Alors que le gouvernement irakien a annoncé avoir repris le contrôle de la ville, la crise des droits humains s’amplifie.
C'est le cas des déplacés internes subissent des restrictions arbitraires de leur droit de circuler librement.
Le pont de Bzeibiz, qui relie la province d'Anbar à Bagdad, est resté fermé la plupart du temps depuis le 5 juin, et les forces de sécurité ont empêché des centaines de femmes, d'enfants et d'hommes âgés de le franchir pour se rendre à Bagdad. Les hommes et les adolescents subissent des restrictions supplémentaires: certains disent s'être vu interdire de quitter les camps, même pour aller se faire soigner ou pour accéder à des services dans des villes de la province. Des hommes remis en liberté après un "filtrage" ont dit que les forces de sécurité ne leur avaient pas rendu leurs papiers d'identité, ce qui avait pour effet de restreindre davantage encore leur liberté de mouvement dans les camps et de les exposer à une nouvelle arrestation.
Selon des témoignages recueillis, le 21 juin des combattants des Unités de mobilisation populaire et de la police fédérale ont incendié une cinquantaine de maisons de civils dans les quartiers de Jbeil et de Nizal, dans le sud de Falloujah.
10 000 hommes détenus
Selon les informations que nous avons réunies, tous les hommes et garçons considérés comme étant en âge de se battre (à partir de 14 ans) qui avaient fui Falloujah et ses environs ont été séparés de leurs proches et placés en détention par les forces de sécurité irakiennes, à des fins de filtrage de sécurité et pour des interrogatoires.
Des responsables locaux nous ont dit que le 22 juin, quelque 10 000 hommes étaient détenus dans un bâtiment situé à Amariyat al Falloujah. Des responsables ont indiqué que près de 500 personnes sont quotidiennement filtrées étant donné que plusieurs services de renseignement participent à ces opérations, chacun utilisant sa propre base de données informatisée.
Les détenus sont soumis à des conditions de détention inhumaines : surpeuplement, manque de latrines et d'autres équipements sanitaires, et manque de biens de première nécessité tels que des articles d'hygiène personnelle... Des responsables locaux nous ont dit que certains détenus se trouvent dehors sans protection contre la chaleur. Au moins 150 détenus ont été transférés, pour une enquête plus poussée, au Département de la lutte contre le terrorisme, et sont privés de tout contact avec des avocats et avec leur famille.
Homicides, tortures et disparitions forcées
653 hommes et garçons de Saqlawiya ont été soumis à une disparition forcée depuis qu'ils se sont livrés à des combattants des Unités de mobilisation populaire, composées essentiellement de milices chiites, début juin.
Des anciens détenus venant de Saqlawiya ont dit avoir été torturés et soumis à d'autres mauvais traitements, et avoir été témoins de morts en détention. Des membres de la commission d'enquête créée par la province d'Anbar ont dit avoir rassemblé des informations sur 49 cas d'homicides illégaux d'habitants de Saqlawiya commis par des combattants des Unités de mobilisation populaire. Ils ont indiqué que certaines des victimes étaient mortes sous la torture, et que d'autres avaient été abattues ou traînées sur le sol par un véhicule roulant à toute vitesse.
Les autorités irakiennes doivent veiller à ce que des enquêtes indépendantes soient menées sur les allégations de torture, d'homicides illégaux et d'autres crimes de droit international commis par des membres des Unités de mobilisation populaire, afin que les responsables présumés soient déférés à la justice et jugés dans le cadre de procès équitables. Les personnes détenues qui sont soupçonnées d'infractions dûment prévues par la loi doivent être déférées dans les plus brefs délais à la justice, et autorisées à prendre contact avec leurs avocats et leurs proches, faute de quoi les autorités doivent les libérer et leur rendre leurs papiers d'identité.