À l'heure où le gouvernement de Donald Trump se prépare à étendre le programme américain de frappes meurtrières par drones, avec un risque accru de faire des victimes civiles et de commettre des homicides illégaux, nous appelons quatre pays européens à revoir de toute urgence le soutien opérationnel et l'aide en matière de renseignement qu'ils apportent à ce programme.
Sous plusieurs gouvernements américains successifs, nous avons fourni des exemples d’attaques de drones ayant tué des personnes qui ne participaient pas directement aux hostilités et ne constituaient pas une menace imminente pour la vie humaine, dont des enfants.
Le nouveau rapport que nous publions, intitulé Deadly Assistance: The role of European states in US Drone Strikes, s'appuie sur des informations issues de sources libres d'accès pour déterminer la nature de l'aide apportée par le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie au programme américain d'attaques par drones. Ce rapport montre que ces pays risquent d'être tenus pour responsables de violations du droit international.
Des attaques mortelles soutenues par les pays européens
Les gouvernements britannique, allemand, néerlandais et italien soutiennent depuis des années le programme secret d'homicides mené à travers le monde par les États-Unis, auquel ils apportent des renseignements et des infrastructures essentiels malgré la multiplication des victimes civiles et les allégations d'homicides illégaux, dont certains sont constitutifs de crimes de guerre.
Selon le Bureau of Investigative Journalism (BIJ), jusqu'à 1 551 civils ont été tués par des attaques de drones menées par les États-Unis en Afghanistan, au Pakistan, en Somalie et au Yémen depuis 2004. Le nombre de ces attaques a fortement augmenté depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Le Conseil de relations extérieures, groupe de réflexion basé aux États-Unis, a estimé que le président américain avait approuvé au moins 36 attaques de drones ou opérations spéciales sous forme de raids durant les 45 premiers jours de son mandat.
Selon les médias, Donald Trump a aussi supprimé les rares protections qui existaient sous le gouvernement Obama en ce qui concerne le programme d'attaques par drones. Une nouvelle politique, encore tenue secrète, autoriserait ce programme à prendre pour cible un nombre bien plus grand de personnes même si elles ne sont pas clairement identifiées.
Dans le rapport, il est démontré que :
le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas communiquent des renseignements qui permettent aux États-Unis de localiser les cibles potentielles qu'ils souhaitent soumettre à une surveillance accrue ou frapper au moyen d'un drone ;
l'Allemagne et les Pays-Bas fournissent des données (par exemple des informations sur les communications, telles que l'heure et le lieu de certains appels téléphoniques) susceptibles d'être utilisées pour déterminer les cibles des frappes ;
le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie autorisent les États-Unis à agir depuis des bases situées sur leur territoire, leur offrant ainsi des infrastructures essentielles en termes de communication et de renseignement, qui permettent la transmission d'informations entre les opérateurs des drones aux États-Unis et les drones armés qui procèdent à des frappes meurtrières dans différents pays de la planète ;
l'Italie autorise les États-Unis à faire décoller des drones armés depuis une base américaine en Sicile pour des frappes défensives.
Ces accords ne sont certainement que la partie émergée de l'iceberg que représente le réseau complexe et sophistiqué de soutien européen aux attaques de drones américaines.
Une aide qui manque de transparence
Compte tenu du secret qui entoure ces opérations, il est difficile de déterminer quelles garanties ces États ont mises en place pour s'assurer de ne pas apporter leur aide à des attaques de drones illégales – si tant est que de telles garanties existent.
Le manque de transparence, qui caractérise le programme américain d'attaques par drones, limite l'obligation de rendre des comptes et prive les victimes et leurs familles de l'accès à la justice.
Un rapport de 2013 a rendu compte de la mort de 18 ouvriers, dont un adolescent de 14 ans, ainsi que d'une femme de 68 ans, tués par plusieurs attaques de drones au Pakistan. Les États-Unis et les pays européens ne se sont jamais engagés publiquement à enquêter sur les possibles homicides illégaux signalés
Par exemple, des documents du Quartier général des communications du gouvernement britannique (GCHQ) transmis au Guardian par Edward Snowden ont montré qu'un programme de surveillance situé au Royaume-Uni avait facilité, en mars 2012, une attaque de drone au Yémen, qui avait visé et tué deux membres présumés d'Al-Qaida dans la péninsule arabique.
Selon le BIJ, cette attaque avait aussi fait un mort (un homme de 60 ans) et six à neuf blessés (dont six enfants) parmi les civils. À l'époque, le GCHQ s'était refusé à tout commentaire.
Le secret absolu qui entoure le programme américain d'attaques au moyen de drones – y compris en ce qui concerne les accords conclus avec d'autres États – entraîne une absence systématique d'obligation de rendre des comptes, tant pour les États-Unis que pour leurs partenaires européens.
La sécurité nationale est utilisée comme prétexte pour échapper à toute vérification extérieure. Il est effrayant de penser que des États européens apportent une aide susceptible d'être utilisée par les États-Unis pour prendre des décisions de vie ou de mort sans aucune surveillance ou presque.
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Des frappes aériennes illégales
Le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie ne doivent plus apporter leur aide aux attaques de drones américaines susceptibles de violer le droit international relatif aux droits humains.
En outre, ces quatre pays doivent ouvrir des enquêtes publiques exhaustives sur l'aide qu'ils apportent au programme américain d'attaques par drones. Ces États doivent veiller à ce que des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales soient menées sans délai sur tous les cas où il existe des motifs raisonnables de penser qu'ils ont contribué à une attaque de drone ayant entraîné des homicides illégaux.
Il est demandé depuis toujours aux États-Unis de veiller à ce que leur utilisation des drones soit conforme aux obligations qui leur incombent aux termes du droit international, notamment au titre du droit international relatif aux droits humains et, le cas échéant, du droit international humanitaire.
Les réponses des gouvernements concernés
Nous avons envoyé un résumé de ses conclusions et de ses recommandations aux autorités du Royaume-Uni, de l'Allemagne, des Pays-Bas et de l'Italie. À l'heure de la publication de ce rapport, seuls les gouvernements néerlandais et allemand ont répondu.
Les Pays-Bas ont affirmé qu'ils ne coopéraient pas avec des homicides ciblés illégaux. Ils ont aussi déclaré que le ministre de la Défense avait adopté et mis en œuvre une série de recommandations formulées par la Commission de surveillance des services de renseignement et de sécurité à propos des garanties destinées à éviter la fourniture de renseignements qui pourraient être utilisés par d'autres États dans le cadre d'un recours illégal à la force.
Cependant, cette réponse a confirmé que les Pays-Bas n'avaient pas de ligne de conduite spécifique concernant l'aide apportée aux opérations meurtrières des États-Unis, dont le programme d'attaques par drones.
Le ministère allemand des Affaires étrangères a répondu que, en ce qui concerne les questions sur les services de renseignement, il ne pouvait donner des informations qu'aux commissions de contrôle parlementaires concernées, dont les communications sont secrètes.
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