En juillet dernier, à Djouba, la capitale du pays, les forces du gouvernement du Soudan du Sud ont tué et violé de nombreux civils. Des violations alimentées par le commerce des armes.
Des soldats du gouvernement sud-soudanais ont tué des hommes appartenant à l’ethnie nuer, violé des femmes et des jeunes filles et mené des opérations massives de pillage.
Ces attaques commises par les forces gouvernementales montrent une fois de plus qu'un embargo sur les armes doit être mis en place d'urgence au Soudan du Sud, afin de stopper les flux d'armes, et qu'un mécanisme efficace chargé d'en contrôler le respect doit être instauré. Les États ne doivent pas tirer profit d'armes utilisées pour tuer des civils.
Le nouveau rapport, intitulé “We did not believe we would survive”: Killings, rape and looting in Juba, expose les crimes de droit international commis par les forces gouvernementales, ainsi que la réaction décevante et insuffisante de l'ONU. Il est basé sur les recherches menées sur le terrain par Amnesty International en juillet, août et septembre 2016, et offre des informations détaillées sur les homicides délibérés, les attaques menées sans discrimination, les viols et les pillages massifs commis par les forces sud-soudanaises.
Lire aussi : des viols et des meurtres à cause de l’inaction de l’ONU
Les civils, premières victimes des armes
La petite Joy Kamisa, âgée de six ans, a été tuée par une roquette tirée par un hélicoptère de combat, qui a frappé la maison de sa grand-mère dans le quartier de Gudele à Djouba.
Nyamuch, qui avait deux ans et demi, est morte des suites de ses blessures causées par un éclat d'obus qui l'a touchée à la tête. La petite fille et plusieurs de ses proches, qui vivaient dans un site protégé réservé aux civils (site pour la protection des civils) sur une base de l'ONU située dans le quartier de Jebel à Djouba, ont été touchés par un engin explosif alors qu'ils tentaient de s'enfuir pour rejoindre la base principale de l'ONU. Ses proches ont survécu à leurs blessures.
Biel Gat Kuoth, 26 ans, était assis chez son grand-père quand, selon un témoin, « une balle a surgi de nulle part » et l'a atteint à la jambe droite, lui brisant le tibia. La blessure s'est infectée et il est mort quelques jours plus tard.
Lili est morte chez elle, dans le quartier de Gudele, quand sa maison a été délibérément écrasée par un char des forces gouvernementales.
Les tribus, premières cibles des soldats
Les combats ont commencé le 8 juillet au palais présidentiel, avec des échanges de tirs entre des soldats fidèles au président Salva Kiir et des combattants s'étant ralliés au premier vice-président Riek Machar. Les forces gouvernementales ont rapidement ciblé des personnes en raison de leur appartenance ethnique et de leur affiliation politique présumée.
John Gatluak Manguet Nhial, un journaliste de 32 ans portant sur le visage des scarifications nuers, a été abattu par un soldat des forces gouvernementales au cours d'une descente au Terrain Hotel le 11 juillet, quand d'autres soldats ont crié « un Nuer, un Nuer ».
Une jeune femme de 24 ans dinka, dont le mari nuer est porté disparu depuis juillet, affirme que des soldats du gouvernement ont envahi la propriété familiale et arrêté son mari et son beau-frère. Quand elle a dit aux soldats que les deux hommes travaillaient pour le gouvernement, ils lui ont répondu que malgré cela, ils restaient des Nuers et que « les Nuers sont des rebelles ».
Ma vie est brisée. Sans lui, je n'ai plus aucun espoir. »
Une femme dinka dont le mari est porté disparu
Les soldats étaient aussi à la recherche de femmes nuers pour les violer, dans le but non seulement de leur faire du mal mais aussi d'humilier et de punir leur mari.
Ton mari est un Nuer, c'est notre ennemi. »
Une femme nuer violée par trois soldats
Des soldats du gouvernement ont aussi violé d'autres femmes et jeunes filles n'appartenant pas au groupe ethnique dinka. Un membre du groupe ethnique kuku a dit que ses deux sœurs, âgées de 14 et 17 ans, ont été violées par des soldats le 11 juillet dans la propriété familiale, dans le quartier de Munuki, à Djouba. Il a expliqué que les soldats, qui ont aussi pillé la propriété, ont accusé la famille de soutenir Machar.
Lire aussi : L'histoire des attaques chimiques au Darfour
Utilisation de boucliers humains par l'opposition
Le rapport fait également état d'atteintes aux droits humains commises par l'opposition armée, l’Armée populaire de libération du Soudan-Opposition (APLS-Opposition). Il montre de façon détaillée que des combattants de l'opposition ont pénétré dans les sites de protection des civils sur la base de l'ONU située dans le quartier de Jebel plusieurs fois les 10 et 11 juillet, et au moins une fois en grand nombre.
On ignore si les combattants ont ainsi voulu se protéger contre des attaques ou gêner des opérations militaires, ce qui constituerait le crime de guerre consistant à utiliser des boucliers humains, mais quelle que soit leur intention, ces agissements ont mis en danger les milliers de civils qui s'abritaient dans ces sites.
Autre problème, le fait que la base du SPLA-IO se trouve dans le quartier de Jebel adjacent au site de protection pour les civils, les civils se trouvant dès lors à proximité des affrontements entre les forces gouvernementales et celles de l'opposition.
Ce rapport est rendu public à la veille d'une mission de terrain effectuée au Soudan du Sud par le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine du 28 au 30 octobre.
Le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine doit se pencher lors de sa visite sur les violences perpétrées en juillet, et à prendre des mesures pour garantir la création d'un tribunal hybride indépendant qui soit à même d'enquêter et d'engager des poursuites contre les auteurs présumés de ces actes et d'autres crimes.