chercheurs-ses ont révélé que les forces de sécurité syriennes ont soumis des Syrien·nes rentrés chez eux après s’être réfugié·es à l’étranger à la détention, à la disparition forcée et à la torture, et notamment à des violences sexuelles. Ces témoignages coïncident avec les pratiques avérées de violences sexuelles et de viols commis contre des civils et des détenus durant le conflit par les forces progouvernementales.
Rapport
RDC / Rwanda
2023
Nos recherches ont permis de révéler que des rebelles du groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, ont exécuté sommairement des hommes et violé des dizaines de femmes dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) fin novembre 2022.

Certains groupes de personnes peuvent être ciblés plus fréquemment que d’autres par des actes de violences sexuelles, comme les personnes déplacées, réfugiées, les personnes associées à certains groupes armés, ethnies, religions ou partis politiques.

5. Qui sont les principaux auteurs de ces violences ?

Les viols et autres formes de violences sexuelles peuvent être perpétrés par l’ensemble des parties en conflit, parfois avec une ampleur et un modus operandi différent. Les auteurs peuvent être multiples (membres des forces armées régulières, des membres des forces de police, des groupes armés rebelles ou des milices, etc.).

Si l'on garde l'exemple de l'Éthiopie, nous avons documenté que des violences sexuelles avaient été commises par toutes les parties au conflit.

Lire aussi : Comment les violences sexuelles sont devenues une "arme de guerre" en Éthiopie 

Lire aussi : L'interview de La Chronique : "Une volonté d'humilier, de punir toute une communauté"

6. Quelles sont les principales conséquences pour les personnes survivantes ?

Les conséquences physiques

La brutalité des violences sexuelles entraîne souvent des blessures physiques graves qui nécessitent des traitements médicaux complexes sur le long terme.

Dans plusieurs situations où Amnesty International a enquêté, notamment en République démocratique du Congo en 2004, les personnes interrogées ont fait état de saignements, de lésions génitales, de douleurs chroniques, d’incontinence, de fistules gynécologiques. D’autres ont contracté des maladies ou des infections sexuellement transmissibles telles que le VIH. Il arrive que les femmes qui tombent enceintes à la suite d’un viol meurent en couches, à la suite de complications qui auraient pu facilement être évitées si des soins adéquats leur avaient été dispensés

Les conséquences psychologiques

Les conséquences psychologiques pour les victimes de violence sexuelle sont nombreuses : dépression, syndrome de stress post-traumatique, insomnie, anxiété, sentiments intenses de terreur, de rage, de honte, perte de l’estime de soi, sentiment de culpabilité, pertes de mémoire, cauchemars ou flashbacks de l’agression pendant la journée... Certaines ont également peur d’être rejetées par leur famille ou leur communauté.

Ces conséquences peuvent être immédiates ou survenir sur le long terme et être aggravées par le manque de soins médicaux ou psychologiques.

Les violences sexuelles peuvent aussi avoir des conséquences économiques et sociales. Parfois, les survivant·es sont stigmatisé·es au sein de leurs communautés ou exclu·es socialement. Cela peut les conduire à la perte de leur emploi ou à l’abandon scolaire.

7. Quel est le lien entre l’utilisation d’armes et les violences sexuelles dans les conflits ?

Dans plusieurs conflits armés, tels qu’en République démocratique du Congo ou au Soudan du Sud, nous avons révélé que les armes à feu ont été utilisées pour favoriser ces violences.

Le 3 avril 2023, les Nations unies ont adopté le Traité sur le commerce des armes, le premier instrument international à faire le lien entre le commerce des armes et les violences liées au genre. Les États parties exportateurs sont en effet tenus d’évaluer les risques et si les armes ou biens connexes peuvent servir « à commettre des actes graves de violence fondée sur le sexe ou des actes graves de violence contre les femmes et les enfants, ou à en faciliter la commission ». Si oui, cela constituerait des violations graves du droit international relatif aux droits humains ou du droit international humanitaire.

Lors de son évaluation, l’État partie exportateur tient compte du risque que des armes classiques visées à l’article 2 ou des biens visés aux articles 3 ou 4 puissent servir à commettre des actes graves de violence fondée sur le sexe ou des actes graves de violence contre les femmes et les enfants, ou à en faciliter la commission.

L’article 7.4 du TCA

L’évaluation des risques d’« actes graves de violence fondée sur le sexe » et d’ « actes graves de violence contre les femmes et les enfants » est une avancée importante dans la reconnaissance officielle des liens qui existent entre les violences liées au genre et le commerce international des armes. En savoir plus.

Lire aussi : À la rencontre de trois femmes qui militent pour un meilleur contrôle des armes

8. Pourquoi enquêter sur ces violences ?

Les crimes de violences sexuelles sont longtemps restés sous-documentés.

Il est souvent difficile pour les personnes survivantes de livrer leurs témoignages. Parfois par craintes de stigmatisation, d’ostracisation ou de représailles, en particulier quand les auteurs sont des acteurs étatiques. Des obstacles matériels peuvent également survenir quand les risques évidents pour leur sécurité ne permettent pas aux personnes survivantes de livrer leurs témoignages, quand la distance géographique, les frais de transports constituent également des freins.

Mais toutes les enquêtes menées par les organisations de la société civile, les ONGs comme Amnesty International, les commissions internationales d’enquêtes et d’autres acteurs, permettent de révéler la nature et l’ampleur des violences sexuelles commises dans les conflits, les cibles, les auteurs, les conséquences. Avec pour objectif de rendre justice et réparation aux survivant·es, d’établir les responsabilités, et de proposer des mesures de non-répétition des violences.

9. Que dit le droit international ?

Le droit international est très clair. Il interdit les violences sexuelles dans les situations de conflits et organise la responsabilité pénale individuelle des auteurs, qui peuvent être poursuivis pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide.

10. Ces crimes sont-ils punis et les victimes obtiennent-elles réparation ?

Les violences sexuelles dans les conflits constituent des violations du droit international humanitaire (DIH). Les États ont l’obligation de respecter et de faire respecter le DIH.

- Ils doivent prendre des mesures nationales pour prévenir et pour poursuivre pénalement le viol et les autres formes de violence sexuelle.

- Ils ont aussi l’obligation d’enquêter et de poursuivre les auteurs de ces crimes.

Or, de nombreux États ne respectent pas ces obligations, et les violences sexuelles commises en période de conflit sont souvent passées sous silence et rarement poursuivies.

Notre combat

Enquêter. Partout dans le monde, les chercheur.ses d'Amnesty International enquêtent sur les violences sexuelles commises dans le cadre des conflits pour les recenser et les dénoncer.

Alerter. Sur la base de ce travail de recherche minutieux, Amnesty International alerte les États pour empêcher et faire cesser les violences sexuelles répétées de la part des différentes parties au conflit. L'urgence est de mettre fin à ces violences.

Agir. Chaque jour, Amnesty International se bat pour que l’ensemble des allégations de violences sexuelles fassent l’objet d’une enquête efficace, indépendante et impartiale. Il faut que les responsables présumés soient amenés à rendre des comptes dans le cadre de procès équitables, que les victimes obtiennent justice, des soins médicaux adaptés, et qu’un programme de réparation efficace soit mis en place.