La troisième conférence des Etats parties au Traité sur le commerce des armes (TCA) est terminée. Retour sur cette semaine mouvementée
Le Japon a été élu pour présider la prochaine conférence, qui se tiendra au Japon, à Tokyo, sauf impossibilité majeure. Ce qui posera de nombreux défis pour assurer une participation maximale des États comme des ONG - en particulier pour les petits acteurs. C’est un véritable enjeu car le niveau de participation est le reflet de l’intérêt que porte les États au TCA. Le Japon ne sera pas seul. Un certain nombre de pays l’épauleront en tant que vice-président de la conférence. Parmi eux la France. Voilà une excellente occasion de mobilisation pour que la France soit à la hauteur de ses fonctions.
Un mot d’ordre : « Universalisation »
La présidence du Japon représente un enjeu certain pour l'universalisation du TCA. En effet, durant cette conférence nous avons pu nous rendre compte que l’Asie ne comportait que très peu d’États Parties au Traité. De fait, c’est la partie du monde qui réunit le moins d’États parties au TCA (4 en tout).
La présidence du Japon pourrait donc envoyer un message fort à ces pays. Lors d'un événement parallèle, qui s’est tenu le dernier jour de la conférence, l'ambassadeur du Japon a affirmé vouloir revenir sur le cœur du Traité à savoir la régulation du commerce des armes et la réduction de la souffrance humaine. Ceci dit lors de ce même événement, malgré de nombreuses interpellations de la société civile le futur président de la conférence des Etats parties n'a pas beaucoup tendu la main aux ONG pour travailler ensemble...
Lire notre dossier : troisième conférence sur le TCA
Des débats de fond mais où sont les actes ?
On ne peut que noter l’absence de débat de fond sur un certain nombre de transferts d’armes irresponsables ou illégaux. La France, dans une de ses déclarations officielles a salué le travail de la société civile et l’a invitée à maintenir le Traité en haut de l’agenda politique. Certes ! Et la France que fait-elle ? Une nouvelle fois Amnesty International appelle la France à cesser ses exportations d’armes à destination de la coalition militaire engagée au Yémen, et en particulier à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, dès lors qu’il existe un risque majeur qu'elles puissent contribuer à de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains au Yémen. Ce risque n’est plus à démontrer.
Enjeux institutionnels
Une conférence ce sont aussi de nombreuses questions administratives ou logistiques, mais qui ont une importance majeure. Ainsi, en va-t-il des questions de traduction et d’interprétation. Auparavant les travaux intersessionnels des trois groupes de travail (mise en œuvre, universalisation, transparence) se déroulaient uniquement en anglais. Il en a résulté une faible participation des États. Dorénavant, documents et prises de parole, bénéficieront de la traduction et de l’interprétariat en français et espagnol. Ainsi, il sera également plus facile de mobiliser les experts dans les capitales qui ne sont pas nécessairement anglophones. Autre enjeu, accroître les capacités du Secrétariat du TCA composé de 3 personnes et dont les tâches ne cessent de croître. Un salarié supplémentaire a été demandé aux États parties. Curieusement ou pas, britanniques et américains, n’y sont pas favorables. Ce n’est guère étonnant, le Secrétariat est un enjeu politique : doit-il rester petit et se consacrer a des tâches minimales ou prendre une place plus importante, de façon à en faire plus qu’un organe administratif. Autre enjeu et non des moindres, les nombreux pays qui ne payent pas leur contribution handicapant ainsi la vie du TCA. C’est une problématique récurrente de la vie des traités. Récemment, la réunion du groupe d’experts sur les systèmes d’armes létaux autonomes n’a pu se tenir, les États participants à la Convention sur certaines armes classiques ayant manqué à leurs obligations financières.
Les ONG en mouvement
Si l'on s'arrête aux différentes déclarations officielles et débats de la conférence, vous ne sauriez que la moitié de ce qui se passe durant ce genre d’événement. C'est surtout dans les couloirs que les choses se passent. Certes, la société civile a interpellé de manière très visible les participants à la conférence avec une action photo devant les Nations-Unies, la distribution de cartes postales dénonçant les violations des droits humains dû à l'afflux d'armes, des événements parallèles, mais ce n'est pas tout. Amnesty International est également allée à la rencontre des représentants de divers pays tels que le Tchad, le Cameroun, le Sénégal pour leur transmettre nos recommandations pour un TCA réellement efficace et leur faire part de nos inquiétudes concernant la transparence des rapports annuels des États relatifs à leurs exportations et importations. Nous leur proposons également notre aide s'ils ont besoin d'informations ou de contacts utiles, par exemple. Nous avons pu avoir également des entretiens avec la délégation française et celle du Royaume-Uni pour échanger sur leur système de contrôle et sur la manière dont ils peuvent agir pour la mise en œuvre et l'universalisation du Traité. A force de pressions et d'interpellations nous restons convaincus que nous pouvons faire une différence. Les rencontres inter-associatives sont également très importantes tout au long de la conférence pour échanger des informations et réfléchir à comment on peut s'entraider et mutualiser nos forces pour que réellement un jour on puisse voir les effets bénéfiques que peut avoir le TCA dans le monde.