Avec une dizaine d'ONG, nous demandons dans trois actions juridiques distinctes, la suspension des livraisons d'armes à Israël. Explications.
Notre référé rejeté
Samedi 13 avril, nous avons appris avec regret le rejet de sa demande de suspension en urgence de certaines licences exportation d’armes à destination d’Israël. Le juge administratif a rejeté notre requête s’estimant incompétent.
Ce contentieux vient mettre en exergue l’opacité du gouvernement français en matière de ventes d’armes et l’absence de contrôle parlementaire. Le juge administratif étant incompétent, qui l’est pour examiner les exportations d’armes décidées par le pouvoir exécutif ?
Nous avons fait appel de ce rejet le 29 avril 2024. Le Conseil d’État a rejeté notre pourvoi le 1er mai confirmant la décision du Tribunal administratif du 13 avril.
En parallèle, d’autres requêtes présentées d’une part par un collectif d’associations et de syndications dont l’AFPS et Attac et d’autre part par les ONG Aser, Stop Fuelling War et Acat France ont également été rejetées.
Enfin, nous avons saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, le Premier ministre ayant par refus tacite rejeté notre demande d’accès aux informations relatives aux licences d’exportations d’armes pour lesquelles nous avons fait notre référé-liberté en avril 2024.
Entre le 8 avril et le 12 avril, des avocats d’Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER), d’un collectif d’ONGs représentant Attac, la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), l’Association des Marocains de France (AMF), le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l'Homme en Tunisie (CRLDHT), l’Union Syndicale Solidaires, ainsi que d’Amnesty International France, ont déposé trois référés devant le Tribunal administratif de Paris concernant les autorisations de transferts d’armes délivrées par les autorités françaises au bénéfice d’Israël.
Trois organisations s’associent également via des interventions volontaires à la procédure d’urgence : l’ACAT-France et Stop Fuelling War pour la procédure lancée par ASER et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) pour celle que nous avons initiée.
Ces trois démarches juridiques distinctes ont pour objectif de faire respecter les engagements internationaux de la France.
Le 9 avril 2024, maître Matteo Bonaglia, pour le compte de l’ONG Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER), a saisi le Tribunal administratif de Paris au moyen d’une procédure d’urgence à laquelle les associations Acat France et Stop Fuelling War s’associeront par intervention volontaire. Le référé suspension auquel il est recouru vise à demander la suspension d’une licence d’exportations de matériels de guerre relevant de la catégorie ML3 (munitions et éléments de munitions) à destination d’Israël.
Puis Maîtres William Bourdon et Vincent Brengarth, pour le compte d’un collectif d’associations et de syndicats, doit saisir le Tribunal administratif de Paris au moyen d’une procédure d’urgence. Le référé-liberté auquel il est recouru vise à demander la suspension de toutes les licences d’exportation de matériels de guerre et de biens à double usage à destination d’Israël.
Enfin, Maîtres Marion Ogier et Lionel Crusoé, pour le compte d’Amnesty International France, doivent saisir le Tribunal administratif de Paris au moyen là aussi d’une procédure d’urgence sous la forme d’un référé-liberté. Il s’agit d’obtenir la suspension des licences d’exportation de matériels de guerre pour les catégories ML5 (matériels de conduite de tir) et ML15 (matériels d’imagerie) à destination de l’Etat d’Israël. La Ligue des droits de l’Homme (LDH) s’y associe par une intervention volontaire qu’elle forme à l’appui de cette requête.
La France viole les règles internationales
Parmi ces démarches juridiques donc, le référé-liberté porté par Amnesty International France et associant la LDH, qui a été déposé le jeudi 12 avril 2024 auprès du Tribunal administratif de Paris.
Notre objectif : obtenir la suspension des licences d’exportation de matériels de guerre pour les catégories ML5 (matériels de conduite de tir) et ML15 (matériels d’imagerie) à destination de l’Etat d’Israël.
En effet, Il existe clairement un risque que les armes et les équipements militaires que la France exporte vers Israël soient utilisés pour commettre de graves crimes contre des populations civiles dans la bande de Gaza occupée. Ce faisant, la France viole les règles internationales relatives notamment au Traité sur le commerce des armes et risque de devenir complice de violations du droit international – y compris de crimes de guerre – et d’un possible génocide.
Nos ONGs soulignent que ces démarches contentieuses s’inscrivent dans un contexte de très graves violations du droit international humanitaire justifiant une urgence dans la réponse de la justice. Tous les Etats parties à la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948), dont la France, ont l'obligation de prévenir la commission du génocide et de s'abstenir de contribuer à sa commission.
La France ne peut pas ignorer le fait que des composants français pourraient être utilisés dans la bande de Gaza car assemblés dans des armes israéliennes. Peu importe la quantité et le montant des matériels de guerre transférés, la France n’a qu’une seule responsabilité : s'assurer que ses transferts d'armes n'emportent pas un risque substantiel d'être utilisés pour commettre ou faciliter des violations graves des droits humains et du droit international humanitaire.
Jean-Claude Samouiller, Président d’Amnesty International France
L'obligation d’agir face au risque de génocide dénoncé par la CIJ
Alors que la CIJ, le 26 janvier, a statué sur le caractère plausible d’un génocide en cours et qu’elle a établi le 28 mars que la situation continuait à se détériorer dans la bande de Gaza, la famine n'étant plus seulement un risque mais une réalité, la France comme tous les Etats parties à la Convention sur le génocide, a une obligation d’agir pour mettre fin à cette situation. Elle s’ajoute à celles qui sont formulées par le Traité sur le Commerce des Armes, ratifié par la France, et par la Position commune de l’Union européenne en matière d’exportation d’armes.
Or il apparaît de plus en plus clairement, à travers les réponses du gouvernement aux différentes interpellations écrites et orales qui lui ont été adressées, que la France continue de livrer du matériel de guerre à l’Etat d’Israël. Avec l’affaire Eurolinks révélée par le média d’investigation indépendant Disclose, ces livraisons de matériels militaires sont apparues au grand jour.
Nos organisations, chacune porteuse de son histoire et de la logique d’élaboration de son action contentieuse, ont décidé de coordonner leurs actions. C’est une situation inédite, qui répond à l’extrême gravité des crimes commis par le gouvernement israélien contre le peuple palestinien dans la Bande de Gaza.
Les ventes d'armes à Israël : un enjeu de droit international
La décision de la CIJ du 26 janvier 2024 a mis sur le devant de la scène la question des ventes d’armes à Israël comme enjeu de droit international.
Des démarches contentieuses ont déjà été engagées dans différents pays par des collectifs d’ONGs au Danemark et aux Pays-Bas ; avec succès dans ce dernier pays.
Dès le 5 février, la Région wallone (Belgique) a annoncé la suspension temporaire de deux licences d’exportation de poudre à Israël sous la pression des ONGs.
L’Espagne, l’Italie et le Canada ont suspendu temporairement et en partie leurs transferts d’armes.
Au niveau international, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a officiellement demandé le vendredi 5 avril l’arrêt des ventes d’armes à Israël. La France s’est abstenue lors du vote.