Actes de torture et exécutions extrajudiciaires, bombardements aveugles de villages civils, entraves aux déplacements et restrictions à l’aide humanitaire... A l’issue de trois missions effectuées récemment, notre organisation apporte des preuves de crimes guerre contre des minorités ethniques.
Les atteintes aux droits fondamentaux ont été commises par des membres de la Tatmadaw (nom donné aux forces armées du Myanmar).
Des violations commises par l’armée myanmar
Depuis que les combats se sont intensifiés en novembre 2016, l’armée du Myanmar (ex-Birmanie) s’est rendue coupable de graves violations contre les civils, qui s’apparentent parfois à des crimes de guerre.
Nous avons documenté neuf cas dans notre dernier rapport où des militaires ont arrêté arbitrairement et torturé des membres de minorités ethniques dans le nord de l’État chan.
Par exemple, en novembre 2016, 18 jeunes hommes ont été massacrés dans le village de Nam Hkye Ho. Selon deux témoins, une centaine de membres de l’armée du Myanmar sont entrés dans le village après avoir combattu la MNDAA non loin de là. La plupart des villageois, dont les femmes et les enfants, avaient fui à l’approche des combats. Les soldats ont laissé partir les hommes âgés avant d’emmener les jeunes hommes sous la menace d’une arme. Peu de temps après, les villageois qui avaient pris la fuite ont entendu des coups de feu en provenance de la direction qu’avaient prise les soldats.
Ils ont franchi la frontière pour rejoindre la Chine. Quand ils sont revenus dans leur village plusieurs semaines après les faits, ils ont trouvé deux charniers où avaient été jetés des restes de corps.
Nous avons vu des restes calcinés de ce qui semblait être un corps. [Il y avait] des os, mais c’étaient surtout des cendres. Nous avons retrouvé certaines de [leurs affaires]… Nous savions déjà que les 18 personnes avaient disparu.
Un ancien du village
Les Exactions par les groupes armés
Même si de nombreux membres des minorités ethniques considèrent les groupes armés comme leurs protecteurs, ils sont aussi victimes d’exactions de la part de ces groupes.
Différents groupes armés enlèvent des civils considérés comme proches d’une partie adverse, pratiquent l’enrôlement forcé, notamment d’enfants, et imposent des « taxes » à des villageois pauvres, pris au piège dans la zone de conflit.
Près de 100 000 personnes ont dû quitter leur maison et leur ferme en raison du conflit et des violations des droits humains dans le nord du Myanmar.
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Le terrible déplacement de population
Ces déplacés sont actuellement dans le nord du pays, alors que les affrontements entre les forces armées du Myanmar et différents groupes ethniques armés, dont l’Armée pour l’indépendance kachin (KIA), l’Armée de libération nationale ta’ang (TNLA), l’Armée d’Arakan (AA) et l’Armée de l’alliance démocratique nationale du Myanmar (MNDAA), continuent de faire rage dans la région.
Le gouvernement du Myanmar a exacerbé encore les difficultés pour de nombreuses personnes déplacées en restreignant l’accès des organismes humanitaires à certaines zones en proie au conflit, en particulier celles contrôlées par des groupes armés. Des représentants de ces organismes ont déclaré que ces restrictions limitaient leur capacité à réagir rapidement à des situations d’urgence et à fournir l’aide humanitaire nécessaire, en matière notamment d’abri, d’accès à l’eau et à des installations sanitaires.
Des mines terrestres aux engins explosifs improvisés
Les forces armées du Myanmar comme les groupes ethniques armés se servent de charges explosives, posant des mines terrestres antipersonnel ou des engins explosifs improvisés (IED) qui, bien souvent, blessent des civils, dont des enfants, alors qu’ils vont travailler ou rentrent chez eux après avoir été déplacés. L’armée du Myanmar fait partie des quelques rares forces armées nationales au monde (avec la Corée du Nord et la Syrie) qui utilisent encore des mines terrestres antipersonnel.
Toutes les parties au conflit doivent cesser de se livrer systématiquement à des violations des droits humains contre la population civile, et les autorités du Myanmar doivent mettre fin au cycle de l’impunité en enquêtant sur ces violations et en engageant des poursuites contre leurs auteurs.
Aung San Suu Kyi accorde la priorité au processus national de paix mais, pour qu’il aboutisse, il devra reposer sur l’obligation de rendre des comptes et sur le respect des droits de l’ensemble de la population civile, y compris de ceux des minorités ethniques.